Ene sel lepep, de trwa kalite dimounn…

Il est de ces paroles doucereuses, mais mensongères, que les politiciens nous balancent avec une démagogie tellement répétitive qu’elles finissent par ne plus nous gêner : justice pour tous, égalité, partage équitable du gâteau national etc. Tout le monde sait que ce ne sont que des foutaises, mais certains semblent s’y accommoder allègrement. Elles donnent probablement un semblant d’espoir à ceux qui pensent pouvoir en vivre. D’autres ont jeté les armes et pensent comme notre regrettée Rosemay Nelson que « lespwar fin tom dan dilo ». Accordons à nos jeunes loups, encore innocents, la naïveté de penser qu’ils peuvent changer le monde. Les vétérans de l’arène, par contre, devraient arrêter de patauger dans le mensonge, maintenant que l’odeur de la terre arrive inexorablement à leurs narines. La vérité, c’est que depuis que le monde est monde, il n’y a jamais eu de justice égale, autant qu’il n’y a jamais eu de partage équitable des richesses de la terre. Le fossé entre riches et pauvres s’est toujours accru de manière exponentielle. Selon Albert Jacquard, éminent polytechnicien et généticien, les mille personnes les plus riches de la planète consomment aujourd’hui autant que le milliard des plus pauvres. Pour faire simple, la personne la plus riche consomme autant qu’un million de ces « pauvres parmi les pauvres ». Les cyniques assumeront que c’est normal puisque, selon eux, ce sont les plus riches qui produisent. Comme-ci le labeur des pauvres dans la construction du monde ne comptait que pour des prunes.
Presque toutes les découvertes et inventions ont été faites pour le progrès de l’humanité. L’histoire est là pour en témoigner. Cependant, l’avidité de l’homme, sa frénésie du plus rapide, du plus grand et du plus beau ont fait que le développement de ces inventions s’est toujours mis au service des plus riches, selon un schéma très précis : la nouveauté et le confort pour ceux qui en ont les moyens – les capitalistes, par le biais de publicitaires, excitent ce que René Girard* appelle le « désir mimétique » chez la masse moins fortunée et créent, chez cette dernière, des besoins nouveaux qui les poussent vers une consommation effrénée et, bien souvent, un endettement insupportable – les grosses entreprises, enrichies par les revenus obtenus de la vente à grande échelle, développent des produits encore plus performants, plus fascinants et plus chers. C’est ainsi que le cadre moyen se retrouve piégé entre une grande piscine, cinq climatiseurs et, à son grand étonnement, des factures douloureuses. C’est aussi la raison pour laquelle le petit salarié, au premier râle de son portefeuille, se voit saisir l’article pour lequel il aura payé de nombreuses mensualités aux intérêts indécents. Tout cela n’est apparemment pas si méchant selon les économistes. Ils y trouvent même une justification nommée croissance.
A Maurice, nous avons encore les moyens de lutter contre cette paupérisation criminelle, en agissant vite. Pour cela, il nous faut récurer et domestiquer notre classe politique. Nous ne sommes pas encore arrivés à une dictature pure et dure, mais un asservissement sournois de la population se dessine petit à petit. Nos dirigeants abusent de notre docilité. Plus nous sommes soumis, plus nous sommes admirables nous disent-ils. Tous les moyens sont utilisés pour nous réduire au silence : fausses promesses, menaces, arguments racistes. Nous sommes tellement perdus qu’il nous arrive même d’oublier que nous sommes tous copropriétaires de notre pays, que nous soyons médecins, ingénieurs, éboueurs ou SDF. Nous nous cabrons honteusement, complexés, devant ces gens que nous avons, nous-mêmes, placés aux commandes du pays alors que nous avons tous les droits de leur réclamer des comptes. Il faut, une fois pour toutes, que les élus arrêtent de nous prendre pour des demeurés. Ils sont redevables envers la population, pas envers leurs amis et agents. Démocratisation, loyauté, honnêteté, progrès, égalité etc. ne sont que de jolis mots trop souvent employés juste pour endormir une population déjà somnolente qui ne constatera l’amère réalité qu’à son réveil… si jamais elle se réveille.

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