Electoral Gambling : Le ciblage tactique de l’électorat

  • Pravind Jugnauth ouvre la boîte de Pandore le 1er janvier en annonçant l’enseignement supérieur tertiaire gratuit au coût de Rs 600 M et un « target » de 15 000 à 25 000, dont des « fi rst time voters »
  • L’alignement de la pension de retraite au Minimum Wage nécessitera une injonction budgétaire d’au moins Rs 6 milliards en faveur des 213 785 bénéfi ciaires recensés à novembre dernier
  • La FSSP de Rashid Imrith accentue la pression pour le paiement de trois incréments additionnels aux salariés du secteur privé, soit de l’ordre de Rs 1, 2 milliards annuellement
  • Le FMI débarque à la mi-janvier pour des Article IV Consultations sur l’économie avec déjà des craintes d’une décélération de la croissance en 2019 relevée par l’EIU et l’agence de notation Fitch

Avec la reprise full blow des activités à partir de lundi, après la trêve des fêtes de fin d’année, les préoccupations de l’économie semblent vouloir prendre le dessus. D’un côté, les observations et prévisions de l’Economist Intelligence Report dans le Mauritius Country Report Fourth Quarter 2018 sur une décélération du taux de croissance économique de 2019 suscitent l’irritation à l’Hôtel du gouvernement. Mais l’agence de notation internationale Fitch épouse la même thèse d’un ralentissement de la croissance pour cette année électorale. La mission du Fonds Monétaire International (FMI), attendue à Maurice le mercredi 16, tentera de remettre les pendules à l’heure sur les Article IV Consultations, exercice annuel passant en revue l’évolution des paramètres de l’économie.

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Toutefois, après le message du Nouvel An du Premier ministre, Pravind Jugnauth, comprenant une double annonce de la gratuité de l’enseignement supérieur dans les institutions publiques à partir de la prochaine rentrée, et de la carotte d’une révision salariale dans le secteur public avant la prochaine application du rapport du Pay Research Bureau en janvier 2021, le ton de la campagne en vue des prochaines élections générales est donné. Que ce soit pour l’enseignement tertiaire gratuit pour les Mauriciens, les « kozé » d’un alignement de la pension de retraite à 60 ans sur le Minimum Wage ou encore la politique de portes ouvertes en vue d’un rajustement salarial avant le prochain rapport du PRB, Lakwizinn du Prime Minister’s Office procède à un exercice de ciblage systématique de l’électorat en prévision de l’échéance des prochaines législatives, dont le calendrier devrait se préciser en marge du ruling du Judicial Committee of the Privy Council dans le scandale MedPoint du 15 janvier.

Dans l’immédiat, l’Electoral Gambling demeure à l’ordre du jour. De par la succession d’initiatives, le Premier ministre et leader du MSM ne laisse aucun doute planer sur le government business en ce début d’année. La stratégie de l’Hôtel du gouvernement est de cibler des franges de la population en vue de les convaincre à la cause de l’alliance MSM/Muvman Liberater avec pour objectif de déterminer « la base électorale ». Certes, depuis la fin de l’année dernière, Pravind Jugnuath ne se cache pas pour jouer publiquement avec l’idée d’une augmentation de la pension de vieillesse à Rs 6 210 au niveau du National Minimum Wage.

Jusqu’ici, le Premier ministre prend soin d’éviter d’évoquer directement le chiffre, même si lors d’une de ses dernières sorties publiques à la fin de l’année dernière, il a confirmé que l’équation Old Age Pension/Minimum Wage pourrait se matérialise. D’autres sources, proches des Top Chefs de Lakwizinn, qui sont déjà en mode de rassembler les ingrédients pour les élections générales, ce ne sera nullement une surprise si cette mesure fait partie du prochain programme électoral de toute alliance, menée par le MSM.

En contrepartie, le coût de cette « promesse électorale », aussi légitime qu’elle pourrait être pour les bénéficiaires, demande à être évalué. A la fin de l’année, le ministère de la Sécurité sociale assurait le versement de la pension de retraite à 213 785 Mauriciens, âgés de 60 à 89 ans. Sur le plan du calcul politique, cela représente presque un électeur sur quatre (24 % des inscrits sur les registres de la Commission électorale). Mais il faudra trouver en moyenne quelque Rs 490 millions supplémentaires par mois, ou encore quelque Rs 6 milliards en une année, pour traduire dans la réalité cette intention électorale.

Dans l’immédiat, dans son message à la nation du 1er janvier, Pravind Jugnauth a préféré s’attaquer à un dossier moins indigeste sur le plan budgétaire que la pension de vieillesse. La gratuité de l’enseignement tertiaire nécessitera une injection des fonds publics chiffrée à quelque Rs 600 millions. Ce détail circule à l’Hôtel du gouvernement depuis la reprise de 2019, même si dans d’autres milieux, l’on suppute que ce budget pourrait grimper jusquà Rs 1 milliard avec pour target une population estudiantine variant de 15 000 à 25 000 en tenant en ligne de compte ceux qui sont déjà dans des institutions tertiaires, que ce soit en première ou en deuxième année.

Rashid Imrith monte au créneau

La majorité de ces jeunes bénéficiaires s’avèrent être des first time voters à des élections législatives et cela sans compter les parents qui jusqu’ici devaient assurer le financement de ces études universitaires par de prêts bancaires et d’autres sacrifices. Cette annonce du 1er janvier suscite déjà des réactions des parents, dont les enfants suivent des cours dans des universités privées à Maurice ou qui sont inscrits sur des campus à l’étranger. La principale revendication, qui deviendra de plus en plus vocale, est que le gouvernement se doit au minimum d’accorder des ajustements dans les allocations d’exemption à l’Income Tax au titre des études supérieures dans le prochain budget.

Néanmoins, ce n’est pas le seul front de pression, qui s’est ouvert après le message du Nouvel An de Pravind Jugnauth. Caressant l’ensemble des fonctionnaires dans le sens du poil pour leur contribution au développement du pays, le chef du gouvernement a voulu faire preuve de sympathie par rapport à une révision salariale en prélude au prochain rapport du Pay Research Bureau, dont la publication est annoncée officiellement en octobre 2020 avec la mise en application à partir de janvier 2021.

« Mo assure zotte ki mo pe pran zotte reket en konsidérasyon », a déclaré le Premier ministre par rapport aux revendications des syndicats de la fonction publique. Pour l’exercice budgétaire en cours, les funded positions intégrées dans les estimates sont de 64 741, soit quelque 7 000 de plus qu’en mars 2018 avec en complément les membres du personnel des corps parapublics. Les demandes ne se font nullement attendre pour se préciser.

Saisissant la balle au bond, le président de la Fédération des syndicats du secteur public (FSSP), Rashid Imrith, est monté au créneau pour enfourcher son cheval de bataille en faveur du paiement de trois increments aux fonctionnaires en vue de rétablir la salary relativity dans le secteur public avec l’introduction du National Minimum Wage depuis le 1er janvier 2018.

En date du 4 janvier, il a de nouveau écrit officiellement au Premier ministre pour rappeler que la National Wage Consultative Act de 2016 stipule que « the Pay Research Bureau shall take such administrative measures as may be necessary to implement the national minimum wage and make any salary adjustment, where necessary, to address any problem of relativity distortion that may arise on the introduction of the minimum wage in the public sector ».

Le paiement de ces trois increments, réclamé par la FSSP depuis février 2018, représente des déboursements annuels de l’ordre de Rs 1, 2 milliard. Rashid Imrith est convaincu que cette mesure peut être appliquée dès ce mois-ci, « a keyboard click in the computerised processing of salaries », tout en demandant au Premier ministre d’émettre les instructions nécessaires à cet effet dans les prochains jours.

La démarche revendicatrice syndicale dans la fonction publique ne s’arrête pas là. Le syndicaliste Irmrith maintient que le prochain rapport du PRB peut être complété vers la fin de cette année, ouvrant la porte à une adoption anticipation des recommandations salariales. Il y a encore le unfinished business du rapport du PRB de 2016 sous forme de paiement du Performance Related Incentive Scheme.

Dans une correspondance adressée en fin d’année au Secretary for Public Service à ce sujet, Rashid Imrith note que « the Federation fears that no concrete action has been taken for the implementation of the relevant recommendations of the 2016 PRB Report with respect to the Performance Related Incentive Scheme ». S’appuyant sur la mise en application du Performance Appraisal System, cette fédération syndicale réclame le paiement de « one week salary to all employees of the Civil Service and three days’ pay to all employees posted to organisations/sections that have been ISO certified and maintained same for two years ».

Un menu électoral hors pair

En ce début d’année de campagne électorale, d’aucuns affirment que le message du Nouvel An constitue une boîte de Pandore, ouverte par les Top Chefs de Lakwizinn en croyant élaborer un menu électoral hors pair. C’est sans compter avec la surenchère politique potentiellement difficile à gérer au fur et à mesure que se précisera l’ultime échéance en cette dernière année de mandat et la pression des revendications en tous genres s’empilant à la porte du PMO au Treasury Building.

Dans le camp des partis de l’opposition, les différents moves du Premier ministre et leader du MSM sont suivis avec une attention redoublée tout en concédant un discounting effect par rapport au rendez-vous du 15 janvier devant le Privy Council. « A ce stade, même avec ces annonces de promesses électorales, il est difficile de se prononcer sur le calendrier électoral vu l’unknown que constitue la décision attendue du Privy Council », reconnaît-on au sein des états-majors des différents partis politiques.

Dernières joutes
électorales pour certains

En ce début de 2019, les tactiques électorales commencent déjà à se mettre en place. L’option d’une « broad enough anti-Alliance Lepep Coalition », appelée de tous ses voeux par l’Economist Intelligence Unit dans le dernier Country Report sur Maurice et donnée comme favor ite pour remporter les prochaines élections générales, arrive difficilement à prendre forme. Sur le terrain, les deux plus importantes formations politiques, susceptibles de constituer l’ossature de ce front anti-deal Piti/Papa, en l’occurrence le MMM et le Parti travailliste, ont signifié leur ferme intention d’affronter l’électorat en solo, sans la béquille d’alliance électorale, en alignant chacun 60 candidats issus de leurs propres rangs.

Ce scénario a pour effet que le PMSD de Xavier-Luc Duval, qui n’est pas encore arrivé à digérer la défaite à la partielle de Belle-Rose/Quatre-Bornes (No 18), garde encore un mince espoir d’un revirement de stratégie de son partenaire traditionnel, le Labour. Dans le camp du Mouvement patriotique, les premiers signes de déception sont visibles, car sans alliance, ce groupuscule politique, siégeant au Parlement, risquera gros aux élections générales.

La joute électorale, qui se dessine, pourrait constituer l’une des dernières pour des vétérans de l’hémicycle à l’image d’Alan Ganoo, qui y a été élu depuis 1982 dans son fief du No 14. Alors que d’autres comme le Deputy Prime Minister et ministre des Utilités publiques, et leader du Muvman Liberater, Ivan Collendavelloo, laissant sa place à Rose-Hill/Stanley (No 19) à son fils, le ministre du Tourisme, Anil Gayan, le ministre des Services financiers, Sudhir Sesungkur, l’ex-ministre Roubina Jadoo-Jaunbocus, l’ancien Deputy Speaker, Sanjeev Teeluckdharry ou encore les Raj Dayal, Kalyan Tarolah, Bashir Jehangeer, Sandya Boygah, Marie-Claire Monty, Zouberr Joomaye, choisissant délibérément de ne pas solliciter d’investiture ou encore d’être écartés de la liste de leurs partis. Il y a encore le ministre de la Pêche, Prem Koonjoo, qui pourrait ne pas briguer les suffrages de l’électorat.

Au QG du Sun Trust, deux cas de figure intriguent. Quel sera le sort politique de Yogida Sawmynaden, ce fidèle lieutenant de Pravind Jugnauth, qui avait osé débusquer politiquement Nandanee Soornack, celle par qui les malheurs de Navin Ramgoolam sont arrivés. Des sources bien informées avancent que ses chances d’être le colistier du leader du MSM au No 8 s’amenuisent ces jours-ci. Le président du MSM, Showkutally Soodhun, multiplie les contacts pour conserver ses chances d’une investiture.

Par contre, la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee, est donnée comme favorite pour se présenter aux côtés de Prakash Maunthrooa, Senior Adviser au PMO en instance de départ ces jours-ci à Piton/Rivière-du-Rempart (No 7) avec le retrait de l’arène politique annoncé de sir Anerood Jugnauth. L’un des Top Chefs de Lakwizinn, se présentant comme un Grand Communicateur, est donné comme candidat à Stanley/Rose-Hill (No 19). Le ministre Etienne Sinatambou pourrait émigrer à l’Ouest pour un siège au No 14.

Du côté du MMM, la liste des 60 candidats a été esquissée avec un exercice de Fine-Tuning envisagé avec la rentrée politique en ce début d’année. Une forte présence féminine est à signaler sur la liste des Mauves avec le come-back de Dany Perrier au No 18 et un membre de la famille Tacouri à Pamplemousses/Triolet (No 5) ou encore deux candidates féminines encadrant le député sortant, Veda Baloomoody, au No 1.

Dans le camp du Labour, des aspirants candidats travaillent déjà sur le terrain, à l’image de Fabrice David, qui effectuera une sortie publique dès ce dimanche après-midi dans la circonscription de Grande-Rivière-Nord-Ouest/Port-Louis-Ouest (No 1). Arvin Boolell, Osman Mohamed et Ritesh Ramful sont donnés comme des indéboulonnables du Labour respectivement aux No 18, No 2 et No 12.

Toutefois, force est de constater que d’ici le Nomination Day, beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts…

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