Question Time : la police et la magistrature au pilori

  • Les 16 kg de drogue manquants : SAJ, n’avalant pas les explications, institue une enquête confiée à un ex-juge sur les dessous de ce scandale ébranlant l’ADSU
  • UoM : Un Fact Finding Report attendu vendredi sur la fuite du questionnaire aux examens de droit avec une magistrate-Lecturer prise en écharpe
  • Le ministre Sesungkur tentant de se dépêtrer du Mutual Evaluation Report d’ESAAMLG face à des réclamations de Rs 140 M dans le projet avorté de Heritage City

Deux institutions, soit la force policière et la magistrature, devant être au-dessus de tout soupçon, ont été clouées au pilori lors de la tranche du “Question Time” de la séance parlementaire d’hier. Fidèle à son franc-parler, le ministre mentor, sir Anerood Jugnauth, a recadré de manière magistrale la police du commissaire Karl Mario Nobin.

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Faisant comprendre au député du MMM Adil Ameer Meea qu’il n’a nullement avalé les explications fournies par les “Police Headquarters” au sujet des 16 kilos d’héroïne d’une valeur marchande de Rs 160 millions des 135 kilos de Navin Kistnah, saisis le 9 mars 2017 dans le port, sir Anerood Jugnauth a annoncé une enquête confiée à un ancien juge de la Cour suprême pour élucider les dessous de cette affaire, révélée en exclusivité dans les colonnes de Le Mauricien du mercredi 27 juin dernier.

De son côté, la magistrature se retrouve dans l’étau avec des accusations de fuite aux récents examens de droit à l’Université de Maurice. Des cinq membres de la magistrature, engagés en tant que “Part-Time Lecturer” sur le campus du Réduit, l’une se retrouve en situation de délicatesse avec le rapport du “Fact Finding Committee” à l’agenda de la prochaine réunion du Sénat de vendredi. L’affaire du “Mutual Evaluation Report” de l’Eastern and Southern Africa Anti-Money Laundering Group (ESAAMLG) a été évoquée lors du “Statement Time” avec une intervention du ministre des Services financiers, Sudhir Sesungkur, qui avait révélé auparavant qu’en sus des paiements de Rs 47 millions déjà effectués au titre du projet mort-né de Heritage City, des réclamations additionnelles de Rs 140 millions avaient été également faites par les consultants étrangers de Stree, même si aucun rapport n’a été versé au dossier.

La réponse de sir Anerood Jugnauth à la PQ des plus anodines du député Ameer Meea au sujet des saisies de drogue par la police depuis avril 2017 a transmis donc des “Shockwaves” au QG de l’ADSU et ressenties également aux “Police Headquarters” du CP Karl Mario Nobin. D’entrée de jeu, il a annoncé qu’il allait déposer sur la table de l’Assemblée les statistiques officielles fournies par la police.

Mais le coup de tonnerre devait surgir de manière instantanée. Pourtant jusqu’à hier matin, les ténors de l’ADSU se vantaient d’avoir une parade pour répondre aux révélations du Mauricien sur les 16 kilos d’héroïne manquant des 135 kilos du 9 mars 2017. Toutefois, l’on notera que depuis ces trois dernières semaines, le commissaire de police a fait preuve de « discrétion absolue et légendaire » en n’apportant aucun éclaircissement à ce sujet. En tout cas, le “Mentor Minister” n’a pas avalé la couleuvre des “wrappings” pour justifier les 16 kilos manquants. Pour clore le tout, il a annoncé avoir pris la décision de recourir à un ancien juge de la Cour suprême pour faire la lumière sur ce scandale.

« I am further informed by the Commissioner of Police that since April 2018, no drugs seized by Police (ADSU) have been reported missing. I am informed of a case where a variation in weight of the drug seized has been noted. That particular case relates to drugs seized in March 2017. I have asked for explanation thereon from the Commissioner of Police and I wish to state that I am personally not satisfied with same. I have therefore decided to initiate an independent enquiry to be presided by a former Judge of the Supreme Court to shed light in this matter », s’est appesanti le ministre mentor, dont la déclaration aura pris plus d’un de court. Les commentaires à la “Lunchroom” de l’Assemblée nationale sont qu’en tout cas avec un tel désaveu sur une plateforme formelle, le commissaire de police ne devrait avoir qu’une chose à faire, à savoir tirer sa révérence dans les meilleurs délais.

L’auteur de l’interpellation parlementaire était lui-même des plus surpris car il n’y avait plus de questions supplémentaires. « I thank the Honourable Minister Mentor for the reply. Je devais venir avec une interpellation supplémentaire sur cette saisie dans le cas de Navind Kistnah avec les 16 kilos d’héroïne manquants », devait ajouter le député du MMM en demandant des précisions sur l’identité de l’ancien juge de la Cour suprême identifié ou encore la date du début de cette enquête sur l’ADSU. « This will be done as soon as possible », devait répondre sir Anerood.
Toujours en ce qui concerne les affaires de la police, le ministre mentor a révélé que de janvier 2017 à ce jour, 646 cas de larcin contre des touristes avaient été enregistrés formellement. 92 suspects ont déjà été appréhendés et 46 d’entre eux ont été condamnés. « I wish to inform the House that a monitoring committee has been set up at the level of my ministry and I am personally ensuring that measures put in place for the protection of tourists are being fully implemented », a-t-il poursuivi en énumérant une série de huit mesures spécifiques à ce sujet.

Un peu plus tôt, en réponse à une interpellation du député rouge Ritesh Ramful, sir Anerood avait également sorti le rotin contre la direction de la police. Cette PQ portait sur le transfert d’une “Woman Police Constable” pour avoir dressé un procès-verbal à un président de conseil de village dans le Sud. « My personal impression is that she has been punished because she has booked a chairman of a village council. I’ve told that to the commissioner of police. Action must be taken », s’est appesanti le ministre mentor.

D’autre part, les fuites des questionnaires de droit aux récents examens de l’Université de Maurice a mis à mal l’intégrité de la magistrature avec un des membres devant répondre à un “Fact Finding Committee” institué sur cette affaire. C’est ce qu’a laissé entendre le député du MMM, Veda Baloomoody. La ministre de l’Education, Leela Devi Dookun, a annoncé que les conclusions de ce “Fact Finding Committee” seraient à l’ordre du jour de la prochaine réunion du Sénat de l’Université de Maurice. De son côté, l’Attorney General, Maneesh Gobin, a déclaré qu’à ce stade, il n’y avait aucune doléance contre un membre de la magistrature dans cette sinistre affaire de tricherie caractérisée à des examens universitaires.

Répondant à la PQ au nom de Veda Baloomoody, la ministre de tutelle a confirmé que trois questions lors des épreuves de droit avaient été discutées au préalable par des étudiants sur le campus d’Ebène et que cette situation « est nettement préjudiciable à ceux du campus principal du Réduit », en citant le fait qu’au moins un membre de la magistrature est cité dans cette affaire. « Cette affaire a été portée devant le “Board of Examiners”, qui a recommandé au Sénat d’instituer un “Fact Finding Committee”. Lors de sa réunion du 13, le Sénat a entériné cette décision et le rapport du “Fact Finding Committee ” fera partie des délibérations du Sénat de vendredi », a-t-elle ajouté dans sa réponse liminaire.
La ministre s’est gardée de s’aventurer d’aller plus loin dans cette affaire lors des interpellations supplémentaires. Elle a fait comprendre qu’il « faudra attendre les décisions de la réunion du Sénat pour décider de la marche à suivre quant au sort réservé à ces examens de droit ».

Pour sa part, l’Attorney General, confirmant qu’il y a cinq membres de la magistrature, qui sont engagés en tant que “Part-Time Lecturers” à l’Université de Maurice, a littéralement joué à Ponce Pilate dans cette affaire de fuite à l’épreuve de droit. « The Master and Registrar has received no complaint against any magistrate », a-t-il dit.
Baloomoody : C’est un fait connu sur la place publique. Un membre de la magistrature est concerné par cette affaire. La magistrature doit être vue comme étant au-dessus de tout soupçon. N’est-il pas temps de mettre un terme à cette pratique avec des magistrats engagés dans du “Private Work”. Now it’s quite embarrassing. A magistrate is going to depone before a Fact Finding Committee ?

Gobin : C’est une pratique qui existe. I have an open mind. Je peux reprendre cette question de “Private Work” des magistrats avec le Master and Registrar et même avec le chef juge.
Rutnah : I’m extremely concerned especially for the fact that this matter concerns a magistrate. Serait-il de trop de demander au Master and Registrar de suspendre cette magistrate le temps de cette enquête. It concerns the integrity of the judiciairy ?
Gobin : The Master and Registrar has received no complaint.
A l’heure du “Statement Time”, le ministre des Services financiers a préféré prendre le taureau par les cornes au sujet de la controverse du “Mutual Evaluation Report” d’ESAAMLG sur Maurice. Il devait rejeter la responsabilité des “shortcomings” relevés dans le rapport de 2018 sur le dos du précédent gouvernement.
« The 2008 Mutual Evaluation Report (MER) contained detailed recommendations to assist Mauritius in complying with the Financial Action Task Force (FATF) Recommendations. Mauritius was under the ESAAMLG reporting process for the period 2008 to April 2016, when it exited the process for the current evaluation exercise. Unfortunately during 2008 to 2016, except for the enactment of the Asset Recovery Act, most of the recommendations for improving the AML/CFT regulatory landscape in the 2008 Report were not implemented », a déclaré Sudhir Sesungkur en ajoutant que « although Mauritius held the ESAAMLG Presidency between September 2011 and September 2012, and in that capacity had a leadership role in ESAAMLG region, it failed to address its own AML/CFT deficiencies. »
Abordant le “Mutual Evaluation Report” de 2018, le ministre des Services financiers a fait comprendre que « Mauritius ought to have completed, as a minimum, the assessment of the money laundering and terrorism financing risks facing the country, that is, a national Risk Assessment exercise; and the enactment of appropriate legislations and implementation of other measures to bring the AML/CFT framework in conformity with the new FATF standards. »

Le ministre a commenté la teneur de ce rapport en notant que « some issues have been interpreted differently in different parts of the report which resulted in an inconsistent analysis by the evaluators. » Il a poursuivi en faisant état de « factually incorrect information although Mauritius had submitted detailed information on these facts on numerous occasions. » Il a conclu à ce chapitre en affirmant que « the Mutual Evaluation procedures of ESAAMLG are not fully documented and as such this undermines the transparency of the mutual evaluation process ».

Le ministre des Services financiers, qui récuse la thèse que Maurice aurait réclamé le rejet du rapport d’ESAAMLG, car techniquement, elle ne peut le faire, a confirmé que les objections de Maurice seront débattues lors de la réunion du conseil des ministres de septembre aux Seychelles. « I wish to underline that Government is taking a series of measures and actions to reform our financial services sector. The blueprint contains a number of policies and proposals which will further develop this sector and certainly take it to new heights in the coming years », devait-il conclure.
Auparavant lors du “Question Time”, le ministre a été coincé sur le recrutement d’un consultant, un dénommé Ah Yue, pour le compte du ministère dans le cadre des préparatifs du “Blue Print for the Global Business Sector”. Le député Reza Uteem était intéressé par les procédures suivies par le ministère pour le recrutement de ce consultant et le montant des “fees” payés.

Au sujet du “Blue Print” pour l’Offshore Per Se, soumis par les consultants de McKinsey au coût de USD 420 000 (Rs 12 millions), Sudhir Sesungkur a confirmé que « the approval of government will be sought shortly on the findings and recommendations contained in the Blueprint, after which arrangements will be made for its official launching. All stakeholders concerned will subsequently be invited for a briefing session to ensure effective implementation of the recommendations. »

Par contre, l’héritage de Heritage City continue à peser lourd et à hanter le gouvernement. Répondant au député Bhagwan, le ministre a confirmé « qu’une somme de Rs 47, 232,941.22 a déjà été payée. Ce montant Rs 43,053,165.76 de “consultancy fees,” dont STREE Consulting Ltd : Rs 39,716,981.50 et Luxconsult (Mtius) Ltd : Rs 3,336,184.26. With regard to the outstanding quantum of fees payable, I am informed that claims amounting to Rs 4,594,501.85 from Luxconsult (Mtius) Ltd and USD 4,246, 547 from Stree Consulting Ltd have been received for payment. These claims have yet to be assessed before payment can be effected », a-t-il ajouté.
Les membres du Board de Heritage City Co Ltd ont perçu des honoraires de
Rs 803,250.00 de janvier à juin 2016. Les missions à l’étranger ont occasionné des dépenses de Rs 2,069,354.52, dont quatre voyages dirigés par l’ancin ministre Roshu Bhadain de novembre 2015 à avril 2016.

« As the House is aware, Government has decided to stall the Heritage City Project. In this respect, action is being initiated for the winding up of the company and I am informed that in the wake of this exercise, its Board of Directors will decide on measures to be taken regarding any properties of the company », a-t-il indiqué.
Bhagwan : De ce que vient de déclarer le ministre, nous déduisons que Rs 50 millions de fonds publics ont été jetés dans des drains…
Sesungkur : In fact, it’s Rs 47 millions. The project was a major project. Les investissements prévus étaient de Rs 5,5 milliards. It has been mishandled by the former minister. Des dépenses préliminaires sont inevitables pour des projets de cette envergure. This could not have been avoided. The project has been mishandled.
Bhagwan : Que se passe-t-il avec les terrains identifiés pour la réalisation de ce projet ?
Sesungkur : The Board of directors will reassess the whole situation and will decide on whatever assets to be disposed of.
Uteem : Pour ce qui est des réclamations, c’est une somme de Rs 140 millions en jeu. Qui en fera les frais ? Y a-t-il une garantie du gouvernement ?
Sesungkur : Nous ne pouvons interdire à des entités de loger des réclamations. Nous procédons actuellement à une évaluation de ces réclamations. Based on contractual obligations, we will see. That’s for the board to decide.
Meea : Précédemment, le ministre avait fait état d’esquisses soumises par les consultants. Peut-il confirmer si Stree Consulting a au moins soumis un rapport pour les dépenses de Consultancy encourues ?
Sesungkur : There are outlines of the city project. Je ne me rappelle pas avoir vu autre chose dans le dossier. Unfortunately, the file is empty.
Baloomoody : Sur la base des éléments fournis par le ministre dois-je comprendre que les membres du board continuent à percevoir des allocations ?
Sesungkur : Most of the members of the board have vacated. We are in the process of reconstituting the Board for the Winding Up process.

Ces envolées parlementaires qui collent

“I think you are distorting the version approved by my office” – Rappel à l’ordre de la Speaker lors du Statement du ministre Jadoo-Jaunbocus sur le Marguerite Shelter)

“The leader of the opposition will agree with me that we cannot have a policeman in every household” (SAJ lors de la PNQ sur le Law and Order)

“It fluctuates. Of course, we are not happy with the situation” (Le Minister Mentor sur les chiffres de la criminalité)

“On drugs, no action taken. No commission of inquiry. It’s easy to blame others. They will have to look at themselves in a mirror” (SAJ répondant aux critiques de XLD en faisant allusion à l’appartenance dans le gouvernement de Navin Ramgoolam)

“This question should have been addressed to the population, especially to the parents, who have no control on their children” ‘(SAJ sur les raisons de la prolifération de la drogue parmi les jeunes)

“The fight against synthetic drugs appears to be totally lost by the police” (Le leader de l’opposition)

“The Economic Development Board is becoming an Economic Development Monster in the hands of certain privileged persons” ‘(Rajesh Bhagwan)

“Except in the minds of some persons who don’t like taking lessons” (Le PM suppléant, Ivan Collendavelloo, répondant à Rajesh Bhagwan)

“I’m not afraid of your voice. I’m paid to do a job” (Bhagwan répondant à Collendavelloo)

“That information cannot be disclosed” (le PM suppléant à Malini Seewocksing au sujet des négociations avec le groupe Hinduja pour le rachat de Maubank Ltd)

« The Metro will have an impact on the National Transport Corporation and the whole transport industry » (Nando Bodha sur le Reengineering des subventions de Rs 2 milliards à ce secteur)

« These medical practitioners have some kind of immunity » (Le député Ramful sur le Medical Council)

“It’s not in order for people to give information in public when there is a litigation” (Ivan Collendavelloo rabrouant le backbencher de la majorité, Bashir Jahangeer sur les contrats de la CWA)

“I’m not aware who met whom. I know whom I met. There is nothing sinister about it” (Ivan Collendavelloo au sujet du lobbying d’une société grecque pour le projet de turbines à gaz au Fort-George de Rs 8 milliards)

« If anyone is unhappy, he can write to the Central Procurement Board of the IRP. He is familiar to the IRP. Therefore, the request is unfortunately turned down” (Le PM suppéant répondant à une demande du député Jahangeer)

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