FESTIVAL ZAKANA : Chronique de l’échec d’un projet ambitieux

Malgré ses ambitions, le Festival Zakana a rencontré énormément d’obstacles, l’empêchant ainsi d’atteindre son potentiel maximum. Tenue du 9 au 11 avril, cette manifestation avait comme souhait d’avoir une approche pédagogique vis-à-vis de la musique et de contribuer à son avancement sur le plan local. Des grands noms et des jeunes talents y étaient associés. Mais les hésitations de différents ministères ont provoqué son échec.
Sur l’estrade, Menwar entame Ay Ay Lolo. La lumière verte et jaune se reflète dans la fumée poussée par le vent fort de ce soir. Debout dans le spotlight, le chanteur regarde la centaine de personnes composant son public. Il ne se décourage pas. Cependant, malgré toute la bonne intention, l’énergie passe difficilement, car trop d’espace reste inoccupé sur ce terrain de football du Mauritius Sports Council (MSC) de Rose-Hill où un air froid circule. Quelques spectateurs apprécient, mais pas plus. Au moment de ce final samedi soir, ceux présents sont conscients que Zakana n’a pas été ce qu’il aurait dû être.
Ce festival avait pourtant tout pour plaire. Au programme, des ateliers sur la musique et la culture animés par Shola Adisa Farrar (artiste américaine venue spécialement pour l’événement) et Marclaine Antoine. Aussi prévus sur papier, une scène pour les jeunes talents en prélude des artistes confirmés. Parmi des grands noms de la scène locale : Lespri Ravann, La Foule, Ras Natty Baby. L’ambition de promouvoir la musique à texte avec une grande emphase mise sur la culture avait été initiée par Yannick Durhone, l’un des propriétaires du Sapin Café Culture. Malgré l’énorme soutien de l’ambassade américaine, la mise en place du festival a rencontré d’énormes obstacles, rendant son accomplissement difficile.
Historique.
À la base, Zakana était prévu pour le week-end du 9 au 10 décembre 2014, avec la collaboration de la cellule Culture et Avenir du PMO de Ramgoolam. Élection oblige, le festival avait été reporté. Yannick Durhone entame alors sous le nouveau gouvernement de nouvelles procédures. Le 21 janvier 2015, il rencontre le ministre des Arts et de la Culture, Dan Baboo, en compagnie de quelques officiers. “Le projet était prévu pour novembre 2015. J’ai indiqué au ministre que tout était prêt sauf les sponsors. Il m’a alors conseillé le mois d’avril, car le projet pouvait se faire en collaboration avec le ministère de la Jeunesse et des Sports qui prévoit durant cette période un programme spécial vacances.” Dès lors, le ministère de la Jeunesse indique que le festival se fera au MSC Complex à Rose-Hill. “De janvier à fin février, aucune certification officielle n’est communiquée. Nous avions des réunions, selman pann dir nanie lor kont rendu”, souligne Yannick Durhone. Et entre-temps, aucune information officielle ne pouvait être partagée au public.
À deux semaines du festival, le ministère change d’avis, indiquant que le complexe sportif ne peut accueillir un festival. Le ministre des Arts propose donc comme alternative La Citadelle. Or celle-ci est sous l’égide du ministère du Tourisme et se trouve aussi dans une autre région, forçant ainsi les organisateurs à reprendre toutes les démarches à zéro. Le mardi 7 avril, soit deux jours avant l’ouverture du festival, le ministère de la Santé s’oppose au projet pour cause de fièvre dengue. “C’est l’ambassade américaine qui a dû contacter le ministère de la Santé pour une réponse concrète.” Le lendemain, le MSC Complex est donc recontacté et tout est réorganisé au lieu initialement prévu. “Comment pouvez-vous faire une campagne de communication et de marketing dans ses conditions ?” s’interroge le propriétaire du Sapin.
Une fois sur les lieux, les organisateurs découvrent que l’emplacement n’est pas alimenté en électricité requise. Les discussions reprennent cette fois-ci avec le CEB qui réclame Rs 100 000. Entre-temps, l’ouverture du festival se fait au Sapin Café Culture dans la nuit du jeudi 9 avril. Zanzak et Shola Adisa-Farrar, artiste américaine dépêchée par l’ambassade, donnent le ton du festival.
Début.
Le lendemain au MSC, le festival, qui aurait dû débuter à 15 h, n’a été alimenté en électricité qu’à 17 h 30. “Nous avons dû contacter beaucoup de personnes et même l’ambassadeur américain a dû faire pression pour que finalement les choses bougent. Le CEB a finalement revu son prix à la baisse (Rs 40 000). Les Rs 30 000 fournies par le ministère des Arts et de la Culture doivent d’ailleurs lui être reversées directement », souligne le propriétaire du Sapin. La performance des artistes commence donc finalement à 20 h.
Malheureusement, le manque de temps a un impact direct sur la performance des artistes. Deux estrades étaient installées, une plus petite pour les jeunes talents à l’arrière du terrain et la principale pour les artistes confirmés à l’avant. La scène des jeunes prévue de 15 h à 18 h sera finalement recalée entre les temps de pause du concert principal. L’initiative méritait d’exister. À titre d’exemple, elle a permis d’exposer le groupe de jeunes Flashback qui comptait exploiter le métissage des îles à travers une version retravaillée du Roseda de Ti Frere, mélangée à la mélodie de L’amour oublié et L’Or Riant du groupe réunionnais Saodaj’.
Espoir.
Le lendemain, soit le samedi 11 avril, seule une centaine de personnes avaient fait le déplacement, forçant le présentateur à demander à la foule d’inviter leurs amis via SMS. Pourtant, de nombreux grands noms de la scène locale étaient présents : Zulu, Mulaeo, Tritonik, ainsi que l’artiste américaine Shola Arisa-Farrar. “C’est dommage que les Mauriciens n’aient pas pu profiter d’une telle panoplie de talents. L’école ne nous apprend que le côté académique, alors que la culture regroupe tous les aspects que ce soit de la musique, des bonnes manières ou de la culture générale. Or à Maurice, boukou dimounn pena kiltir par rapor a lart.”
C’est justement ce dernier point qui motive Yannick Durhone dans son objectif pour la diversification et la propagation de la culture. Bien que le festival n’ait pas marqué les esprits, comme il aurait dû le faire, l’initiative est amplement à saluer. Avec l’aide de l’ambassade américaine, il a ainsi lancé un projet à long terme. “La grossesse a été très compliquée, l’accouchement encore plus. La maman ne va pas très bien, mais le bébé est là… ” Zakana reviendra.

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