Fait du jour du Question Time : la Speaker se montre intraitable

  • Maya Hanoomanjee expulse le ministre Jhugroo, prend à contre-pied le ministre Gayan sur la motion de censure contre le GM et dresse un sévère avertissement au député Adil Ameer Meea
  • Le député Bhagwan exige des garanties du ministre Bodha sur la réhabilitation post-Metro Express dans la région de Barkly
  • Reza Uteem tente d’acculer SAJ sur les enquêtes policières pour le délit allégué de “Stirring Up Racial Hatred” à l’encontre du ministre du Tourisme et de l’ex-VPM Showkutally Soodhun

Pour ce qui se présente comme l’une des dernières sessions de l’Assemblée nationale avant sa dissolution prochaine en vue des élections générales, la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee, a voulu imprimer son empreinte. Pour la séance post-trêve dans le cadre des Jeux des îles de l’océan Indien (JIOI) hier, elle a expulsé le ministre du Logement et des Terres, Mahen Jhugoo, un des leaders de la “Shouting Brigade” de la majorité. C’était au tout début du Prime Minister’s Question Time. Puis, à la fin de la tranche du Question Time, elle allait prendre à contre-pied le ministre du Tourisme, Anil Gayan, au sujet de la motion de censure contre le gouvernement déposée par le chef de file du Labour à l’Assemblée nationale, Shakeel Mohamed. Contrairement à la position affichée par le ministre Gayan, elle maintient que le député de l’opposition est habilité à revenir avec une autre motion similaire à l’avenir. Auparavant, le député du MMM, Adil Ameer Meea, s’était vu administrer un “Severe Warning” de la Speaker pour sa tentative de remettre en question sa décision.

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La tranche du Question Time d’hier a également vu le député du MMM Reza Uteem revenir à la charge contre le ministre Gayan et l’ancien vice-Premier ministre Showkutally Soodhun au sujet des enquêtes policières pour le délit allégué de “Stirring Up Racial Hatred”. Le minister mentor, sir Anerood Jugnauth, a dû puiser dans ses derniers retranchements face aux interpellations supplémentaires du MMM.

Pour sa part, dans la conjoncture pré-électorale, le député du MMM Rajesh Bhagwan a préféré assurer ses arrières en se cantonnant à exiger des garanties formelles du ministre des Infrastructures publiques, Nando Bodha, quant aux travaux de réhabilitation post-Metro Express dans la région de Barkly.

Avec un début de séance relativement cool, rien ne présageait une expulsion ordonnée par la Speaker. Surtout que les “Marching Orders” étaient adressés à un ministre, nommément Mahen Jhugroo, très proche comme elle du clan Jugnauth. Sans hésiter une seconde, ella a été sans pitié contre le ministre, habitué à se faire sermoner pour ses écarts au Decorum de la Chambre.

Répondant à la PQ d’Ameer Meea sur le nombre de missions entreprises par le chef de la Fonction publique depuis les dernières élections générales, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, devait faire comprendre que les informations, qui sont en voie de compilation, seront déposées à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale en temps et lieu. Le député du MMM devait tenter d’obtenir des précisions du chef du gouvernement quant au délai pour l’exercice en cours.

En guise de réplique à la surprise exprimée par le député du MMM, Pravind Jugnauth devait s’en tenir à ses propos initiaux, tout en ajoutant que « I am not surprised that the honourable member is surprised ». C’est à ce moment que le député Bhagwan par voie de question supplémentaire devait reprendre le Premier ministre sur le nombre de réponses promises au sein de l’hémicycle, mais non déposées à la Bibliothèque de l’Assemblée nationale. Il devait faire état de 217, voire même 220 PQ, encore en souffrance de réponses à ce jour.

Alors que Maya Hanoomanjee tentait de calmer le jeu en demandant au député Bhagwan de reprendre sa place, un autre foyer de tension allait s’ouvrir, avec notamment un échange de propos assez acerbes entre Rajesh Bhagwan et Mahen Jhugroo, le premier nommé lançant un sonore « rest trankil ar mwa ta gopia, ale do ta ». La Speaker ne s’est pas fait prier pour lancer : « Honourable Bhagwan, please mind your language. » Puis elle s’est adressée au ministre des Terres.

Speaker : Honourable Jhugroo, why is it that you are interrupting in a PQ ?

Mais tout semblait indiquer que le ministre n’avait pas porté attention à la remarque de Maya Hanoomanjee, qui allait servir une première sommation.

Speaker : Honourable Jhugroo, I’m warning you..

Rien ne semblait avoir d’effet sur le ministre, qui poursuivait ses échanges.

Speaker : Honourable Jhugroo, I’m ordering you out.

Mahen Jhugoo n’a alors eu d’autre choix que d’obtempérer en ramassant ses affaires pour quitter l’hémicycle. La tranche du Prime Minister’s Question Time venait de démarrer.

Mais ce n’était qu’un premier signal venant de la Speaker’s Chair. À la fin de la tranche des interpellations, soit vers 16h10, Maya Hanoomanjee, par le truchement d’un “Announcement from the Chair”, allait placer le ministre Gayan dans une position inconfortable, le député travailliste Shakeel Mohamed affichant un sourire de satisfaction nullement dissimulé.

Maya Hanoomanjee est revenue sur l’épisode du retrait de la motion de censure contre le gouvernement au nom de Shakeel Mohamed lors de la séance du 16 juillet dernier. L’Assemblée nationale n’avait pas entamé de débats sur cette motion, vu que le “Mover”, en l’occurrence Shakeel Mohamed, n’était pas présent au sein de l’hémicycle à ce moment précis.

Lors des échanges, le ministre du Tourisme était intervenu pour prendre à défaut le Deputy Speaker, Joe Lesjongard, qui présidait la séance. Anil Gayan avait soutenu que le Deputy Speaker aurait dû demander à la Chambre de prendre un vote suite au retrait de la motion à l’effet qu’elle ne pourrait plus être inscrite de nouveau à l’agenda des travaux parlementaires. « Cette démarche était nécessaire car une motion de censure ne peut être présentée qu’une seule fois contre le gouvernement », aurait argué en substance Anil Gayan lors de la séance du 16 dernier.

Analysant les circonstances de cette affaire par rapport aux Standing Orders 29 (2) et 31 (1), Maya Hanoomanjee a une autre lecture de cette équation parlementaire tout en soulignant que « Honourable Shakeel Mohamed gave me prior notice that he was not going to move the motion ». Elle poursuivra que vu que la motion n’a pas été débattue, « the right to move the motion of confidence is personal to the member ».

« Dans ces circonstances,  la motion de blâme peut être inscrite de nouveau à l’ordre du jour pour être débattue dans un délai de 30 jours avec le Notice donné comme prévu », a estimé la Speaker alors que Shakeel Mohamed riait sous cape et que Anil Gayan tentait de se relever de ce crochet de Maya Hanoomanjee.

Avec le “mood” affiché par la Speaker, Adeel Ameer Meea peut, lui, s’estimer heureux de s’en sortir juste avec un sévère avertissement suite à une prise de bec avec la première nommée. Cet incident est survenu lors de la PQ portant sur le rejet d’une demande de Residence Permit en faveur d’un étranger officiant pour le compte du Zamzam Zakaat Fund Movement. De son côté, le Premier ministre n’a pas fait dans la dentelle lors des échanges sur les questions supplémentaires à ce même sujet.

Dans sa réponse liminaire, le Premier ministre avance : « Foreign religious workers of different faiths have been allowed to come to Mauritius and serve local religious organisations. These organisations apply for residence permits to enable foreign priests to work and reside in Mauritius. » Ces religieux bénéficient de Residence Permit pour une durée de cinq ans. « The residence permit is issued on an annual basis, subject to the following conditions : foreign priests are granted residence permits annually for a maximum period of 5 years; foreign priests serving a society will not be allowed to switch to another society during the term of 5 years, except where they have left Mauritius before that period and there is a gap of not less than one year as from the date of their last departure and date of fresh application for work and residence permits; and foreign priests who have or will reckon a cumulative period of work and residence for four years should swear an affidavit to the effect that they will not apply for registration or naturalization as a Citizen of Mauritius. »

Des Social Visas d’une durée maximale de 45 jours sont aussi accordés à des religieux pour des groupes ne dépassant pas dix personnes à l’invitation des organisations socio-religieuses. Dans le cas du Zamzam Zakaat Fund Movement, une demande officielle pour le dénommé A. I/ M. du Bangladesh pour une période d’une année avait été logée le 26 décembre dernier. Il devait officier en tant qu’imam.

« The Ministry of Labour, Industrial Relations, Employment and Training then sought clearance for residence permit from my Office. However, my Office has been advised to turn down the application. The Secretary of Zamzam Zakaat Fund Movement was informed of the decision in April 2019 », a  déclaré Pravind Jugnauth, ajoutant qu’en mai dernier, un appel en vue d’une révision de la décision avait été logé, en vain. « I wish to point out that there are many instances where applications for residence permits in respect of foreign priests have been turned down for all communities indiscriminately », a-t-il conclu.

Susbséquemment, Adil Ameer Meea a voulu connaître la raison du rejet de la demande du Zamzam Fund Mouvement alors que sa venue à Maurice avait pour but de dire des prières pour le mois du ramadan. C’est la première fois, dit-il, que la mosquée de Zamzam a fait une demande pour un imam étranger.

« Peut-être que le député Ameer Meea ne le sait pas. Je peux comprendre, car il n’a jamais siégé au sein du gouvernement. Aucune raison n’est avancée dans ce genre de cas. C’est la pratique, comme cela avait été le cas sous le gouvernement MSM-MMM à l’époque », note le Premier ministre. Devant l’insistance du député du MMM au sujet de ce rejet de Residence Permit au nom d’un imam du Bangladesh, Pravind Jugnauth devait sortir de ses gonds. « En 2014, à l’époque de “koz-koze” entre le Parti travailliste et le MMM, pas moins de 13 demandes similaires avaient été rejetées par le gouvernement d’alors, et il n’y avait pas d’interpellations parlementaires à ce sujet », devait-il lâcher.

De son côté, sir Anerood Jugnauth a révélé, dans le cadre d’une PQ du député Reza Uteem, que de janvier 2014 à ce jour, 16 cas de “stirring up racial hatred” ont été rapportés à la police, soit un cas en 2014, cinq en 2015, un en 2016, deux en 2017 et quatre en 2018. La police a procédé à huit arrestations, dont quatre s’étant soldées par des condamnations en cour, alors que concernant les quatre autres, des enquêtes sont en cours.

Uteem : Il avait été rapporté dans la presse que deux plaintes avaient été logées récemment contre le ministre Gayan pour des délits similaires. Peut-on savoir ce que sont devenues ces enquêtes ?

SAJ : I don’t have the information. Si l’honorable Uteem vient de l’avant avec une interpellation spécifique, je chercherai les informations…

Uteem : Dans le nombre de personnes interpellées, y a-t-il des membres du gouvernement ?

SAJ (prenant son temps en consultant son dossier) : I’ve got a long list… Voulez-vous que je la dépose ?

Uteem : Répondant à une PQ, le Premier ministre avait fait état de six enquêtes contre Showkutally Soodhun. Que s’est-il passé avec ces dossiers ?

SAJ : How can I say ?

Répondant à une autre interpellation du même député du MMM, le ministre mentor a révélé que, de 2014 à ce jour, 81 cas de dégâts occasionnés à des temples, églises, mosquées et autres lieux de culte ont été rapportés à la police, soit huit en 2014, 15 en 2015, 11 en 2016, 14 en 2017, 19 en 2018 et 15 depuis début 2019. Seize arrestations ont été effectuées et sept condamnations prononcées.

Uteem : En septembre 2015, suite à la profanation d’un temple dans le sud, le Premier ministre d’alors, sir Anerood Jugnauth, avait déclaré que les coupables doivent être condamnés… Qu’en est-il ?

SAJ : What I said was what I believe. Je n’ai pas jugé ces cas. Je n’ai pas prononcé de sentence. If I were the judge, I would have been very severe with this matter.

Uteem : Mais les peines prévues dans la loi pour ce genre de délits sont très faibles, notamment une amende de Rs 200 000 et un maximum de deux ans de prison. N’y a-t-il pas lieu de revoir à la hausse ces peines ?

SAJ : Mon impression est que les cours de justice sont « very lenient » dans ces cas… I’m sure that most of the Courts will not apply the sentence of two years imprisonment. Peut-être que si l’on imposait dans la loi une peine minimale et une maximale…

Uteem : Dans les quatre condamnations, combien ont été sanctionnées par des peines de prison ?

SAJ : Dans un cas, six mois de prison et Rs 300 pour les frais. Dans un autre cas, deux ans de bonne conduite et Rs 100 de frais, et dans l’autre cas, « absolute discharge ». So you see how the Courts are lenient.

Uteem : Dans des déclarations publiques, le Premier ministre ne cesse de répéter qu’il y a des personnes qui se rendent coupables de profanation de lieux de culte en vue d’attiser la haine raciale. Peut-on savoir si la police a ouvert une enquête à ce sujet ?

SAJ : Mon impression est qu’il y a des actes volontaires en vue d’attiser la haine raciale. Dans le passé, il n’y avait pas autant de cas. Quelque part, il doit y avoir des gens qui tentent de troubler la paix publique en semant la haine entre les communautés.

Abordant les problèmes dans le sillage des travaux pour la construction du métro dans la région de Barkly, Rajesh Bhagwan n’a pas gobé les promesses formulées par le ministre Bodha dans sa réponse. Ce dernier a fait état de 12 “Cycling Racks” avec la Barkly Metro Station et le fait que les contracteurs indiens de Larsen & Toubro réhabiliteront les terrains de jeu et autres sites de loisirs affectés avec l’exécution des travaux, dont l’opération du Pre-Cast Yard sur le terrain de football de la localité. Il a aussi parlé d’un Open Sport Complex dans cette région. Il a réitéré que le métro sera opérationnel en septembre prochain, 81% des travaux ayant déjà été complétés.

Bhagwan : In the minister’s answer I have heard so many will be. Ce qui préoccupe les habitants de cette région, qui ne sont pas nécessairement contre le projet, c’est de savoir ce qu’il adviendra de toute cette infrastructure socio-sportive affectée par les travaux. Prenons le cas du terrain de football, qui avait nécessité des fonds de Rs 15 millions. Les habitants craignent de voir ce stade devenir comme le Stade George V, qui était un « No 1 Stadium ». Aujourd’hui, on voit dans quel état se trouve le stade George V… Comment et quand seront exécutés ces travaux de réhabilitation ?

Bodha : I understand the problems faced by the inhabitants of Barkly. Il y a encore l’embouteillage à hauteur du rond-point de Gool. Cela devra être réglé dans deux à trois semaines. Il y a l’engagement pris par Larsen & Toubro pour la réhabilitation. Il y a aussi le PPS de la région et la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill, qui suivent de près la situation.

Puis il y a le projet de planification urbaine visant à connecter Barkly à Richelieu. Barkly ne sera plus un cul-de-sac. Le projet sera présenté bientôt au Conseil des ministres, avec Barkly également ouvert sur Bambous.

Bhagwan : I hope that you are not a « tirer plan ».

Le député du No 20 a demandé au ministre d’effectuer une descente des lieux dans la region de la NHDC La Confiance pour constater de visu les graves inconvénients et préjudices subis avec les travaux du projet Metro Express.

Bhagwan : No tap latab. Les gens sont impatients. Le ministre a fait état d’échoppes avec la Barkly Metro Station. Peut-il s’assurer que les habitants de la région bénéficieront de ces occasions, et non des étrangers venus d’ailleurs ?

Bodha : We owe it to the people of Barkly.

En dernier lieu, le député Franco Quirin est intervenu pour mettre en garde contre les risques à la sécurité routière à l’arrière du poste de police de Barkly tout en souhaitant des mesures urgentes, dont une présence policière.

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