ENJEU – INFRASTRUCTURE – METRO EXPRESS : Le signal du départ

Encore 24 heures de suspense pour les détails du Metro Express. Ce projet de mass transit sur le corridor Curepipe — Port-Louis, abandonné au lendemain des élections générales du 10 décembre 2014, puis déterré après le mort-né Heritage City moins d’un mois après la présentation du budget 2016-17, sera porté aux fonts baptismaux demain. Le parrain n’est autre que le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, qui devra annoncer le choix du successful bidder, aussi bien que révéler les détails sur le plan technique, financier et économique en vue de justifier la validité de ce projet, nécessitant au bas mot des investissements de Rs 20,9 milliards, chiffre figurant dans les budgetary estimates. Les dernières indications officielles sont que des deux options pour l’exécution du projet de Métro Express, le gouvernement privilégiera une première phase des travaux entre Port-Louis et Rose-Hill, soit 13 kilomètres, à être bouclée avant les prochaines élections et la réalisation de l’autre partie du tracé, reliant Rose-Hill à Curepipe, n’intervenant qu’après la prochaine échéance électorale. La confirmation devra être obtenue officiellement demain. En prévision de cette étape cruciale, avec la mobilisation sur cet immense chantier entre Curepipe et Port-Louis, la firme DCDM Research a réalisé un sondage auprès des passagers d’autobus dans des régions urbaines, notamment les villes de Curepipe, Vacoas, Quatre-Bornes et Beau-Bassin/Rose-Hill, au sujet de l’attrait du Metro Express par rapport à la desserte par autobus à tarifs égaux. À l’Hôtel du gouvernement, l’on se sent réconforté par les résultats de ce sondage commandité, même si du côté de la Plateforme Anti Metro (PAM), l’on se prépare à manifester de manière symbolique devant l’Assemblée nationale contre ce white elephant-in-waiting.
La société Metro Express Ltd, une entité publique incorporée par le gouvernement pour les besoins du projet, avec l’ancien secrétaire au Cabinet et chef du service civil, Satyaved Seebaluck, en tant que chairman, a déjà arrêté son choix en vue de l’allocation d’un des plus imposants contrats, que ce soit en termes de fonds injectés ou de la période des travaux à être entrepris sur le terrain. De par les modalités du financement assuré, seules deux compagnies de construction indiennes, soit les mêmes que celles identifiées pour le précédent projet sous le gouvernement de Navin Ramgoolam, sont en lice pour l’adjudication de ce marché.
À ce stade, il est extrêmement hasardeux de vouloir s’aventurer pour faire état d’un choix quelconque, compte tenu de la complexité des critères à respecter. Mais des sources autorisées avancent que la société Afcons Infrastructure, du Shapoonji Pallonji Group, est en meilleure position pour être présentée comme le Metro Express succsessful bidder. L’annonce officielle devra être effectuée par le Premier ministre au Hennessy Park Hotel à Ébène, avec la signature du contrat intervenant à cette même occasion. Outre le volet consacré au gros oeuvre, Metro Express Ltd devra aussi se pencher sur la supervision technique de l’évolution de ce chantier, dont les spécificités dépassent le cadre de l’expertise disponible à Maurice. À ce titre, la Delhi Metro Corporation, qui gère le réseau ferroviaire de cette métropole indienne, pourrait se voir confier cette responsabilité avec probablement une option pour la concession pour la gestion du Metro Express entre Curepipe et Port-Louis pendant la teething period.
Néanmoins, aucune des sources officielles approchées n’a voulu s’aventurer pour devancer la présentation officielle du projet par Pravind Jugnauth. « À chaque occasion qui lui a été donnée, le ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha, a affirmé qu’une fois la décision finale arrêtée, le gouvernement viendra de l’avant en toute transparence sur les détails du Metro Express. Lundi, le Premier ministre tiendra cet engagement lors de la cérémonie de signature du contrat et face à la presse. Son intention déclarée est de faire état de tous les détails sur les plans technique, financier et économique concernant la validité de ce projet de mass transit », faisait-on comprendre officiellement en fin de semaine, sans vouloir ajouter si le feu vert du Conseil des ministres est venu sanctionner ce projet.
Dans la conjoncture, un point qui est mis en avant en prélude du signal du départ du projet de Metro Express de lundi porte sur les conclusions d’un sondage réalisé sur le terrain entre le 20 juin et le 25 juillet de cette année par la société DCDM Research. Ainsi, quatre passagers par autobus sur cinq (79,1% ) voyageant entre les agglomérations urbaines de Curepipe, Vacoas, Quatre-Bornes et Beau-Bassin/Rose-Hill en direction de Port-Louis, affirment être partants pour le switch quasi automatique pour le Metro Express avec les mêmes tarifs pratiqués pour les deux modes de transport. La nécessité d’avoir recours à ce sondage visait à confirmer une première étude préliminaire sur l’attrait du Metro Express auprès du public voyageur dans les régions urbaines.
Quatre-Bornes très favorable
66% des quelque 400 passagers constituant l’échantillonnage de ce sondage répondent « definitely choosing Metro Express » et 13% « probably choose ». Les anti-Metro Express sont de l’ordre de 9,3% du sample, avec des passagers utilisant le transport en commun à destination de Port-Louis au moins trois fois la semaine, 56% de femmes et 44% de femmes, et 55% dans la tranche d’âge de 25 à 44 ans, alors que ceux entre 45 et 64 ans représentent 21%.
L’exercice offrait cinq réponses possibles aux sondés à la question cruciale « Si demain une alternative comme le Metro Express était disponible, qui prendrait moins de temps de voyage entre l’une des quatre régions urbaines susmentionnées et Port-Louis et au même prix que vous payez actuellement pour le bus, à quel point choisiriez-vous le Metro Express pour vous rendre à Port-Louis ? » Ils avaient à choisir entre Probably choose Metro Express, Probably NOT choose Metro Express, Definitely choose, Definitely NOT choose et May or May NOT choose. Un autre aspect du transport en commun qui a fait l’objet de ce sondage est la durée du trajet par autobus actuellement et de la qualité du service offert. À ce titre, le constat relève d’un mixed feeling car les avis des passagers par autobus sont quasiment partagés sur la durée du trajet par autobus chaque jour avec le Metro Express présenté officiellement comme étant en mesure d’assurer une desserte plus rapide.
Un autre facteur émanant de ce sondage, privilégié dans le marketing du Metro Express, est l’accueil réservé à ce projet de mass transit au niveau des différentes agglomérations urbaines. Circonstance politique, avec une élection partielle à Belle-Rose/Quatre-Bornes (N°18) en vue et en toile de fonds le Metro Express, la réaction au niveau de la ville des fleurs est analysée avec une attention redoublée. Ainsi, les indications disponibles à partir du sondage de DCDM est que cette ville serait encore plus favorable au Metro Express que les trois autres villes. 88% des usagers du transport en commun avec pour point de départ Quatre-Bornes, soit le plus fort taux des quatre villes, sont classés dans la catégorie des favorables, contre 5% chez les anti-Metro Express.
De l’autre côté, probablement en raison de la qualité améliorée du service offert par l’un des opérateurs, Rose-Hill Transport, 65% des passagers sondés venant des villes soeurs, soit 14 points de moins que sur le plan global, seront susceptibles de favoriser le Metro Express aux dépens de l’autobus. Il est un fait que depuis ces derniers mois, cette compagnie de transport n’a cessé d’apporter des indications dans les conditions de voyage par autobus ou de la qualité du service.
Assurance
Sur un autre tableau, et indépendamment des résultats de ce sondage, l’un des points fondamentaux focalisant les débats sur le Metro Express s’articule autour des investissements nécessaires. Les budgetary estimates de 2017-18 prévoient une enveloppe globale de Rs 20,9 milliards, dont Rs 8,8 milliards pour le présent exercice financier, Rs 6 milliards en 2018-19 et Rs 3 milliards au 30 juin 2020. Mais jusqu’ici, le ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha, s’en tient à son chiffre fétiche de Rs 17,7 milliards. Les observateurs avertis auront noté que face à des interpellations des députés de l’opposition à l’étape de l’examen en comité des dotations budgétaires en juin dernier, le ministre avait voulu prendre une assurance tous risques. À plus d’une reprise au sujet du coût du projet de Rs 17,7 milliards, il avait soutenu que « we have a baseline reference budget (Rs 17,7 billion) which has been given to us by the consultants who have been working on this project for a number of years. We have said, Madam Chairperson, that we want to have the Metro Express at an affordable cost ».
La nuance de ces éléments fournis lors du Committe of Suppy contraste avec l’assurance affichée par le même ministre Bodha à ce même sujet lors du Question Time du 18 avril. Il avait fait état de données, qui ont fait la différence dans le revival du projet de Metro Express, en l’occurrence la réduction du coût de Rs 31 milliards à Rs 17,7 milliards et le grant de Rs 9,9 milliards obtenu de l’Inde. « Together, these two new elements reduce the project cost to our Government by no less than Rs 23, 2 bn. That is, a project which was earmarked to cost Mauritian taxpayers a capital outlay of Rs 31 billion will now, cost only Rs 7, 8 billion (i.e. 17.7 billion – 9.9 billion grant from India) », s’était-il enorgueilli.
La question du coût total du projet reviendra à grands pas en marge de la présentation officielle de demain et tout écart du montant dans la fourchette de Rs 17,7 milliards et des Rs 20,9 milliards viendra apporter de l’eau au moulin de ceux qui protestent contre ce projet en brandissant la détérioration de l’endettement public (voir la lettre de la Plateforme Anti Metro Express ci-contre). Et le débat sera relancé sur de nouvelles bases.
Un autre aspect de ce projet qui attend éclaircissement des autorités s’articule autour du scope of works et du calendrier d’exécution. Le Three-Year Strategic Plan rendu public en marge du dernier budget indique que « government will be investing massively in inland road infrastructure over the next three years, including 13 kilometres of new commuter rail (metro express) » d’ici 2020, en ajoutant que « by 2030, commuter rail is expected to cover over 30 km ». Ce petit détail ne cadre pas avec l’énoncé public du projet de Metro Express, dont le tracé couvre une distance de 26 kilomètres et ses 19 stations.
En guise d’assurance à ce bémol, Nando Bodha s’est évertué à faire comprendre que les soumissionnaires d’Afcons Infrastructure et de Larson & Toubro sont en présence de deux options pour la mise à exécution du projet. « As soon as we have the contract which has been awarded, we are going to have a scope of works and a calendar of works. What have been requested from the two bidders  to see whether we can have two options. One option is whether we start in Curepipe and Port Louis and after four years we end up in Rose Hill or the other option is that we start in Port Louis, and we do the first segment up to Rose Hill which is 13 km away, and then from there we move on to a second stage », a souligné le ministre suite à une interpellation de l’ancien député Roshi Bhadin à l’Assemblée nationale le 19 juin dernier.
Le choix entre ces deux options devra revenir au soumissionnaire qui décrochera le contrat. Dans l’éventualité quasi formelle où le tronçon reliant Port-Louis à Rose-Hill, long de 13 kilomètres, est privilégié avec la mise à exécution des travaux en deux phases, tout le débat axé sur le Quatre-Bornes Syndrome, avec le Metro Express à même l’asphalte le long de la route Saint-Jean, pourrait devenir momentanément caduc dans le cadre de la campagne pour la partielle au N°18, provoquée par Roshi Bhadain pour démontrer son opposition à ce projet défigurant le centre de Quatre-Bornes.
En résumé, peu importe la formule de réalisation du Metro Express, à partir de septembre prochain, les usagers de la route et surtout ceux engagés dans le trafic empruntant l’axe principal traversant la capitale ou se rendant à Port-Louis devront s’armer d’une bonne dose de patience additionnelle car l’embouteillage sera au rendez-vous matin et soir. La certitude est que les possibilités de déviation sont des plus restreintes, à moins d’une interdiction de transiter à Port-Louis pour connecter les régions basses des Plaines-Wilhems au Nord, et la route de Verdun gagnant en importance stratégique dans ce contexte

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