ENJEU : L’agenda controversé du FMI !

Au-delà de la guerre de clochers entre le ministère des Finances et la Banque de Maurice sur le grave problème d’excès de liquidité qui se maintient pour le cinquième mois successif à environ Rs 11 milliards, le 2014 Article IV Consultation – Staff Report du Fonds monétaire international établit un agenda économique avec accent sur la réforme. Parmi les principaux dossiers brûlants disséqués et faisant l’objet de propositions dans ces 85 pages du rapport figurent l’extension de la réforme de la pension et l’élimination de la Basic Retirement Pension (BRB) aux personnes âgées de plus de 60 ans, et son remplacement par une Poverty Pension plus restrictive et l’introduction à terme de la taxe immobilière rurale, présentée sous la forme de Real Estate Taxes, pour réduire la dépendance financière des collectivités locales au Grant-in-Aid du gouvernement central. Au chapitre des appréhensions, le FMI évoque la possibilité que suivant les dernières tendances enregistrées, l’objectif de réduire l’endettement public à 50% du Produit intérieur brut (PIB) d’ici à 2018 pourrait être off target, alors que la roupie est encore considérée comme étant overvalued dans la fourchette de 3 à 7% cette année, soit « at historically high levels ».
Le gouvernement, tout en partageant la portée des problèmes économiques abordés lors des dernières Article IV Consultations, soutient qu’il ne faudra pas s’attendre à voir une consolidation de l’Economic Reform Agenda comme préconisé par le FMI. La principale raison est la conjoncture économique et les prochaines élections générales, prévues techniquement  l’année prochaine si elles n’interviendront pas plus tôt compte tenu des tractations politiques depuis le début de cette année et s’accentuant au fil des semaines.
Ainsi, à la page 10 de ce document, qui a fait l’objet de discussions au niveau du Board of Directors du FMI le 21 avril, mention est faite que « the authorities agreed with much of the (IMF) staff’s analysis, but provided some caveats regarding implementation ». La position du gouvernement, exprimée par le ministère des Finances, est que la mise à exécution de ce programme de réforme devra être reportée à l’année prochaine en raison du contexte politique délicat précédant les élections générales.
Avant de procéder à une analyse en profondeur des différentes Policy Options au menu économique, le FMI regrette que « key risks relate to the ability to achieve the targeted medium-term fiscal adjustment and the need to resist spending pressures ahead of elections scheduled for 2015. Total investment spending would increase somewhat, due to a half percent of GDP increase in net spending from the special funds. Fiscal adjustment is now postponed into 2015 — an election year. » Le Staff Report prévient que « delaying fiscal adjustment into 2015 as currently planned will make it harder to achieve the primary fiscal balances needed to address external imbalances, and reduce debt vulnerabilities. » Un discours différent de celui tenu par les politiques après la publication de ce rapport.
Le Staff Report est catégorique au sujet de la consolidation fiscale à moyen terme, affirmant que « there appears room for reducing expenditure through better targeting of social assistance and reduction in subsidies ». L’une des propositions les plus délicates porte sur l’approfondissement de la réforme de la pension, le FMI rappelant que « the authorities have implemented important reform pensions, but there are still significant challenges », tout en ajoutant que « further reforms could help reduce the fiscal cost of the system, increase savings, and contribute to a better social protection system ». Les prévisions établies sur la base du phénomène de vieillissement de la population confirment une détérioration des Pension Imbalances.
« True Poverty Pension »
« The cost of the current system is projected to increase by 2 percent by 2040, mainly due to the public sector, despite optimistic assumptions for the Basic Retirement pension », note le FMI, qui préconise à terme la conversion de la Basic Retirement Pension en une « true Poverty Pension » dans le cadre du package of further pension reforms. Le FMI regrette que « previous reforms aimed at means-testing the Basic Retirement pension were reversed », alors que « tackling the transition cost (40 percent of GDP in NPV terms) remains a challenge since the new system will only generate savings in about 35 years ».
En termes clairs au chapitre de la bombe à retardement de la pension, le FMI revient à la charge avec une demande au gouvernement en vue de mettre un terme au versement de la pension universelle aux Mauriciens ayant déjà atteint l’âge de 60 ans et de mettre en place une série de critères de qualification, littéralement un means test, pour bénéficier de la nouvelle formule de Poverty Pension. À ce jour, quelque 180 000 Mauriciens, ou plus exactement 174 536 à Maurice et 4 274 à Rodrigues, ont droit automatiquement à la Basic Retirement Pension. Toutefois, le FMI se garde de définir les critères de sélection, laissant le choix aux autorités dans ses consultations pour un « pension modelling with the Worls Bank’s PROST model ».
Les autres composantes de la réforme du système de pension concernent une indexation de l’âge de la retraite au niveau de l’espérance de vie à Maurice, une indexation du montant de la pension au taux d’inflation au lieu de la progression des salaires, une réduction des incentives pour des départs à la retraite prématurée et des catégories susceptibles de bénéficier des avantages d’une telle retraite. Le FMI ne manque pas de préconiser une révision à la hausse du taux des contributions des employés et des employeurs au Fonds national de pension car « increasing contribution rates could support higher replacement rates which at 35 percent are only half of that of the public sector ».
En conclusion sur la réforme de la pension, le Staff Report sur les Article IV Consultations tente de convaincre par rapport à la pertinence de ces recommandations en s’appuyant sur le fait que « these reforms could help increase national and fiscal savings while possibly allowing for an increase in pension for lower income workers ». L’intégration de la nouvelle formule de pension contributive en vigueur dans le secteur public au National Pension Fund est aussi envisagé vu que « risk sharing would eliminate longevity risks and pensioners could receive higher and more secure pensions for the same fiscal costs, and mobility between private and public sectors would improve ».
Au chapitre des Administrations régionales, le FMI n’y est pas allé de main morte avec des risques de grincements de dents au sujet de certaines recommandations. La mesure phare pour rééquilibrer les finances des collectivités locales tourne autour de l’introduction de Real Estate Taxes, soit une formule déguisée de la taxe rurale car la taxe immobilière est déjà perçue dans les limites des cinq villes.
« Local governments in Mauritius are heavily reliant on the central government and the current arrangements pose significant fiscal risks. To contain such risks and avoid spillovers on the central government, fundamental reforms are necessary », fait comprendre le FMI avant d’énumérer les mesures en vue de rétablir la situation. Dans la perspective de l’adoption d’une nouvelle formule de Grant-in-Aid, le FMI maintient que « real estate taxes have significant potential for the medium term ».
Autonomie aux municipalités et conseils de districts
« Properly designed, real estate taxes can offer a stable and significant tax base. It is also fairer since it is generally based on the value of properties and can be designed so as minimize the impact on the poor », dit le FMI, qui propose au gouvernement de prendre avantage de la révision de la banque de données immobilières et foncières sous LAVIMS pour repenser la réintroduction de la taxe immobilière dans toute l’île. L’accent est aussi mis sur le fait que « the design of such a tax should place particular emphasis on its structure, the tax base and objective exemptions criteria, while also scaling up administrative and enforcement capacities. »
Le FMI propose que les collectivités locales soient autorisées à revoir tous les ans le barème des licences et autres frais mais propose que le ministère des Administrations régionales délimite les marges de ces barèmes pour assurer une autonomie aux municipalités et conseils de district. « The ministry should consider setting the rates within bands. Councils operating within the defined bands should then not have to seek the approval of the ministry when using such instruments. This would also go a long way towards harmonizing the tax instruments across councils », indique-t-on.
L’une des faiblesses majeures au sein des collectivités locales est que quelque 70% du budget, contre 40-50% selon les normes internationales, sont consacrés aux salaires du personnel et des « risks de crowding out priority service delivery ». « There are already large differences in the frequency with which some areas are serviced. Also, the maintenance of infrastructure is often postponed when the budget constraint becomes binding », concède le FMI.
À cet effet, le gouvernement est en présence d’une suggestion pour un audit général dans les différentes collectivités locales dans le but d’établir des « benchmaks and identify improvement needs for potentially inefficient councils ». Cet exercice devra inclure une staff-need analysis pour résoudre ce problème relatif à la masse salariale jugée excessive tandis que « other options considered by councils — such as charging for services — have not received the approval of parent ministry ».
En conclusion au chapitre des Administrations régionales, le FMI reconnaît que « reforms should encompass revenue generation, a more transparent and objective transfer system, coupled with clear spending responsibilities for local governments. Improved budgeting would also foster greater transparency and accountability. These reforms should be properly designed, prioritized, and phased in over time ».
« The banking system appears to be resilient to credit shock risks »
D’autre part, le niveau de l’endettement public — une ardoise de Rs 224,3 milliards, soit Rs 20 milliards de plus à la fin de mars dernier comparativement à l’année dernière — fait craindre le FMI, qui anticipe que « the 2018 debt target mandated by the Public Management Act of 2008 might be missed given the current projections ». L’objectif est de réduire le ratio de la dette publique par rapport au PIB, actuellement de 60%, à 50% à l’échéance de 2018.
Commentant l’évolution de la dette publique au cours de ces dernières années, la mission dirigée par Martin Petri constate que « Mauritius’ increase in gross debt by 2 percentage points of GDP relative in 2013 is mainly explained by the deterioration in the primary balance and by slower growth. Despite a projected improvement of growth in 2014, the primary deficit remains broadly at the elevated level of 2013. Over the projection period, the fiscal consolidation planned for 2015 underpins the decreasing debt-to-GDP ratio. »
Poursuivant son analyse, le FMI fait état de risques potentiels au Debt Outlook. « Assuming a constant primary balance from 2014 onward would lead to public gross financing needs at around 12 percent of GDP by 2019, and a gross nominal debt of 59 percent of GDP. Hence, an insufficient medium-term fiscal adjustment is an important risk to the debt outlook », note le FMI, qui maintient que « public debt increased in 2013 for the first time since 2009, raising further the fiscal adjustment needed to reach healthier debt levels. The ratio of public debt-to-GDP reached 59.9 percent in 2013 and is projected at 59 percent for end-2014. »
Le taux de change de la roupie fait également l’objet de préoccupations sous les Article IV Consultations, qui avancent que « the Mauritian rupee continues to be at historically high levels ». Les analystes situent cette overvaluation dans la fourchette de 3% à 7%, le FMI prônant un « flexible exchange rate regime ».
En ce qui concerne le secteur bancaire, les dernières données officielles indiquent que « profitability and Non Performing Loans have suffered somewhat in recent years ». Le Staff Report indique que « the non-performing loan (NPL) ratio is at a low level by international comparison, but it has increased slightly to 3.9 percent in June 2013, mainly because of difficulties in the construction, tourism and GBC sectors (although GBC NPLs are still at very low levels). »
Le stress-test de 18 des 21 banques commerciales ne révèle pas de signes d’inquiétudes patentes car pour le FMI, « the banking system appears to be resilient to credit shock risks. Banks have sufficient capital buffers against external growth shocks and concerns about exposure to large borrowers have lessened to some extent ».
D’un point de vue général, le FMI avertit que « a protracted period of slower growth in Europe could reduce growth. The main linkages to Mauritius would be through reduced tourism, trade, and FDI inflows. In addition, the persistently large current account deficit is a vulnerability. »

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