ÉTYMOLOGIE ET EXPÉRIENCE HISTORIQUE : La noblesse du terme “marron”

Je souhaiterais que l’on cesse d’utiliser le mot marron et marronnage à tout bout de champ pour décrire des tendances frauduleuses. Il est vrai que le « taxi marron » est entré dans le langage courant, mais à force d’associer ce mot à des activités interdites, on finit par oublier la noblesse du terme dans son étymologie et surtout l’expérience historique à laquelle elle se réfère.
Hier, les colons venus enchaîner des humains pour en faire des bêtes de somme déclaraient « marron » tout ce qui ne leur convenait pas. Le mot vient de l’espagnol cimarrón et signifie « s’échapper, fuir ». Le mot vient du registre animalier et signifie sauvage. Un animal marron est un animal qui retourne à l’état sauvage, tel que le cochon marron. Tant que le vocabulaire animal s’applique aux animaux, c’est bien, mais quand on l’applique à des humains, quel message veut-on faire passer ?
En français, le mot s’est étendu aux travailleurs blancs engagés qui fuyaient leurs mauvaises conditions de travail. Puis il s’est appliqué à l’esclave qui s’affranchissait lui-même de ses chaînes et cherchait à vivre libre loin de ceux qui l’avaient privé de sa liberté. Le marron n’est pas un animal revenu à l’état sauvage. Le marron est simplement un homme libre qui a été réduit en esclavage et qui s’est donné les moyens de retrouver la liberté, ce qui est parfaitement légitime.
A Maurice, le terme marron est employé – à tort – pour décrire des pratiques de triangaz ou même frauduleuses. Depuis quelque temps, le mot marron est utilisé à toutes les sauces, et récemment j’ai même lu un titre dans la presse à propos d’une « université marron ». J’estime que, dans un esprit pédagogique, il est temps d’arrêter et de remettre les pendules à l’heure en utilisant d’autres adjectifs disponibles dans la riche langue française.
Il est clair que ceux que l’on désigne historiquement par le terme de « marrons » portent sur eux le poids de la péjoration de leurs anciens maîtres. Mais le mot a pris une aura de noblesse à cause de la justesse de leur quête. Ceux qui trichent et qui escroquent ne sont pas des chercheurs de liberté comme les premiers « marrons » dignes d’être respectés, mais des voleurs et des gens immoraux. Ce serait bien de cesser de mélanger les torchons et les serviettes dans un pays où la confusion a été érigée en sport national.

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