Enjeu — économie et affaires : Unfinished business du budget

Le Finance Bill avec des amendements à 18 textes de loi pour un clean sheet au Global Business Sector avant le Conseil des ministres d’ESAAMLG de septembre aux Seychelles

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High Risk Jurisdiction : la FSC joue son va-tout avec une top level mission en Inde en marge d’une mobilisation tous azimuts des opérateurs dans l’offshore

NMH Saga : offensive de l’ICAC contre la FSC avec une demande en Cour suprême pour un full-fledged access à tous les dossiers relatifs à l’OPA avortée du 16 février 2016

Le Finance Bill, document de 228 pages, présenté en première lecture, mardi, à l’Assemblée nationale par le Deputy Prime Minister Ivan Collendavelloo en l’absence du Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, actuellement en voyage personnel en Europe, devra compléter le unfinished business du Budget 2018/19. Des 69 textes de loi qui feront l’objet d’amendements dans le sillage du discours du budget, dix-huit ont été élaborés en vue d’assurer une clean sheet au Global Business Sector, notamment par rapport aux conclusions du Mutual Evaluation Report de l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) sur Maurice et aux engagements et échéances agréés avec l’Organisation pour la coopération et le développment économiques (OCDE) au chapitre du Base Erosion and Profit Shifting (BEPS).

En parallèle, devant l’urgence des risques avec l’inclusion éventuelle de Maurice dans la liste des 25 High Risk Jurisdictions en Inde, la Financial Services Commission a pris le relais du lobbying diplomatique et économique avec une top level mission auprès du Securities and Exchange Board of India (SEBI) pour convaincre les autorités indiennes que toute démarche en ce se sens n’aurait aucune justification sous les dispositions du Double Taxation Avoidance Treaty (DTAT) bilatéral. Et sur le plan local avec le nouvel épisode de la NMH Saga, la FSC est engagée dans un match sans merci contre l’Independent Commission Against Corruption, qui veut avoir un fully fledged access à tous les dossiers de l’OPA (offre publique d’achat) avortée du 16 février 2016 des actions du groupe Beachcomber. Pour la première fois, les différents stakeholders impliqués dans ce deal, qui continue à faire des vagues, se retrouveront demain devant des instances judiciaires compétentes.

Selon toute probabilité, les débats sur le Finance Bill à l’Assemblée nationale devront se dérouler le 30 juillet probablement, mais la principale cible politique identifiée par l’opposition devrait être celui qui est en passe de devenir le maillon faible du gouvernement, le ministre ds Services financiers, Sudhir Sesung-kur.

Jusqu’ici, en privé, que ce soit dans les cercles du Global Business Sector et du monde politique, Sudhir Sesungkur est pointé du doigt pour son Handling du Mutual Evaluation Report d’ESAAMLG. Les critiques contre le « laxisme » de Maurice en matière de lutte contre le money laundering et le financement du terrorisme avaient déjà été  cataloguées par le secrétariat de l’ESAAMLG. Et cela depuis au moins avril dernier.

Pourtant, ce ce fut qu’à la veille de la publication des conclusions de cet exercice d’évaluation portant atteinte à la réputation de Maurice sur le plan international que le ministre des Services financiers a cru nécessaire d’écrire à son homologue de la Zambie pour réclamer le gel de décision sur le Mutual Evaluation Report. La démarche du ministre Sesungkur comprend encore une nouvelle note discordante. En fin de semaine, sur la base d’un communiqué payant, ce ministère continue à se prévaloir du fait que « the draft report is confidential ». Pourtant, depuis le début de la semaine, la presse est en présence d’un document émanant de l’Hôtel du gouvernement qui établit les 18 key findings d’ESAAMLG avec en contrepartie des premiers éléments de la contre-offensive de Maurice.

Sachant pertinemment bien que les débats sur la Finance Bill seront en majeure partie axés sur l’avenir de l’offshore, Sudhir Sesungkur anticipe en faisant sienne la thèse selon laquelle, « at this stage, it is premature to comment on the findings of the report  and all speculations will merely cause unnecessary prejudice to the Mauritius Financial Services Sector ». Néanmoins, en prévision de la prochaine réunion du Conseil des ministres de l’ESAAMLG aux Seycheles, Maurice devra trouver des arguments en vue de contrer les attaques énumérées dans le Mutual Evaluation Report, lequel suscite embarras pour le gouvernement, qui n’a d’autre choix que de « put a brave face » dans la conjoncture et au sein de la communauté des opérateurs de l’offshore, dissimulant difficilement leurs inquiétudes.

Several weaknesses
Ainsi, parmi les 69 textes de loi, qui feront l’objet d’amendements avec l’adoption du Finance Bill, dix-huit visent à apporter des remèdes aux maux diagnostiqués dans le rapport d’ESAAMLG. C’est ce que laisse voir un rapide survol de ces 229 pages du Finance Bill, accessible sur le Website de l’Assemblée nationale depuis vendredi soir. Génériquement, les propositions d’amendements dans cette multitude de textes de loi auront pour conséquences de mettre Maurice en conformité aux normes et standards imposés par la Financial Action Task Force (FATF).

De ce fait, la Financial Servivces Act est amendée avec pour objectif de mettre en place la réforme du Global Business Sector, avec l’abolition à partir du 1er janvier prochain de la Category 2 de la global business licence et la révision de la Category 1 de cette même licence. Ce changement a été imposé par l’OCDE au titre des harmful tax practices, mais des spécialistes de l’offshore se demandent si les nouvelles dispositions pour l’octroi des global business licences s’alignent sur les exigences de l’OCDE. A l’Hôtel du gouvernement, l’on s’accorde à dire que le fond de la réforme a fait l’objet de consultations dans le cadre de la BEPS Roadmap.

Drogue : principale activité de blanchiment de fonds
De son côté, le rapport de l’ESAAMLG a épinglé Maurice pour le fait de n’avoir pas été proactive sur le front de la lutte contre le blanchiment de fonds ni dans la lutte contre le terrorisme. L’un des principaux reproches dans le rapport est que « the anti-money laundering and the combating of terrorist financing (AML/CFT) regime has not kept pace with the evolving AML/CFT environment and therefore it has several weaknesses that negatively affect its effectiveness ».

Pour répondre à cette dernière accusation et aussi du fait que « there is no shared understanding of money laundering and terrorist financing risks facing the country», même si un exercice de National Risk Assessment (NRA) a été initié depuis le début de 2017, la clause 19 de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act sera amendée pour donner des pouvoirs au ministère des Services financiers et de la Bonne Gouvernance « to conduct an assessment of the risks of money laundering and terrorist financing affecting the domestic market and relating to cross border activities ». A ce jour, cette évaluation de risques se fait sur la base d’une participation volontaire des stakeholders. Dorénavant, avec l’adoption des amendements au FIAMLA, « it is now envisaged to make it compulsory to ensure full participation for both publc and private sectors in assessing the risks of money laundering”».

A ce stade, le rapport de l’ESAAMLG relève que, pour les autorités mauriciennes, le trafic de drogue constitue la principale activité de blanchiment de fonds. Mais l’Angola Connection avec l’Alvaro Sobrinho Saga et les dessous de l’affaire Bastos/Quantum Global viennent apporter de l’eau au moulin du secrétariat de l’ESAAMLG, qui souligne à juste titre que « the real estate sector and the global business sector are as vulnerable to abuse for ML/TF purposes ».

De son côté, la Financial Intelligence Unit sera dotée de nouveaux pouvoirs « to allow it to comply with the feedback requirements of the FATF, to receive all cash transactions above a prescribed threshold, to better detect suspicious activities on enlarge wire transfers, to allow for combatting the infusion of illicit poceeds into the financial system». La FIU devra disposer d’un « real-time access to the Civil Status database with a view to compile a full profile of suspects especially in drugs cases » sur la base des amendements à la Civil Status Act, accès aux informations sous le contrôle du Passport and Immigration Office et de les partager avec des tierces parties lors des enquêtes et bénéficier d’une meilleure collaboration avec le Registrar of Asssocations dans la lutte contre le blanchiment de fonds.

Des amendements à la Bank of Mauritius Act et à la Banking Act sont également proposés en vue de renforcer les pouvoirs de la Banque centrale « with a view to counter money laundering and for the proliferation of financing of terrorism». La section 53 de la Banking Act impose de nouvelles conditions sur les banques et institutions financières dans la lutte contre le blanchiment, car « every financial institution using new or developing technologies for both new and pre-existing products to undertake a risk assessment prior to the launch or use of such products, practices and technologies; identify and assess the money laundering and terrorism financing risks that may arise in relation to the launch or use of such products, practices and technologies; take appropriate measures to manage and mitigate the risks identified; implement programmes against money laundering and terrorism financing, having regard to the money laundering and terrorism financing risks and the size of its business. »

Par ailleurs, la nouvelle clause 18 de FIAMLA devra permettre à des «necessary sanctions to be imposed where a financial institution fails to comply with guidelines of the Bank of Mauritius for the prevention of money laundering and financing of terrorism». Une amende de Rs 1 million sera imposable sur ces institutions financières en infraction, alors que la Banque de Maurice devra gérer un Centralised KYC Register.

Parmi les autres textes de loi en voie d’amendements devant soutenir la position de Maurice au Conseil des ministres d’ESAAMLG pour le scrapping du Mutual Evaluation Report, relevons l’Assets Recovery Act avec la FIU bénéficiant de l’encadrement des conseils légaux pour les besoins d’investigations et la mise en application de la loi sur la Chemical Wapons Convention Act en vue de criminaliser les opérations de montage financier pour le trafic d’armes, la Companies Act pour faciliter « disclosure and availibility of Beneficial Ownership Information» lors des enquêtes relatives à des délits de blanchiment de fonds, la Co-Operatives Act, avec obligation à tout responsable de société de rapporter à la FIU dans les 15 jours tout cas suspect à sa connaissance et la Customs Act, avec le pouvoir de communiquer à la FIU, à la police et à l’Independent Commission Against Corruption toute suspicion « that the amount of currency or bearer negotiable instruments may involver money laundering ».

En attendant, le rendez-vous de Mahé s’avère crucial, Maurice n’ayant nullement droit à l’erreur…

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