EXPOSITION : Sur les traces de Pierre Argo

Depuis une semaine, 45 toiles signées Pierre Argo ornent les murs de deux salles de la galerie du Mahatma Gandhi Institute (MGI) à Moka. À 70 ans, après 50 ans de carrière il a choisi de faire voyager le visiteur sur la trame de sa vie. Incursion dans son univers.
Un fer forgé, une ancienne balustrade ou des frises d’une maison coloniale, l’indépendance du pays, des bambous, des fleurs, le développement durable, des hommes et des femmes… Le plasticien nous livre une magnifique oeuvre de 45 toiles à dimension variée qui parlent de différentes périodes de sa vie. Toutes ont été réalisées pendant les trois dernières années : certaines à Rose-Hill où il réside quand il est de retour au pays natal, d’autres à Sainte-Geneviève, en France où il vit avec sa femme et d’autres encore lors de ses multiples voyages. Car Pierre Argo ne s’arrête jamais. « Une petite toile se porte facilement dans la valise », dit-il. Il se passionne de tout, que ce soit une thématique d’actualité, un projet en vue, une idée, une image, un objet mis à la poubelle…
S’il a débuté dans le figuratif, croquant très jeune, à l’âge de quatre ans, les bateaux dans la rade vus de Fort-George, après un atelier de Beaux-Arts avec le photographe et plasticien allemand Siegfried Sammer, à 15 ans, l’artiste est mis sur la voie de l’abstraction. « Siegfried Sammer nous initiait déjà à ces techniques à l’époque », affirme-t-il. « Depuis les années 80, je fais de l’abstrait ». Il privilégie le mix-media pour s’exprimer. « J’aime les matières. Cela donne de la substance ». Collage, peinture acrylique ou huile, encre, estampes sont quelques-unes des techniques dont il fait usage.
À première vue, de nombreuses toiles de Pierre Argo peuvent sembler difficiles à comprendre puisque l’on ne discerne pas forcement des référents. Cependant les formes, les couleurs et les textures ne gênent pas. Bien au contraire, l’harmonie dégagée invite même à la contemplation. L’artiste joue beaucoup avec le mélange de couleurs. Les trames et l’écriture font parties intégrantes de son travail. Deux moyens qui donnent à la fois une assise à l’ouvrage et le rendent aérien. « La vie est faite de trames et de tuyaux : de veines pour irriguer le coeur et le corps, des tuyaux pour amener l’eau à la maison, le tube digestif… Sans les tuyaux rien n’existerait », observe Pierre Argo.
Il aime travailler sur du tissu imprimé ou tout autre support présentant des trames. Ainsi, une vieille chemise, un pull over, les veines d’un bout de bois, une dentelle, l’empreinte de semelles peuvent donner le fil conducteur à une image en devenir. Pour la toile Le recensement, Pierre Argo a peint sur une chemise qu’il a achetée en Afrique et qui présente une trame de tête. Il y a aussi l’exemple de la toile présentant les trois femmes qui dansent. L’artiste exploite judicieusement la trame des pois pour évoquer le mouvement, les rondeurs, l’ombre et la lumière.
Photographe professionnel ayant réalisé de nombreuses photographies aériennes, Pierre Argo nourrit son imaginaire de plasticien de cette autre passion qui est aussi son gagne-pain et qu’il a appris aux côtés de Siegfried Sammer. « Je fais des plans aériens et donc, je vois beaucoup de choses. Tout cela (les trames, les formes et les couleurs), on le trouve dans la nature. Le graphisme des champs par exemple est incroyable », affirme-t-il.
L’écriture est présente dans beaucoup de ces travaux comme Depi Rozill, une toile commencée à Sainte Geneviève et terminée dans son appartement au centre de Rose-Hill. « J’adore écrire », affirme-t-il. « Peindre c’est écrire. L’écriture doit être rapide. Il faut que cela vibre, donne de la vivacité à l’image. »
D’autres toiles peuvent être lues plus facilement comme L’Esquisse monétaire, Le Souk ou encore Le 12 mars 1968. Le visiteur ne manquera pas non plus les marques rappelant l’origine insulaire de l’artiste avec la mer, les bateaux ou les noix de cocos… et les couleurs aussi.
La thématique d’actualité « Maurice île Durable » est bien présente avec des référents clairs également. L’oeil de la Mauritius Commercial Bank d’Ebène avec l’inscription Maurice Île Durable dans le tableau intitulé Énergie renouvelable se voit d’emblée. Pierre Argo fait aussi un clin d’oeil à la bambouseraie qui verra le jour à Midlands, projet sur lequel il travaille avec le multiple à six pièces intitulé Bientôt à Midlands.
Au Mauricien qui le rencontrait quelques jours avant le vernissage de son exposition dans son appartement à Rose-Hill transformé en atelier, Pierre Argo affirmait qu’il préfère travailler sur les grands formats. Il peint rapidement et debout. Une posture qui l’aide certainement à mieux se réaliser.
L’exposition de Pierre Argo est ouverte jusqu’au 3 juillet à la galerie d’art du MGI, à Moka.

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