ÉDUCATION : La filière scientifique intéresse peu de Mauriciens

Le PlanetEarth Institute (PEI), une organisation non-gouvernementale internationale qui oeuvre pour l’indépendance scientifique de l’Afrique, lancée le mois dernier à Maurice, vise le développement d’un vaste programme appelé « Partnership for Applied Sciences, Engineering and Technology » (PASET) en Afrique. Son objectif est d’accroître la capacité des universités à générer des connaissances pertinentes en offrant des bourses d’études pour la formation de 10 000 doctorants africains au cours des dix premières années. Maurice figure dans ce plan mais la filière scientifique intéresse peu d’étudiants.
Jusqu’ici, la filière scientifique n’a été valorisée à Maurice que dans l’agriculture, particulièrement dans le secteur sucrier, où au fil des ans, l’île s’est fait un nom dans la technologie sucrière qui attire toujours des chercheurs et des étudiants étrangers. La technologie du textile et les sciences sociales ont émergé avec la mutation économique des années 80/90 mais très vite ces secteurs ont été saturés en termes d’emplois. Les étudiants se sont, alors, lancés vers les finances et la comptabilité, l’informatique, le marketing et la gestion, supposément des secteurs plus porteurs.
Jehane, une étudiante de 22 ans, qui a étudié la science au collège pendant huit ans, est à sa quatrième année d’études en droit. « J’ai abandonné ma passion pour la science à cause du peu de possibilités d’emploi dans ce domaine à Maurice. Les études coûtent très cher et les salaires ne suffisent pas à rembourser vos prêts étudiants. Malheureusement, la passion pour la science ne paie pas ses factures », dit-elle. Mais pour d’autres comme Tatsha, étudiante en biochimie à l’Université de Maurice, la science fait partie de leur vie. « C’est la raison pour laquelle j’ai choisi la filière scientifique pour mes études tertiaires. C’est ça que je voulais faire et je suis là. Après, je ne sais pas », déclare-t-elle.
Dans les entreprises, on ne recrute pas beaucoup en ce moment, qu’importe si les demandeurs viennent de la filière scientifique ou pas. Haresh Vyas, un entrepreneur dans les TIC, rapporte cette anecdote : « Environ 80 % des étudiants de la classe de ma fille avaient choisi, il y a quelques années, des études en économie et finances, conseillés par leurs parents qui pensaient qu’on allait avoir, à Maurice, 20 000 emplois dans un futur proche. Aujourd’hui, les comptables sont au chômage. Moi, je cherche un monteur vidéo, je n’en trouve pas. On est en train de promouvoir l’île comme un hub financier et on fait croire que les possibilités d’emplois n’existent que dans ce domaine. Malheureusement, il n’y a pas une culture scientifique à Maurice. »
De son côté, Theeshan Bahorun, professeur de biotechnologie et de la biochimie appliquée à l’Université de Maurice, trouve que l’intérêt pour la science est là « mais la réalité économique dicte sa loi ». « On n’investit pas assez dans la recherche et les sciences à Maurice — seulement 0,03 % de notre Produit national brut (PNB) comparé à 3 à 4 % à Singapour. C’est une des raisons pour lesquelles les universités publiques n’ont pas de grande vision pour le développement scientifique et la recherche », affirme-t-il. Selon lui, « il existe un potentiel énorme, il y a des gens compétents mais il leur manque des moyens, des ressources, des équipements et surtout de l’expertise ». « On n’a qu’une quinzaine de professeurs qui regroupent toutes les filières scientifiques pour une population de 1,2 million. C’est extrêmement peu. Le nombre d’emplois est aussi limité dans le domaine par le fait qu’il n’y a pas assez d’entreprises dans ce secteur », explique notre interlocuteur.
Mutation et réalité économique obligent, Maurice devra valoriser d’autres filières scientifiques qui débouchent sur des emplois concrets, surtout par rapport à l’économie océanique qui est en voie de développement actuellement, estime l’assistant professeur d’université Shafick Osman. « Il y a les filières des sciences dures, du génie civil, du génie mécanique, des sciences physiques qui demandent à être valorisées de plus en plus et de nouveaux secteurs porteurs pour l’économie mauricienne tels que la biotechnologie. Il est très important qu’il y ait un travail de sensibilisation qui se fasse dans les établissements supérieurs pour orienter les étudiants vers ces nouveaux secteurs, non seulement pour les besoins d’emplois mais aussi pour de la valeur ajoutée et pour perpétuer cette tradition de la recherche à Maurice », fait ressortir M. Osman.
Outre l’économie océanique, les « smart cities » se développent à grande vitesse. Comme par le passé, ces secteurs auront, eux aussi, besoin du soutien des experts ou de l’expertise technique étrangère pour réussir.

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