Émotions et larmes à La Haye et Pte-aux-Sables

Liseby Elysé a créé l’émotion aussi bien dans la salle d’audience à La Haye qu’à Maurice où son intervention était suivie par tout un groupe de Chagossiens dans le centre de GRC à Pointe-aux-Sables.

- Publicité -

C’est lors de l’intervention de Philippe Sands, “lead counsel” pour Maurice à La Haye que le clip du témoignage de Liseby Elysé, native de Peros, a été diffusé. « Je suis née le 24 juillet 1953 à Peros Banhos. J’ai eu une enfance heureuse là-bas. Nous vivions en paix aux Chagos lorsque l’administrateur est venu nous informer qu’il fallait quitter l’île parce que le Royaume-Uni avait pris l’archipel des Chagos. Les gens n’étaient pas contents. Ils étaient en colère et étaient désemparés. Pendant six mois, nous avions été privés de nourriture de base comme le riz, le lait, la farine et l’huile. Les enfants étaient malades et il y avait une pénurie de médicaments. Nous avions été forcés de quitter l’île. J’ai pris le dernier navire qui est arrivé à Peros Banhos en 1973. Nous ne pouvions même pas prendre nos animaux. Des gens hurlaient de désespoir. On pleurait et tout le monde était triste et avait très peur. Nous étions entassés dans un navire comme des animaux. Il nous a fallu quatre jours pour arriver à Maurice. J’étais enceinte de quatre mois. Le voyage était insupportable et lorsqu’il est né cinq mois plus tard, il est mort après quinze minutes. Je me sens coupable de n’avoir pas pu m’occuper de lui convenablement. Je suis très triste et mes larmes ne cessent de couler tous les jours. Et je pense sans arrêt que je dois retourner sur mon île natale. Je maintiens que je dois retourner sur l’île où je suis née et je dois mourir là où mes grands-parents ont été enterrés. »

À ce moment, elle a fondu en larmes dans le clip. Dans la salle d’audience où elle suivait les travaux au premier rang aux côtés des avocats, elle n’a pu s’empêcher de pleurer à ce moment, ce qui a nécessité l’intervention de Me Mc Donald qui est venu la consoler. À Pointe-aux-Sables où on attendait ce témoignage avec impatience, presque personne n’a pu retenir ses larmes à ce moment car ce témoignage leur renvoyait ces moments les plus pénibles de leur vie. C’était aussi un message d’espoir.

L’espoir que ces plaintes de Liseby Elysé qui étaient également les leur soient comprises par les 15 juges de la Cour internationale de justice. Eileen Talate se souvient des sacrifices consentis par sa mère Lisette Talate et renouvelle sa volonté de poursuivre sur la voie tracée par sa mère. Elle se dit solidaire avec l’équipe d’Olivier Bancoult. Outre le témoignage de Liseby Elysé, quatre autres témoignages de Chagossiens ont été déposés devant la CIJ. Tous vont dans le même sens. Rosemond Samynaden, née le 29 août 1936 à Bodha Salomon, a ainsi relaté : « Lorsqu’on nous a demandé de quitter l’île, nous ne pouvions apporter nos bagages, ni nos matelas ni une boîte dans laquelle nous avions mis nos vêtements. C’est un malheur d’être encore en vie à l’âge de 81 ans. J’aurais 82 bientôt.

Si j’ai l’occasion de retourner aux Chagos, je le ferai sans la moindre hésitation. Je recommencerai à me préparer immédiatement même si je ne peux plus travailler comme par le passé. Je pourrais partager mon expérience avec les autres. Je peux encore aller pêcher et cuisiner. Je connais très bien mon île et mon épouse m’accompagnera. Je voudrais mourir un jour paisiblement dans l’Archipel des Chagos ».

Marie Janine Sadien, elle, est née le 30 août à Bodham, à Salomon. Elle était venue à Maurice en 1966 pour accompagner sa tante malade qui devait se faire soigner. « En 1968, lorsqu’on a voulu retourner dans les îles Salomon, on nous a dit que les îles allaient être fermées et que nous ne pouvions y retourner. Ce fut un choc. C’était extrêmement difficile d’accepter que nous ne pouvions retourner chez nous. Si aujourd’hui, on nous demande de retourner, je le ferai immédiatement. Maurice est un beau pays, mais mon coeur est à Salomon. »

Maraie Mimose Furcy est née à Peros Banhos dans l’île du Coin. Elle était revenue à Maurice en 1967 pour accompagner sa soeur blessée. « Mon père nous avait dit que nous ne devions pas prendre nos effets personnels car nous allions revenir. Je me souviens encore qu’il avait fermé la porte, l’avait verrouillée et mis la clé de la maison dans sa poche. Nous ne savions pas que nous ne pourrions jamais y retourner. Mon père est décédé et n’a jamais pu ouvrir la porte. »

Rosemonde Bethin qui est née sur l’île Bodham le 19 octobre 1954 raconte : « Je suis venue à Maurice en 1972 parce que les îles Salomon avaient été fermées. Mon dernier enfant est né sur cette île en 1972 », explique-telle. Elle faisait partie de ceux qui avaient pu visiter l’archipel en 2006. « J’ai été surprise de voir que des tentes avaient été dressées pour que d’autres profitent sans limite de mon île natale. Je ne veux pas visiter l’archipel des Chagos. je ne suis pas une visiteuse. Je voudrais tenir la main de mes petits-enfants et les emmener dans ma maison. J’ai quatorze petits-enfants et ils sont tous enthousiastes à l’idée d’aller vivre dans l’archipel. »

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -