En toute (mé)connaissance de cause

J’assiste en ce moment, sur les réseaux sociaux, à une cyber-levée de boucliers pour défendre la ‘cause’ de certains ‘citoyens’ dont les droits auraient été bafoués… et qui se retrouvent derrière les barreaux, point barre… sans jeu de mots. Que cette levée de boucliers concitoyenne soit la bienvenue, il n’y a là aucun doute… mais le bémol se situe souvent dans la non-connaissance de la cause que l’on défend.
Selon un vieil adage, il n’y a point de fumée sans feu… donc, toute détention provisoire ou autre doit être soutenue d’un mobile judiciaire spécifique ayant mené à l’incarcération de l’individu. Donc, faute de compléter l’action juridique, on ne peut conclure si l’individu est coupable ou non de ce dont on le soupçonne. Reste qu’une démarche citoyenne et non-juridique clamant l’innocence du détenu et réclamant sa libération est tout à fait normale, surtout quand il s’agit de proches qui croient savoir la vérité (vraie) au sujet de l’affaire dont il est question. Mais quand il s’agit de cyber-citoyens, connectés de loin ou de près au sujet et ayant entendu ça et là des informations à propos du cas, qui commencent à s’agiter sur la toile… je me pose certaines questions.
Est-ce qu’en tant que citoyenne j’ai toutes les informations nécessaires pour me forger une opinion indépendante du problème en question (ici la détention des individus, comme mentionné plus haut) ? Est-ce que ce cas relève de l’intérêt public ; c’est-à-dire, est-ce que je peux en tirer des leçons ? Est-ce qu’il fera de moi une meilleure citoyenne ? Aurais-je meilleure connaissance des lois et de mes droits en me joignant à une action qui peut me sembler banale, mais qui au fond, est d’une utilité que j’aurai tort d’ignorer ? Que je me joigne à la cause peut être juste, mais qu’en est-il de l’individu que je défends ? Que sais-je de lui ? Qui est-il ? Que lui reproche-t-on ? Quelles sont ses liens, ses connexions, ses motivations ? Dans notre petite île où tout est question de réseau, a qui ai-je vraiment affaire ? Si les rôles étaient inversés, est-ce que ce ‘quelqu’un’ que je défends se battrai pour moi ? Ou s’agit-il ici et encore de la loi du plus fort, de celui qui sait faire parler de lui et faire tourner en sa faveur les impressions de la sphère et de l’opinion publiques ?
Dans un article publié par l’Association de l’Enseignement Publique et Informatique de France (EPI), J.P. Archambault, du Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP) de ce même pays, écrit : « Un citoyen cultivé : banalité, pléonasme même. Il n’empêche que l’objectif de mettre les uns et les autres à égalité a gardé de son actualité. Hubert Beuve-Méry disait : «Un citoyen responsable est un citoyen informé» […] Il arrive que l’on oublie la difficulté d’exercices que l’on pratique quotidiennement et le temps qu’il a fallu passer, de longues années, pour accéder à une indéniable compétence […] Et certains ont parfois du mal à imaginer la situation dans laquelle se trouvent ceux qui n’ont qu’une connaissance très limitée d’un domaine donné. »
Ainsi le citoyen qui s’engage, s’enlise même dans une action dont il ne connaît que les dires…jusqu’où doit-il s’enfoncer ? Que ce soit pour réclamer la libération de détenus, le non-lieu de la numérisation des cartes d’identités ou l’installation d’une chaîne d’information privée… le citoyen doit-il s’engager par ‘tendance’ ou par conviction ? Il me semble que le premier cas est malheureusement le plus courant à Maurice… où l’intervention des ‘j’aime’ et des ‘partager’ sur les réseaux sociaux peut faire basculer l’opinion, voire le bon sens, publique. Il suffit de manier habilement ces outils, avoir quelques ‘contacts’ complaisants, sans compter d’autres privilèges ‘logistiques’ pour tout faire balancer d’un côté ou d’un autre.
Ce qui m’interpelle c’est ce que l’on passe sous silence, ce que l’on ne cherche pas à savoir… parce qu’il suffirait que l’on creuse un peu pour se rendre compte de l’hypocrisie ou même du ridicule de la cause que l’on prétend défendre. A Maurice, où les langues se délient ‘sous tapis’… tout peut se savoir. Donc cherchez, demandez, fouillez, creusez, questionnez les autres… mais surtout vous-même qui prétendez agir en connaissance de cause !

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