ENJEU – FRONT ÉCONOMIQUE : No deal Brexit : craintes sérieuses

Avec les prévisions de la Banque d’Angleterre, anticipation d’un taux de change de la £ à Rs 34.12 contre une moyenne de Rs 51.05 pour les six mois précédant le référendum du 23 juin 2016

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L’Economic Development Board identifie les zones à risques : les exportations, la filière ICT/BPO, le tourisme et le Foreign Direct Investment (FDI)

L’option de la Silver Economy miroitée, Maurice envisageant de se positionner en tant que Retirement Destination pour les retraités anglais

L’éventualité d’un No Deal Brexit pour le divorce de Londres d’avec Bruxelles, à la manière de Boris Johnson, se précisant, les yeux des capitaines de l’industrie et autres décideurs économiques sont tournés vers le tableau du taux de change de la roupie par rapport à la livre sterling affiché chaque matin par la Banque de Maurice. Des craintes sérieuses se font sentir. Tout un chacun s’accorde à reconnaître que ce sera l’indicateur révélateur de l’ensemble des répercussions du plus que Hard Brexit devant intervenir à partir du 31 octobre avec le goodbye de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Déjà, la Banque d’Angleterre prévoit une chute de quelque 25% du taux de la livre sterling sur le marché de change. Du côté de la Think Tank au ministère des Affaires étrangères, soit l’International Trade Division, l’appréhension d’un taux de change de la monnaie britannique à Rs 34.12 à terme est évoquée.

Mais dans le camp de l’Economic Development Board (EDB), le rapport portant sur The Impact of Brexit on the Mauritian Economy— Challenges and Opportunities en date du mois d’août, l’on préfère miser sur la retenue avec une dépréciation dans la fourchette de 5 à 10%. La référence demeure que pour les six mois précédant le référendum du 26 juin 2016 en Grande-Bretagne, le taux moyen était de Rs 51.05 avec une moyenne de Rs 45 pour celle du Post-Referendum.

Les répercussions de l’évolution du taux de taux de la livre sterling avec des Escalating Effects sur d’autres principales devises, dont l’euro et le dollar américain, devraient également peser lourd sur l’économie avec l’analyse de l’EDB identifiant les exportations, la filière de l’ICT/BPO, le tourisme et le Foreign Direct Investment (FDI) comme ds secteurs à risques du No Deal Brexit.

Le postulat de l’Interim Report élaboré par le Strategic Planning and Economic Development Directorate de l’EDB, travaillant de concert avec le Think Tank de l’International Trade Division est que d’abord un No Deal Brexit se résumera à un ralentissement de l’économie britannique et les plus optimistes privilégiant une baisse du produit intérieur brut (PIB) de l’ordre de 0,5%. Le Worst-Case Scenario va jusqu’à une réduction de 9,5% de cet indicateur. Mais dans l’immédiat, le prochain Move sur le tableau de change de la livre sterling préoccupe.

“Brexit is also expected to cause a currency depreciation for both the United Kingdom and the European Union following the contraction in the economy and the associated uncertainties with Brexit. The Pound Sterling has already depreciated by almost 18% since the Brexit vote mainly as a result of speculation. While it is not expected that the Pound will crash by the same extent following the implementation of Brexit, most studies argue that the Pound will fall further 5% to 10%”, note l’EDB dans sa dernière analyse en date.

Par contre, dans un document sur les implications d’un No Deal Brexit, l’International Affairs Division du ministère des Affaires étrangères se montre plus catégorique en soulignant que “with the knowledge of the Bank of England predicting a slump in the Briish Pound of the order of 25% in a No Deal Brexit, the British Pound may fall to Rs 34.12 (assuming a one-to-one relationship against the rupee”. Dans la conjoncture, la question qui se pose est : quel secteur économique dépendant du marché britannique pour ses exportations de biens et services peut survivre à un tel Slaughter au titre du taux de change ?
Toutefois, l’EDB concède que “exchange rate movements play a significant role in defining the magnitude of our economic relationship with the United Kingdom, especially for trade in goods and services, including tourism”. Le positionnement de la livre sterling sur le marché de change à Maurice depuis janvier 2016 peut servir de balises en vue de paramétrer les prévisions.

Ainsi, avec une moyenne de Rs 51.05 pour les six mois précédant le référendum du  23 juin 2016 en Grande-Bretagne, la livre sterling a glissé pour évoluer à hauteur de Rs 45 pour la période post-référendaire. Les cambistes et autres observateurs de la scène économique reconnaissent que même si la baisse n’a pas été homogène sur toute la période, il y a eu des mouvements conséquents, voire même inquiétants. Au lendemain du résultat du vote sur le Brexit, la dépréciation de la livre sterling par rapport à la roupie a été de 7,2% en un jour, pour descendre jusqu’à 11,9% au onzième jour.

L’EDB révèle qu’à ce jour, la dépréciation de la livre sterling vis-à-vis de la roupie est de 17,6%. Avec une moyenne de Rs 52.81 en janvier 2016, la monnaie britannique est passée à Rs 48.05 en juillet 2016, perdant un peu moins de Rs 3 sur les douze mois subséquents pour être cotée à Rs 45.45 en juillet 2017. Depuis cette dernière période, le taux s’est stabilisé autour de la barre des Rs 45. Mais qu’en sera-t-il à l’approche du 31 octobre avec un Boris Johnson prorogeant la Chambre des Communes, démarche qui suscite une vague de protestations dans le camp politique en Grande-Bretagne.

Une autre appréhension exprimée porte les Ripple Effects de la dépréciation sur les autres devises, en particulier l’euro. “With a No Deal Brexit, it is expected that the Euro may also be affected and consequently affect our export earnings from the European Union”, note la cellule aux Affaires étrangères.

De son côté, l’EDB dissèque les conséquences au tableau des échanges commerciaux entre Maurice et la Grande-Bretagne, “one of the most important markets for Mauritian products”. En 2018, les exportations sur le marché britannique avaient généré des recettes de Rs 7,6 milliards, soit 11,5% des exportations et 25,2% sur le marché européen. Cette performance constitue une baisse d’un peu moins de 50% par rapport à 2010 avec Rs 13,4 milliards. Pour le reste de l’Europe, la tendance baissière est moins drastique, soit de Rs 25,9 milliards à Rs 22,6 milliards au cours de la même période.

ESA : une carte maîtresse
Avec le No Deal Brexit, le déclin en termes absolus et relatifs des exportations de produits mauriciens sur la Grande-Bretagne pourrait connaître une accélération. “The depreciation will make Mauritian exports more expensive to the United Kingdom and the European Union causing a contraction in exports”, poursuit l’EDB. Le modèle économétrique prévoit que pour chaque 1 % de dépréciation dans le taux de change avec le Brexit, il faudra prévoir une contraction de 1,8% des exportations de Maurice vers la Grande-Bretagne.
A charge, l’EDB retient le fait que “over the years, the UK market has represented an ever-decreasing share of our total exports, which can explain to a large extent our decreasing total exports. However, the decrease in total exports has been less drastic than the fall in exports to the United Kingdom market, which can also explain that we have been less and less dependent on the UK market and that diversification towards new markets has made some progress”.

En contrepartie, l’Eastern Southern Africa (ESA)–United Kingdom (UK) Economic Partnership Agreement (EPA), signé le 31 janvier dernier, constitue une carte maîtresse pour Maurice. Les dispositions de cet accord constituent une garantie de preferential Access under the same terms and conditions as before pour les produits mauriciens. Avec la concrétisation du No Deal Brexit, Londres imposera un Duty de 13% sur les Sensitive Tariff Lines, dont le sucre et les produits de la mer même si “a Pound Sterling depreciation may offset the tariffs imposed”.
Dans le cas du sucre, la Grande-Bretagne se prépare à imposer des droits de douane de l’ordre de 409 euros par tonne de sucres spéciaux et de 150 euros sur chaque tonne de sucre blanc importée.

“Consequently, Mauritius will have a competitive edge over EU suppliers as well as other countries which have not concluded a deal with the United Kingdom in case of a No Deal Brexit”. D’autre part, avec le Hard Brexit, un surplus de sucre est annoncé sur le marché européen avec une désaffectation des producteurs sucriers européens. “There is a possibility to increase our exports to the European Union as well”, se réjouit l’EDB. Même prévision optimiste pour les exportations de conserves de thon avec la Grande-Bretagne imposant un Duty de 24% sur les importations. Actuellement, l’Espagne domine le marché britannique, représentant quelque 13 940 tonnes.

Les importations de textile sur le marché britannique seront également frappées de tarifs douaniers de 12% sur les produits confectionnés en Europe. Last but not least, la Grande-Bretagne, qui imposera un Duty avec le Hard Brexit sur le rhum, importe 22 000 tonnes annuellement de l’Allemagne, des Pays-Bas, la Fance et de l’Italie en position de force. La part de Maurice ne s’élève qu’à une cinquantaine de tonnes.
Que ce soit pour le sucre, le thon en conserve, le textile ou le rhum, “Mauritius will have a competitive edge over European Union Suppliers as well as other countries which have not concluded a deal with the United Kingdom in case of a No Deal Brexit”.

Sous l’ESA-UK Economic Partnership Agreement, Maurice continuera à bénéficier du Duty Free-Quota Free Access sur une gamme de produits “of high export interest such as sugar, tuna, garments, agro processed products, pasta, biscuits, coconut oil, sugar confectionary and beer amongst others on the UK market”. En plus, l’accord prévoit une dérogation pour le traitement de “Non-Originating Tuna in the production of canned tuna and tuna loins respectively for 6,200 tonnes and 341 tonnes”, quota à être réparti entre pays producteurs. Cet accord devrait entrer en vigueur le 31 octobre prochain, date à laquelle interviendra le divorce entre Londres avec Bruxelles.

Une baisse dans le tourisme
Par ailleurs, le tourisme est un autre secteur de l’économie qui ressentira de plein fouet les retombées du No Deal Brexit. “The GDP and exchange rate effect will not only affect traditional exports but will also have an effect on tourist arrivals from the United Kingdom and the European Union, which are important markets for our tourism industry and Brexit Wil have non-trivial repercussions on the tourism industry”, reconnaît l’EDB.

Une nouvelle donne vient se greffer sur la passe difficile que traverse ce secteur des services, jusqu’ici un des piliers de l’économie. Le World Travel and Tourism Council anticipe qu’avec l’avènement du Brexit, les dépenses des Britanniques consacrées à des vacances à l’étranger pourraient être réduites de 4,2%. La cause: “the drop in the value of the Pound Sterling will continue to impact United Kingdom’s citizens spending power and their propensity to holiday abroad”.

Avec un taux de dépréciation de 10% de la livre sterling vis-à-vis de la roupie, l’industrie touristique locale pourra essuyer une baisse de 49,6% dans les dépenses encourues par les touristes britanniques. Par contre, pour l’ensemble du marché touristique de l’Union européenne, la tendance pourrait être nettement atténuée, soit de moins de 10%
Pour ce qui est des Foreign Direct Investments, dans le sillage des incertitudes entourant l’environnement du Business Investment à Londres, la Banque df’Angleterre n’écarte pas une baisse de 20%. La consolation au sein de l’EDB est que “FDI from the United Kingdom has been haphazard over the last few years”. Depuis 2006, le FDI britannique se monte à quelque Rs 2,4 milliards dans les secteurs de l’immobilier de l’ICT. L’année dernière, le FDI en provenance de la Grande-Bretagne n’a été que de Rs 955 millions,

En cas de Collapse du marché financier britannique, Maurice peut prétendre bénéficier d’une partie de ces opérations comme au niveau des Development Finance Institutions et des Family Offices. Toutefois, le réalisme des affaires dicte que “the fact that financial institutions will be leaving the United Kingdom represent an opportunity for Mauritius in terms of attracting them. The chances are very slim”.

Pour justifier cette conclusion, l’EDB avoue que “in addition to the passporting right, the benefits that have attracted the financial institution to the United Kingdom in the first place are not advantages that Mauritius can readily provide to these financial institutions”.

Mais la Silver Economy pourrait constituer la Silver Bullet. Actuellement, quelque 190 000 retraités anglais se la coulent douce dans des pays de l’Union européenne, dont l’Espagne, la France, le Portugal et l’Italie. Un premier obstacle Post-Brexit que devront franchir ces retraités expatriés se présente sous la forme des Healthcare Reimbursements. “In addition, the depreciation of the Pound Sterling is likely to affect incomes in certain areas more than in others, and where the costs of living are already high, British pensioners will have difficulties in making ends meet”, trouve l’EDB, qui propose de vendre Maurice en tant que Retirement Destination avec des aménagements aux Schemes déjà en vigueur en faveur des ressortissants étrangers.

Que soit au niveau de l’EDB ou de l’International Trade Division du ministère des Affaires étrangères, une série de mesures à court terme sont préconisées pour le rendez-vous du No Deal Brexit du 31 octobre, soit une extension du Support for Trade Promotion and Marketing Scheme (Ex-Speed to Market Scheme) en vue d’encadrer des exportateurs affectés par le Brexit avec une augmentation des rabais pour le fret vers la Grande-Bretagne une campagne de promotion commerciale plus agressive sur le marché britannique tout en diversifiant le volet des marchés alternatifs, une plus grande visibilté de la Mauritius Tourism Promotion Authority en Grande-Bretagne et sur d’autres marchés potentiels, de nouvelles stratégies de marketing dans le secteur des services financiers pour présenter Maurice comme un “support services centre for UK’s financial services” et attirer des “UK-based High Net Worth Individuals” ; un comité de suivi pour le Monitoring de l’évolution du taux de change de la livre sterling avec des recommandations au gouvernement pour assurer la compétitivité des exportations sur le marché britannique et le tremplin de l’UK/ESA Agreement pour des négociations avec les autorités britanniques sur des volets des services et des investissements.

En conclusion, l’élément impondérable pour Maurice reste si l’alchimie politique et diplomatique entre le No 10 Downing Sreet à Londres et le Treaty Room du Treasury Building à Port-Louis fonctionnera pour le Brexit du 31 octobre avec le Chexit, soit le départ réclamé des Chagos, du 22 novembre en toile de fond…

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