Entreprise : Ces PME qui résistent à la crise

Vinay Kanhye (Kanhye Health Foods) : « Le cash-flow, c’est le sang de notre entreprise »

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Ourvashee Rajiah (Ellams Spice Master) : « Ne pas hésiter à prendre des risques »

Shirin Gunny (Made in Moris) : « Il y a eu un réel apprentissage sur l’apport des technologies »

Ellams Spice Master et Kanhye Health Foods font partie des PME qui ne se laissent pas abattre par la crise de Covid-19 et le confinement. Elles ont réfléchi, persévéré, revu leurs stratégies et leurs opérations afin de garder en vie leur entreprise. Le dénominateur commun entre ces PME, c’est qu’elles se sont adaptées à la nouvelle situation, tant sur le plan opérationnel que technologique.

Shirin Gunny, CEO de Made in Moris, explique que, pendant la crise du confinement, le « Back to consumer » a eu toute son importance : « C’est ça le socle d’une entreprise, le re-focus sur les réseaux sociaux, et ces dernières semaines, il y a eu un réel apprentissage sur l’apport des technologies, et notamment des réseaux sociaux », explique-t-elle. Concernant Ellams Spice Master et Kanhye Health Foods, elle souligne que « ce que vous avez appris pendant la crise peut vous emmener plus loin ». Elle ajoute : « C’est un ‘turn around’, un nouveau positionnement. » Pour Shirin Gunny, toutes les entreprises ont un ‘business continuity plan’ qui leur permet de prévoir comment elles vont continuer à opérer et se développer dans telle ou telle circonstance, « sauf que la Covid-19 nous est tombée sur la tête et que plusieurs d’entre nous se sont retrouvés désemparés et il fallait réfléchir à comment s’en sortir et aussi commencer à se repositionner après la pandémie ». Et le virage numérique, dit-elle, peut beaucoup apporter aux entreprises.
« Nous étions désespérés »

Ourvashee Rajiah, directrice de Ellams Spice Master, dit qu’elle ne s’est pas découragée, et qu’avec son équipe, ils sont directement allés vers le consommateur « et cela nous a aidés à revoir notre stratégie et à relancer notre business ». Ellams Spice Master existe depuis 50 ans. Cette entreprise familiale, où la 3ème génération prend maintenant le relais, a dû revoir complètement sa manière de travailler depuis la crise de Covid-19. Beaucoup a changé depuis le 19 mars. L’entreprise a fait appel au NPCC (voir encadré) : « Le module qui nous a le plus aidé, c’est le No. 7 concernant les nouvelles stratégies. Là, on s’est remis en question, on s’est assis et on a réfléchi. On était obligé de discuter et voir nos faiblesses. À ce moment-là, c’est-à-dire au début du confinement, nous étions désespérés car on n’avait pas de ‘work permit’ et nos travailleurs ne voulaient pas venir travailler car ils avaient peur du virus », raconte Ourvashee Rajiah. La majorité des employés sont des femmes habitant la région de Quartier-Militaire. Cet arrêt brutal des activités a causé des difficultés majeures : pas de production, pas de vente, pas de recette. « Nous étions en difficulté. Tout était ‘down’. Le NPCC nous a encouragés et, par la suite, vers le 22 ou 24 mars, on a mis un message sur notre page Facebook sur les bienfaits des épices sur notre système immunitaire et cela a été un déclic ! Dès que nous avons commencé à conscientiser les gens sur le fait que les épices aident à renforcer le système immunitaire, il y a eu un grand intérêt. On a commencé à nous demander si on vendait en ligne. Et nous avons saisi l’occasion et on s’est lancé. Mais comme nous n’avons pas les moyens d’aller distribuer un ou deux sachets, nous avons proposé d’acheter un pack d’une vingtaine de sacs d’épices et les gens étaient très intéressés. Ce fut une autre ouverture pour nous », raconte la directrice d’Ellams Spice Master.

« Ne pas hésiter à prendre des risques »

Avant la crise, l’entreprise ne faisait du marketing qu’avec boutiques et supermarchés, mais grâce à Facebook elle a eu un contact direct avec les consommateurs. « En ce moment, ces derniers ne regardent pas les marques mais c’est la qualité et la santé qui les intéressent. Ils veulent des produits sains et nous allons continuer à travailler dans cette direction. » Pour Ourvashee Rajiah, la Covid-19 a été riche en enseignements : « Il ne faut pas hésiter à prendre de nouvelles mesures, revoir notre logistique, s’adapter, et essayer de nouveaux outils, et surtout ne pas hésiter à prendre des risques. » Depuis le 20 mars, l’entreprise a réduit ses heures de travail, mais compte diminuer les salaires de ses employés proportionnellement, et ces derniers sont d’accord. « Nous leur avons dit qu’au lieu d’avoir zéro salaire, nous avons réussi à les payer et maintenir leur emploi et ils ont accepté », dit-elle.
Kanhye Health Foods est la première compagnie à Maurice à cultiver le ‘brède mouroum’ (Moringa) à l’échelle commerciale. Elle produit même des infusions. Le Moringa est connu comme la plante miracle, contenant du calcium, des vitamines et minéraux. Les produits de Kanhye Foods sont vendus dans supermarchés, duty free stops, hôtels et pharmacies. L’entreprise, qui exporte aussi vers le Canada, la France, La Réunion, la Grande-Bretagne et l’Afrique du Sud, a démarré ses opérations en 2015 et travaille avec le NPCC depuis 2016. « Depuis 2015, les gens ont commencé à être conscients des bienfaits sur la santé du Moringa. Personnellement, j’ai trouvé le module 1 du NPCC intéressant, concernant les mesures à mettre en place dès la reprise. Nous avons développé un protocole avec 15 items, dont le premier est une ‘Response team’ visant à assurer que le protocole développé soit respecté, et aussi pour créer ‘l’awareness’ au sein de notre personnel. Il fallait nous assurer que nos employés restent en bonne santé, leur fournir des masques. Chez nous, nous ne pouvons utiliser du ‘hand sanitizer’ parce que l’on touche à un produit alimentaire. Ceux qui sont malades, on leur dit de rester à la maison. Et nous ouvrons les fenêtres à tout moment. Nous respectons les gestes barrières et le mètre de distance. Nous avons modifié la ‘lunch time’ pour éviter trop de monde dans la ‘mess room’ au même moment. Nous demandons aussi au staff d’apporter leurs propres ustensiles pour le déjeuner », explique Vinay Kanhye, directeur de Kanhye Health Foods.

« On ne peut travailler
sans les réseaux sociaux »
« Le Covid-19 ? On ne s’y attendait pas du tout. Même les astrologues qu’on a entendus en fin d’année ne l’ont pas vu venir ! Nous avons tous été pris de court. Il fallait assurer la ‘business continuity’ et on n’avait pas de choix », poursuit Vinay Kanhye. Il se dit surpris qu’à Maurice beaucoup de gens ne connaissent pas les bienfaits des ‘brèdes mouroum’, alors qu’à l’étranger les vertus de ce produit sont très connues. « Donc, il fallait revoir notre marketing et notre ‘branding’. On a refait notre site web. Aujourd’hui, on ne peut travailler sans les réseaux sociaux. Nous avons externalisé notre ‘social media marketing’ et, une fois par semaine, nous faisons des posts », dit-il.
Cependant, Vinay Kanhye explique que son entreprise a toujours été en contact avec les clients, mais pendant le confinement « si vous voulez vendre vos produits, les réseaux sociaux sont la solution ». Chez Kanhye Health Foods, le client commande les produits sur le site web, ensuite le distributeur vient les récupérer et fait la livraison. « Nous ne pouvions aller directement chez les clients, donc nous avons contacté d’autres entreprises qui se chargent de la distribution. Chacun peut s’entraider. L’important, c’est aussi la ligne de démarcation entre notre produit et les produits des concurrents », dit le chef d’entreprise.
Ce que Vinay Kanhye retiendra du confinement ? « Le contexte entrepreneurial est très compliqué, que ce soit le marketing, le cash-flow, et l’investissement capital doit être très calculé », dit-il. Mais le plus important reste le cash-flow qui permet à l’entreprise de rouler, sans oublier le stock et le paiement des salaires. « Le ‘cash-flow’, c’est le sang de notre entreprise. Parfois, on a des commandes mais il n’y a pas d’argent pour honorer ces commandes… » Mais la crise de Covid-19 lui a enseigné une chose importante pour l’avenir de son entreprise : « La conscientisation des gens sur l’importance des produits naturels a augmenté avec cette pandémie. Donc, nous ne sommes pas trop inquiets pour l’avenir et pour notre produit. Parce que la demande pour les ‘health foods’ ira de manière croissante. Nous envisageons même, à l’avenir de cultiver des plantes médicinales à l’échelle commerciale… »

Le NPCC à la rescousse

Le National Productivity and Competitiveness Council (NPCC) n’a pas chômé ces dernières semaines. Françoise Marechal-Charlotte, responsable du développement commercial et du consultancy, explique « qu’on voulait voir comment cela se passe au sein des entreprises ». Elle poursuit : « Beaucoup voulaient connaître les meilleures pratiques et voulaient de l’aide. Nous avons entamé une réflexion pour trouver des solutions à offrir, notamment en élaborant de petits modules, sur la gestion des finances, le HR, la stratégie et l’innovation. » Dans la situation actuelle, il faut se poser les bonnes questions et surtout le plus important est de protéger ses employés, que ce soit pendant le confinement ou à la reprise du travail. « Nous avons aussi travaillé sur un module pour le ‘cash-flow’ et aussi tout le volet d’approvisionnement et la chaîne de distribution, un module sur la productivité, car il faut éliminer les gaspillages, et un module sur la technologie. Parfois, il faut faire abstraction de tout ce que l’on voit et que l’on entend, car au-delà de l’impact négatif de la Covid-19, il y a des opportunités pour tout le monde. Ces deux entrepreneurs de Ellams Spice Master et Kanhye Health Foods illustrent cela. Ils ont su répondre à la crise. Ils ont su réagir. »

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