ENFANTS À PROBLÈMES : Rita Venkatasamy (CEDEM), « Faire un vrai “screening” au lieu de “dump” les enfants sur les ONG »

Rita Venkatasamy, directrice du CEDEM et engagée depuis de longues années dans le domaine de la réhabilitation des enfants à problèmes, dit ne plus pouvoir « taire mes appréhensions s’agissant du manque de “screening” des enfants à problèmes qui sont régulièrement envoyés vers les centres, structures et ONG. Nous n’avons de cesse de réclamer des ministères concernés qu’ils réalisent une classification de par la nature des problèmes de ces enfants avant de les orienter vers les centres concernés. » Ce manque de rigueur, prévient Mme Venkatasamy, « a et aura des retombées négatives sur le travail de réhabilitation et de réinsertion qui est attendu de nous, les travailleurs sociaux dans ce domaine. »
« Nous vivons dans une société où la violence est omniprésente et où il y a une véritable culture des formes de violences », avance d’emblée Rita Venkatasamy. Elle poursuit, prenant exemple sur des cas réels recensés par des éducatrices du CEDEM : « Si ce matin, au petit-déjeuner, on propose une pomme à un enfant et que celui-ci fasse un caprice et réclame une orange, sa réaction face au refus d’accéder à sa demande est immédiatement violente. Soit une violence verbale, quand elle n’est pas carrément physique ! » Et de témoigner comment un enfant de neuf ans s’en est pris à une éducatrice, « lui donnant des coups au visage et au torse, pour un problème similaire. Nombre de personnes peuvent difficilement croire que c’est une vérité, mais c’est une réalité dans laquelle nous vivons, en ce moment, en permanence. »
La racine du problème, relève notre interlocutrice, « est le fait que les autorités, en l’occurrence le ministère de tutelle, ne réalisent pas un “screening” réel avant de nous envoyer les enfants à problèmes. Il faut séparer les enfants ayant des problèmes d’abus sexuels et de violences de ceux souffrant de troubles psychiatriques ; idem pour les jeunes ayant des problèmes avec les lois. On ne peut mettre tout ce beau monde dans un même paquet, les ficeler et les “dump” sur les ONG, les centres, associations et autres structures qui s’occupent de réhabiliter ces enfants et les amener vers une réinsertion sociale ! »
La directrice du CEDEM élabore : « Un enfant qui souffre de troubles psychiatriques requiert une attention différente et plus spécifique qu’un enfant qui a été victime d’abus sexuels ou autres violences. Chacun de ces enfants nécessite une approche différente. Mais si on les catégorisait avant de les orienter vers des centres spécialisés, cela serait mieux. Car quand on m’envoie, par exemple, des enfants ayant des troubles du comportement dus à des problèmes psychiatriques, autant d’enfants abusés sexuellement par des pédophiles ainsi que des jeunes ayant des soucis avec les lois, au bout du compte, au lieu de réaliser un travail de réhabilitation qui se respecte, on se retrouve à gérer des crises à longueur de journée, causées par les différentes spécificités et les problèmes respectifs de ces jeunes ». Mme Venkatasamy ajoute que « tant le ministère de la Santé que celui de l’Éducation ont leur rôle à jouer. »
L’éducatrice note encore que « les enfants souffrant de sautes d’humeur, par exemple, doivent être pris en charge différemment. Or, quand on met tous ces enfants dans un même espace, la perception des autres enfants est qu’on fait preuve de favoritisme envers certains… Survient alors le syndrome de préférence : ces enfants nous réclament des justifications — “kifer to less li fer sa, ek mwa to gronde mwa ?”. Cela ouvre aussi les portes à d’autres types de violences : “to pa mo mama narien, abe mo gayn drwa fer seki mo anvi…” Il faut comprendre que dans ces cas de figure, notre travail auprès de ces enfants devient encore plus difficile ! »
Il est grand temps, dit Rita Venkatasamy, « que les autorités prennent leurs responsabilités. Nous avons, à Maurice, un système probatoire très bien rôdé et qui fait ses preuves. Pourquoi est-ce qu’en ce qui concerne les enfants à problèmes, on ne peut avoir un système aussi performant ? C’est une question de volonté et d’engagement de la part des partenaires concernés ! »

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