Enjeu – Santé publique et économie : Concertations tous azimuts sur l’antidote économique au Covid-19

Les premières esquisses des «coronavirus mitigating measures» sur le «cash flow» et les «working capital requirements» des opérateurs économiques évoquées à la Banque de Maurice

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La question qui hante le tourisme porte sur la décision du GM par rapport à la France, représentant un visiteur sur cinq, dépassant pour la première fois en 2019 la barre des 300 000

Avec l’interdiction sur l’Italie, la Chine et la Corée Sud, les dégâts dans le secteur hôtelier se montent à environ 6%

Malgré une baisse de 30% du cours mondial du pétrole depuis le début de l’année, la STC maintient les prix du carburant en vigueur depuis le 11 juin 2019

Depuis l’éclatement de l’épidémie de coronavirus en République populaire de Chine en début d’année, le focus principal se décline en une gamme de mesures pour éviter la propagation du virus sur le territoire mauricien. À ce jour, le protocole arrêté conjointement par le ministère de la Santé en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a donné des résultats escomptés avec la formule de quarantaine des cas suspects et aucun cas avéré enregistré officiellement. Toutefois, répondant à la Private Notice Question (PNQ) du leader de l’opposition, Arvin Boolell, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, a concédé à l’Assemblée nationale, vendredi, que face au Covid-19, “we know what kind of threat is lurking upon us. We are very vulnerable. There is no such thing as 100% protection. It is impossible to be 100% foolproof”. Avec Maurice tournée vers l’extérieur pour l’essentiel de ses besoins au quotidien et le tourisme comme un des piliers de l’économie, le shift s’est opéré de la veille sanitaire pour céder la place à des consultations tous azimuts, engageant les acteurs politiques aussi bien que les stakeholders du privé, dans cette quête d’un antidote économique aux répercussions du Covid-19 affectant littéralement tous les secteurs d’activités. Les détails de ce package of mitigating measures susceptibles de bénéficier d’injection financière de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) ont déjà été mis au point (Voir plus loin la déclaration du ministre des Finances, Renganaden Padayachy)

Dès cette semaine, des indications sur le profil du Coronavirus Stimulus Package envisagé pourraient être connues à la conclusion de la réunion du Monetary Policy Committee de mardi. Le nouveau gouverneur de la Banque de Maurice, Harvesh Seegoolam, a préféré ne pas attendre la première réunion de cette instance dégageant la politique monétaire pour transmettre de nouveaux signaux dans la conjoncture. Dès jeudi dernier, il a convoqué une réunion du Special Banking Committee de la Banque de Maurice en réunissant les Chief Executive Officers (CEO) des 18 banques commerciales opérant à Maurice.

Après un constat des lieux de l’épidémie du coronavirus et de son impact sur l’économie, la Banque centrale a énoncé les contours préliminaires de ce Stimulus Package, comprenant des mesures monétaires et fiscales à venir. “Au cours de ces premiers contacts, we have seen what we can do to further accompany the country in the circumstances. Generally, in the world, central bankers are in the front to fight the scourge. C’est ce que j’ai été appelé à faire dès la première semaine de ma prise de fonction”, a déclaré à Week-End Harvesh Seegoolam.

“Dans cette perspective, une des premières mesures entérinées au niveau de la Banque de Maurice a été de put on hold le Guideline on Credit Impairment Measurement and Income Recognition, qui est entré en vigueur depuis janvier dernier. Certes, c’est une démarche temporaire, mais elle devra alléger les difficultés de cash flow et de working capital requirements des entrepreneurs en créant le breathing space face aux séquelles du coronavirus”, poursuit le gouverneur de la Banque de Maurice.

Même à ce jour, du côté de la Banque centrale, on avance qu’il n’y a pas de signaux de détresse qui ont été émis par les opérateurs économiques nécessitant des interventions d’urgence. Mais les principaux secteurs économiques qui sont sous surveillance sur le radar à la BoM Tower restent toujours les PME, le tourisme, le commerce et la manufacture. “J’ai demandé aux banques de faire preuve de flexibilité et de procéder sur une case by case basis, ajoute-t-il. Harvesh Seegoolam s’est gardé de s’aventurer pour commenter l’agenda de la première réunion du Monetary Policy Committee sous sa présidence de mardi prochain, devant être dominé par les ramifications du coronavirus.

« Extrêmement compliqué »

D’autre part, outre cet éventuel Stimulus Package, la Banque centrale, en collaboration avec la Mauritius Bankers’ Association, travaille sur un protocole pour l’opération des filiales des banques de Maurice en cas de détection du coronavirus sur le territoire mauricien, que ce soit un Mauricien ou un ressortissant étranger qui soit porteur. “Ces aspects d’ordre pratique méritent d’être calés dans le cadre de la campagne du preparedness au Covid-19 dans le cadre légal régissant les opérations dans le secteur bancaire”, poursuit-il.

Au sein de l’industrie touristique, avec 112 licensed hotels et une  room capacity de 13 489 unités et 31024 bed places, générant un peu plus de 30 000 emplois directs, sans compter les emplois indirects dans le réceptif et autres, et des recettes de Rs 63,1 milliards l’année dernière , l’on se garde malgré tout d’être alarmiste. “Nous faisons confiance à notre intelligence collective pour prendre des décisions dans le bon sens”, laissait entendre hier un des Top Guns du tourisme après une nouvelle réunion de travail au ministère du Tourisme en prélude aux discussions sous la présidence du ministre de tutelle, Joe Lesjongard, de demain.

Les dernières analyses de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT), confirmant une décroissance de l’ordre de 3% sur le plan mondial, ne sont guère encourageantes. “À Maurice, avec l’interdiction de visiter le pays imposée jusqu’ici aux ressortissants de la République populaire de Chine, de l’Italie et de la Corée du Sud, les dégâts sont conséquents. 6% du tourism business sont déjà effacés et c’est extrêmement compliqué”, ajoute-t-il, préférant garder l’anonymat avec le casse-tête des annulations de réservation, alors que, techniquement, à la veille de la pointe des vacances de Pâques, la tendance aurait dû être autrement.

En concertation avec l’Association des Hôteliers et Restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM), Air Mauritius et la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA), le ministère a également pris la décision de réunir le Monitoring Committee de manière plus régulière et de mettre sur pied une cellule de communication en vue d’établir une meilleure interaction avec les tours opérateurs à l’étranger et à Maurice pour préserver l’image de marque de l’île en tant que destination touristique.

La réunion du conseil d’administration de l’AHRIM, qui se déroulera mardi, devra permettre à l’industrie d’avoir une meilleure visibilité de l’évolution de la situation depuis janvier dernier et des perspectives pour les six prochains mois au moins, en mettant en parenthèse la prochaine haute saison de la fin de 2020. L’inquiétude de l’heure concerne toute décision que la cellule de crise, présidée par le Premier ministre, Pravind Jugnauth, sera appelée à prendre en marge de toute nouvelle détérioration en France, se préparant à passer à la phrase 3 de l’épidémie du coronavirus.

Le gouvernement maintiendra-t-il le cap du protocole en vigueur avec des restrictions contraignantes sur la présence française sur le sol mauricien et une interruption de la desserte aérienne entre la France et Maurice comme cela a été le cas pour la Chine et Hong Kong dès la fin de janvier et pour l’Italie depuis le week-end dernier avec la prolifération de cas suspects et avérés sur le territoire français ? “C’est une question bien délicate”, répond-on sèchement dans les milieux de l’industrie touristique, qui rappelle que “depuis la semaine écoulée, les autorités ont pris la décision de placer en quarantaine des passagers venant de France et présentant des signes de fièvre après un screening au thermomètre thermique à leur descente d’avion au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport”.

Si la Chine, l’Italie et la Corée du Sud  constituent un potentiel de quelque 100 000 touristes annuellement, le marché touristique français présente un attrait nettement différent, avec pour la première fois la barre des 300 000 visiteurs franchie l’année dernière, soit un touriste sur cinq (21,8% selon les chiffres officiels). La situation en France est suivie de près que ce soit sur le front de la santé publique ou des répercussions sur les activités économiques à Maurice.

Graves conséquences

À l’Hôtel du gouvernement, l’on préfère officiellement mettre en avant la réaction du Premier ministre en réponse à une interpellation supplémentaire du leader de l’opposition lors des échanges sur la Private Notice Question de vendredi. “Look what’ s happening in France. On parle de la phase 3 de l’épidémie du Covid-19. How is this going to impact on Mauritius. How much ? How far ? How deep ?” avait-il déclaré en dressant un parallèle avec l’Italie.

Tout semble indiquer que le gouvernement sera appelé à adopter un “balanced and reviewed protocol” dans la lutte contre le coronavirus dans ces circonstances. “Si l’on a recours à la stratégie adoptée jusqu’ici, avec Maurice ayant agi de manière virulente pour se protéger lors de l’étape initiale de l’épidémie, il nous faudra prévoir quotidiennement entre 900 et un millier de places en quarantaine pour les passagers venant de France. Ce n’est nullement envisageable logistiquement. Nous allons devoir adapter notre response aux nouvelles donnes relatives au virus avec tout de même le mot d’ordre d’éliminer tout unacceptable risk. Nos gouvernants en sont pleinement conscients”, fait-on comprendre au sein des instances appropriées.

Plus grave encore avec une éventuelle politique dénuée de tout compromis au sujet de la fermeture des frontières et des contacts avec la France pour lutter contre ce virus  sera le cas de la compagnie aérienne nationale, Air Mauritius. Déjà, depuis lundi dernier, celle-ci traverse une zone de fortes turbulences avec la démission séance tenante du Chief Executive Officer, Somas Appavoo.

Ce développement est venu se greffer sur les graves conséquences pour les opérations suite au gel de la desserte sur la Chine et Hong Kong. “Ce sera la mort subite non seulement pour Air Mauritius avec quasiment tous ses aéronefs cloués au sol, mais également l’économie. Qui voudra porter la responsabilité d’un tel risque”? s’insurge-t-on. Dans l’immédiat, la stratégie de rechange élaborée par le ministère du Tourisme préconise une campagne de tarifs promotionnels que ce soit pour les billets d’avion et dans les hôtels au niveau de la région. Des mesures complémentaires pourraient être retenues lors de la réunion présidée par le ministre Lesjongard demain.

Par contre, le revers de la médaille du coronavirus n’est pas aussi sombre. Ainsi, le cours du pétrole sur le marché mondial a chuté de plus de 30% depuis le début de l’année (voir graphique plus loin) et le Brent s’affichant à 45,28 dollars le baril, soit son plus bas niveau depuis juin 2017, à la clôture des transactions de vendredi. Avec les dissensions au sein de l’Organisation des Produits Exportateurs de Pétrole (OPEP) autour d’une offre visant à réduire la production pétrolière, tout semble indiquer que le baril de pétrole pourrait descendre au niveau des 30 dollars américains d’ici le second trimestre.

Mais à Maurice, les consommateurs n’ont pas encore bénéficié des retombées de cette baisse substantielle du cours mondial. Le Petroleum Pricing Committee de la State Trading Corporation, qui s’est réuni vendredi, a maintenu les prix des produits pétroliers, soit Rs 44 pour le litre d’essence et Rs 35 pour le mazout. Ces prix sont en vigueur depuis le 11 juin de l’année dernière, au lendemain de la présentation du budget, précédant la campagne électorale pour les législatives du 7 novembre 2019.

Du côté du Central Electricity Board, où l’on s’attend à générer de profits par milliards comme ce fut le cas en 2015 et 2016, il n’y a aucune indication de rajustement à la baisse des tarifs d’électricité en faveur des abonnés domestiques ou industriels qui ressentent les effets du Covid-19 sur leurs opérations…

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