ÉRIC CHAMP, PSYCHOTHÉRAPEUTE ET PSYCHOLOGUE CLINICIEN : « L’émotion se situe entre psyché et soma, entre le psychologique et le corporel »

Éric Champ a fait salle comble au cinéma Star début décembre lors de sa conférence sur les émotions à l’invitation de l’Association des Praticiens de l’Approche Centrée sur la Personne (APACP). Beaucoup de psychologues étaient présents ainsi que de nombreuses personnes qui s’intéressent à la psychologie ou aux théories de Carl Rogers. Éric Champ n’est pas rogérien, mais il vient à Maurice en tant que formateur et jury pour des soutenances. Psychologue clinicien et psychothérapeute, il pratique pour sa part l’analyse psycho-organique qui tente d’associer les courants humanistes de la psychologie et la psychanalyse, en manifestant un intérêt particulier pour les aspects corporels de la psyché…
On dit toujours que les émotions relèvent de l’irrationalité, qu’elles sont incontrôlables, etc. Empêchent-elles pour autant de penser ?
C’est une grande question, peut-être aussi un grand désir déçu chez l’être humain que de vouloir contrôler sa vie ou la vie de l’autre. Or fondamentalement, il suffit de se référer à la tragédie grecque, depuis que l’homme pense, il se confronte à un rapport au monde qui est profondément incarné, ce qui implique une relation charnelle aux autres… Bien sûr qu’on peut penser le monde intellectuellement, en utilisant des modèles de représentations, mais avant tout, on le vit, on y participe, on est présent au monde dans des situations concrètes de vie. Les émotions recouvrent cette dimension charnelle de l’expérience qui fait que nous ne sommes pas des êtres distanciés qui mettraient en oeuvre des opérations intellectuelles… Nous sommes impliqués personnellement et intimement à chaque situation que nous rencontrons et qui nous interpelle.
Chacun développe des schémas réactifs qui permettent de gérer une partie des émotions. L’enjeu du développement de l’être humain est notamment par influence de l’environnement, par mimétisme aussi, d’inscrire en soi des automatismes qui n’obligent pas à réinventer une réponse à chaque instant et qui font que chaque situation n’est pas une découverte. Cela permet effectivement de se mouvoir sans trop être affecté par ce qu’on vit… Mais il suffit d’une petite nouveauté dans le programme — ne serait-ce qu’une petite phrase d’un proche — et tout peut être bouleversé. Dans ces cas là, les émotions débarquent de façon désordonnée, d’où cette crainte qu’elles amènent une sorte de dépossession de soi.
L’émotion est-elle par essence déstabilisante ? Ne peut-elle pas aussi être constructive ?
L’émotion est une réaction primaire au monde. Avoir peur, être inquiet est une émotion primaire centrale, essentielle, car elle permet de se représenter un certain danger et une certaine vulnérabilité dans le monde. De même toutes les émotions sociales, l’amour, l’intérêt pour l’autre qui correspondent aux émotions essentielles à l’être humain, sont au service de la rencontre et du contact avec autrui.
Mais les émotions sociales ne font-elles pas partie de ce que l’on apprend ?
Certains schémas émotionnels sont innés comme par exemple le sourire, le pleur. Mais dès son premier sourire, le bébé a, face à lui, un autre humain qui confère une signification à ce sourire. Et immédiatement il se met à exister dans la situation très particulière de cette relation. Il reçoit avec son sourire un commentaire, un autre sourire, une qualité de présence, etc. Le premier sourire, cet automatisme, devient une conduite sociale en partage avec d’autres humains, dans un monde de rencontres intersubjectives. L’émotion représente une dimension centrale du rapport au monde qu’entretiennent les humains. Ce qui rend les situations palpables réside dans le fait qu’elles soient médiatisées par le corps, ressenties et perçues à travers le corps…
Alors si les émotions nous révèlent des choses sur nous même et sur le monde, pourquoi passons-nous notre temps à vouloir les maîtriser, les refouler ou les contenir ?
Tout un domaine des émotions est ritualisé comme les situations de deuil, la façon de se dire bonjour, d’accueillir quelqu’un qu’on n’a pas vu depuis longtemps, etc. Tout cela est codé mais il existe un type d’émotion qui dérange l’ordre humain : celle qui jaillit de l’espace singulier d’une personne… Imaginez plusieurs personnes à table, et soudain, l’une d’entre elles se met à pleurer. Si elle apparaît comme l’expression de quelque chose d’intime et singulier sans lien perceptible avec ce qui aurait pu déclencher ces larmes, l’émotion individuelle interpelle toujours le groupe, ou l’autre personne. Elle dérange… Autre situation comparable, dans un bus rempli, une femme parle fort et dit “Ne recommencez pas ça !”. Ça jette un trouble parmi les passagers car quelque chose dans l’ordre du collectif est déstabilisé à ce moment-là. Cette émotion qui n’est pas partagée, exprime de façon singulière une expérience douloureuse pour cette femme, c’est comme un cri.
Donc seules les émotions collectives sont admises en société ? Faut-il empêcher pour autant les émotions individuelles de s’y exprimer ?
Surtout pas. Il est souhaitable que la personne qui a été touchée dans le bus réagisse. Elle a raison de privilégier sa propre sécurité sur ce qui serait convenable de faire… Mais pour autant, toutes les émotions ne témoignent pas d’une souffrance personnelle. Certaines personnes sont des spécialistes de l’utilisation feinte des émotions pour exercer leur pouvoir sur l’autre. Les mécanismes d’emprise et de manipulation sont basés sur l’utilisation systématique de l’émotion.
Des choses comme le chantage affectif ?
Absolument, ça court-circuite la raison et ça permet de culpabiliser l’autre. Quand par exemple un supérieur hiérarchique se met en colère, et commence à commenter les agissements de ses collaborateurs en disant “C’est pas possible, qu’est-ce que j’ai fait pour avoir une équipe pareille !”. De cette manière, il les attaque et les disqualifie avec et par des émotions, alors qu’il aurait pu expliquer ce qui ne va pas par le dialogue. Là au lieu de manipuler, il exprime une exigence qui a tout à fait sa place dans ce contexte, alors qu’une personne qui va faire une histoire personnelle d’une situation de travail, génère de la peur et fragilise son interlocuteur dans ses assises narcissiques…
Poursuivons sur cet exemple, ne peut-il pas y avoir des cas où la colère se justifie quand la cause de la colère se répète souvent ?
Tout sera dans la mesure. Est-ce que l’émotion sera une façon de se mettre en lien ? On peut tout aussi bien dire : “Ça fait trois fois que je te demande la même chose, je me demande comment on va pouvoir continuer ?” Ou il peut y avoir une colère qui détruit et attaque l’autre…
L’émotion passe à la fois par le langage et par le corps mais quelles en sont les différentes formes ?
Les émotions sont des conduites intermédiaires, qui ne sont ni totalement psychologiques ni de simples actions. Elles se caractérisent par tout un ensemble de manifestations neurovégétatives et leur dimension psychologique. L’émotion se situe entre psyché et soma, entre le psychologique et le corporel.
On associe souvent les émotions au monde féminin. N’est-ce pas un cliché un peu galvaudé ?
C’est peut-être un cliché mais c’est aussi une réalité fondée. Les femmes et les mères sont celles qui par excellence savent que la vie ne prendra forme que par le langage de l’affect. Elles sont le maillon fort de cette histoire-là et savent très bien qu’avoir un enfant, consiste avant tout à créer un lien affectif avec un autre être. Les aspects éducatifs interviennent aussi mais les femmes sont beaucoup plus branchées sur ce fondement du monde…
Voulez-vous dire qu’elles le sont par nature ou qu’elles apprennent à l’être ?
Elles le sont par nature mais nous sommes tous des êtres culturels et la culture modifie les émotions. Savez-vous par exemple que certains groupes ethniques ne connaissent pas la colère, les Esquimaux par exemple. Ils la connaissent chez l’autre, chez les Américains, qu’ils traitent de “toujours en colère”, mais eux ne la pratiquent pas. La culture façonne bien sûr énormément la nature, mais accoucher, être au coeur même de cette réalité qu’un corps va engendrer un autre corps, savoir que les choses passeront par là, amène toute une dimension protectrice de la vie liée à la maternité qui est très présente dans le monde féminin.
Quand on remonte aux débuts de la psychiatrie où on s’intéressait à l’hystérie, ce sont bien des émotions négatives qu’on associait au sexe féminin ?
L’hystérie était complètement fabriquée, cette mise en scène de ces femmes à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière avec Charcot relève peut-être de l’hypocrisie masculine… Cette forme qu’a été l’hystérie s’enracine dans un contexte social et culturel particulier au XIXe siècle avec un traitement de la sexualité très particulier. Dans la bourgeoisie, la sexualité féminine était très contrôlée tandis que la sexualité masculine était oppressante, abusive et déviante, avec énormément de pédophilie, d’abus, etc. On n’en parlait pas à l’époque, on considérait cela comme normal…
J’ai lu que Darwin présentait les émotions comme quelque chose d’universel. Pourrait-on essayer de distinguer ce qui est universel et inné dans les émotions de ce qui est culturel ?
Darwin dans son modèle d’évolution des espèces considère effectivement que les émotions peuvent être des résidus de l’évolution des espèces. Il existe tout un champ d’observation chez les ethnologues, sur la façon dont les animaux ont conservé des séquences de comportement, qui sont restées ensuite comme ritualisées et qui ont valeur de communication. Le fait de lever les babines chez un chien en signe d’agression demeure un code pour signifier à l’autre congénère qu’il y a une menace. Les comportements adaptés d’une certaine époque restent partiellement dans la mémoire, comme une chaîne émotionnelle qui aura valeur de communication.
Est-ce que les humains n’auraient pas tendance à prêter aux animaux des sentiments qu’ils ne ressentent pas forcément ?
Les animaux témoignent de capacités d’amour et d’un certain sens de la fidélité, mais d’une manière générale, les êtres humains se caractérisent par les sentiments qui représentent une sous-catégorie des émotions. Il y a une part d’anthropomorphisme, mais on arrive quand même assez bien à repérer le chat stressé et inquiet, ou le chat heureux et tranquille… Les vétérinaires décrivent très bien les signes concrets du comportement animal qui témoignent, surtout chez les mammifères, d’un rapport émotionnel au monde.
Au-delà de ce qui relève de l’inné ou de l’instinct, quels sont les autres types d’émotions que les humains ressentent ?
En tant que psychothérapeute, je m’intéresse aux émotions parce les souffrances de l’existence s’y expriment à travers des histoires d’amour, des conflits relationnels, etc. À partir de là, je me représente les émotions en termes de niveaux d’élaboration. Certaines sont archaïques et très peu élaborées. Les plus élaborées sont les sentiments, la joie, le plaisir, la tristesse, à travers lesquelles un rapport à l’autre très explicite et relativement conscient se construit. Il existe un récit dans lequel l’autre est inclus, un récit affecté. Par exemple, d’un point de vue psychopathologique, on estime généralement qu’une phobie qui concerne un objet ou un être, sera moins grave qu’une phobie de situation, comme l’agoraphobie, ou le fait d’être dans un ascenseur ou dans le noir. La phobie de situation a à voir avec des choses très primitives… souvent des angoisses de séparation.
Finalement les émotions sont votre matière première…
Les facteurs relationnels prédominent dans une psychothérapie. Le patient vit une expérience sécurisante pour lui-même de la rencontre avec l’autre, être accueilli, reconnu. Ce qu’aborde globalement la psychothérapie, consiste à faire une confiance absolue à ce que la personne vit dans un rapport à elle-même. Elle se contacte, commence à évaluer des situations, ce qui lui arrive, son existence, à partir de ce qu’elle vit au quotidien. Sachant toutefois que ce que l’on vit n’est pas ce qu’on se raconte… Il vaut mieux d’ailleurs raconter ce que l’on vit, que vivre ce qu’on se raconte.
Mais accomplir un rêve, un désir, c’est vivre ce qu’on se raconte, non ?
Oui à condition de mettre le rêve à l’épreuve de soi… Si le rêve est une idéalisation de soi, la personne risque de s’engager dans une voie de perdition. Bien sûr, dans la vie, il existe des choses qu’on appréhende avec des idéaux, des valeurs, des schémas sociaux, etc. Mais dans le temps de la psychothérapie, revenir à soi ou développer un espace interne, propre et singulier, un espace qui est une rencontre avec soi-même, c’est fondamental.
La démarche consiste à se reconnaître comme sujet de son expérience. Dans la relation aux autres, cette posture est très importante, elle responsabilise. “Évidemment, je n’ai pas de raison de me plaindre des autres, mais pourquoi suis-je si passif avec eux, pourquoi je me tais ? Si je commence à donner de l’importance et de la valeur à ma propre expérience, je vais peut-être aussi faire en sorte que mon expérience soit prise en compte. Je me laisserai de moins en moins de côté au nom de je ne sais quelle vérité qui appartiendrait aux autres”. La psychothérapie n’est pas un repli en soi mais un égoïsme altruiste… La rencontre avec l’autre n’a de sens que si je suis en contact avec moi-même. Sinon je ne rencontre que rêve ou illusion.
Souvent l’éducation enlève cette faculté à être conscient de son ressenti. On apprend aux enfants à se taire, à être sage, à ne pas pleurer. Faut-il tout réapprendre, se débarrasser des conditionnements amenés par l’éducation ?
Bien évidemment, rappelons tout d’abord que l’éducation est une mission impossible. Les parents vivent un dilemme terrible puisqu’ils doivent à la fois donner des cadres à l’enfant pour qu’il s’inscrive dans des schémas sociaux mais l’aider aussi à accueillir les expériences singulières des uns et des autres… On rate toujours dans cette histoire-là et tous les jours. Par contre, il importe particulièrement de toujours pouvoir revenir en arrière.
J’ai l’exemple d’une maman qui me vient à l’esprit qui a été considérablement maltraitée par sa mère. Elle était la Cendrillon de la maison et a fait un long travail thérapeutique sur elle-même. Elle s’est mariée, elle a pu fonder une famille. Elle est elle-même thérapeute aujourd’hui. Or régulièrement, elle retombe dans les expériences traumatiques dans lesquelles elle s’est construite. C’est une vraie torture pour elle de constater qu’il lui arrive d’être violente verbalement avec une de ses filles qui occupe la place qu’elle occupait dans sa propre famille…
Bien sûr, dans ce genre de cas, la répétition nous enseigne des choses, et peut montrer qu’il existe des émotions en nous qui ne sont… pas à nous. On incorpore les émotions des autres… Il existe des critères pour reconnaître et identifier les émotions propres, intérieures et celles issues de notre rapport sensible au monde. Ce qui est merveilleux chez cette mère, c’est qu’à chaque fois qu’elle dérape, elle revient voir sa fille, elle lui parle, lui explique qu’elle n’y est pour rien et lui demande pardon. Grâce à cela, l’enfant comprend le récit qui est fait et peut se structurer autour de cela. Elle peut se différencier des émotions maternelles, sachant qu’elles ne lui étaient pas destinées, ce qui lui évite toute culpabilité et dévalorisation.
Mais ce n’est pas toujours facile de dire ce qu’on a vécu à son enfant…
Dans cette mission impossible qu’est l’éducation, on peut revenir, on peut mettre des mots sur les choses un jour ou l’autre. Grâce à cela on se fait beaucoup de bien, on se soigne, la parole au sein de la famille a réellement un pouvoir thérapeutique. Elle permet de lever des malentendus, de demander pardon… Bien sûr, cela remet en question des représentations des parents.
Un parent est-il cet être infaillible et idéal qui serait dépositaire de toutes les vérités et dont les conduites ne pourraient souffrir la moindre critique ? Ou le parent est-il tout simplement un être humain qui se débat lui aussi avec les difficultés à tenir sa propre cohérence ?
Alors comment est-il possible de distinguer les émotions qui viennent de soi de celles qui viennent d’autrui ou de son histoire enfouie ?
Les émotions qui ont été incorporées fonctionnent comme si la personne était dissociée, comme s’il y avait un autre en elle, c’est à dire qu’elle a beau reconnaître le côté inadéquat de ses conduites, ça recommence, ça se répète et bien sûr ça décourage… C’est comme s’il y avait un autre moi, “un alien à l’intérieur, la mauvaise partie de moi, le diable en moi,” etc.
Mais comment fonctionne ce mécanisme ? L’autre nous a tellement traumatisé qu’on fait comme lui ?
On appelle cela l’identification à l’agresseur, c’est Ferenczi qui l’a identifié à travers l’exemple clinique du petit homme-coq. Cet enfant s’était fait picorer le sexe par un coq et de ce jour, il avait arrêté de parler et se prenait pour un coq. C’est un des effets des situations traumatiques. Le côté répétitif et irrépressible de ces émotions “autres” nous rapporte non pas à la personne dans son rapport vivant au monde, mais à une zone traumatique qui est là, qui a été incorporée et qu’il faut soigner.
J’ai suivi un éducateur d’abord en supervision, puis en thérapie, une personne chez qui j’avais toujours senti une violence terrible, bien qu’elle n’ait jamais violenté qui que ce soit. Cet homme est venu me voir récemment pour un travail thérapeutique, car il a perdu son deuxième fils de deux ans à cause d’une tumeur au cerveau. Avec son épouse, ils ont mis en place tout un processus absolument admirable et considérable, d’accompagnement de cet enfant. Le père est venu me voir neuf mois après son décès parce qu’il allait très mal.
J’ai alors été intrigué par le fait qu’il me dise qu’il avait envie de casser la gueule à tout le monde… “J’attends que quelqu’un me donne l’occasion que je lui défonce le portrait, etc.” Je comprenais le sentiment d’injustice mais je n’arrivais pas à faire le lien entre cette colère envers la vie et les gens… et la mort de son fils. Puis ce patient m’a appris qu’il a vu dans son enfance, son père maltraiter sa mère et la battre, si bien qu’à cinq ans, sa mère est partie avec lui, et il n’a plus jamais revu son père depuis. Mon interprétation, à tort ou à raison, est que la présente colère qui déborde n’est pas celle du père en deuil de son fils mais plutôt une colère dont il ignore les racines. Il dit lui-même : “Je vois bien que mon fils a peur quand je hausse le ton.” C’est inscrit en lui et la meilleure façon de s’en dégager consiste à revenir vers cet enfant en lui qui a été terrorisé par la violence du père, à le rassurer et l’aider à mettre de l’ordre dans tout ça.
Est-ce que cela veut dire que rien n’est irréparable dans le domaine de la psychologie ?
C’est notre hypothèse. Il arrive au thérapeute de se demander s’il est bon de bousculer les aménagements défensifs que le patient a mis en place jusqu’ici. Nous recevons des personnes qui sont en souffrance parce que leur système défensif ne fonctionne plus. Un autre exemple : une femme de 42 ans consulte une thérapeute que je supervise, à cause de problèmes de couple. La thérapie ne marche pas mais la patiente en vient à parler de ses origines si pauvres qu’il n’y avait parfois rien à manger, et elle dit qu’elle dormait de temps en temps avec le chien. La thérapeute est alors bouleversée par l’image de cette petite fille si seule qu’elle cherche l’affection auprès du chien, et lui dit : “Mais qu’est-ce qui est donc arrivé à cette petite fille si seule ?” À partir de là, la patiente fait des rêves d’abus sexuels avec des images de soutanes, etc. Tout un contexte où elle était abusée par un curé du village. Cette femme a des symptômes qui posent problème dans son couple. Son système défensif fonctionnait partiellement, avec du refoulement mais ensuite est venu le fameux retour du refoulé.
En fait, je voulais en venir au refoulement de la thérapeute… En supervision, elle se montrait paniquée, elle doutait d’aider sa patiente. Pourquoi pensait-elle qu’elle faisait mal son travail ? En fait, elle a elle-même été abusée, elle a travaillé là-dessus en thérapie mais n’en avait jamais parlé à sa soeur ou ses enfants. Elle venait juste d’en parler à son compagnon suite à un cauchemar. Cette personne s’est très bien développée dans sa vie mais le travail n’est pas fini, parce qu’elle craint toujours de parler de son enfance à ses proches. C’est pourquoi elle est catastrophée pour sa cliente. Son propre système défensif a été débordé alors qu’elle a fait un travail formidable avec sa cliente. Elle vivait cette histoire dans l’incongruence.

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