FEUILLES DE ROUTE (VI): Cap sur Amsterdam

Quittant Kensington Close et traversant le quartier huppé de Londres avec un oeil sur la Tamise matinale, le car avale les kilomètres à travers la verte campagne du sud de l’Angleterre pour arriver à Douvres. Les formalités frontalières satisfaites, on embarque à bord du ferry et on laisse derrière les falaises blanches de Douvres et les contours du château qui occupe le sommet. Quelques heures plus tard, le ferry fait escale à Calais, au nord de la France, et le cap est mis sur Amsterdam via le territoire belge.
Après une nuit de repos bien méritée à l’hôtel Nh Schiphol (qui ne se souvient de l’arrestation de quatre parlementaires mauriciens soupçonnés de trafic de drogue, à l’aéroport de Schiphol ?), la matinée est consacrée à une promenade guidée, d’abord à pied dans les rues d’Amsterdam, et ensuite en bateau sur les canaux de la ville. Du parcours à pied, nous retiendrons le passage devant l’Église de l’Ouest d’Amsterdam et la maison d’Anne Frank, où cette dernière, ses proches et quelques amis s’étaient cachés des occupants nazis pendant deux longues années. C’était en pleine Deuxième Guerre mondiale. La cloche de l’église sonnant toutes les heures était leur seule connexion avec le monde extérieur pendant leur réclusion. Anne Frank fut envoyée au camp de concentration d’Auschwitz, puis à celui de Bergen-Belsen, où elle mourut en 1945 à l’âge de 15 ans.
Le Journal d’Anne Frank : Un monument de courage
Dans sa cachette, Anne Frank tenait un journal où, de 1942 à 1944, elle consignait fidèlement, dramatiquement, simplement mais de manière émouvante, les espoirs, les rêves, les conflits et les sentiments d’une jeune fille en pleine adolescence. Alors qu’à l’extérieur planait l’ombre de la mort et de la destruction, et à l’intérieur se tissait la toile cauchemardesque autour de huit personnes engouffrées dans de sombres locaux et vivant la peur au ventre d’être découvertes à tout moment, Anne Frank trouvait les ressources pour tenir son journal avec art, humour et une grande perspicacité, ce qui allait devenir une oeuvre immortalisant le courage et la détermination de l’esprit humain.
La maison d’Anne Frank est aujourd’hui jalousement préservée, de peur que l’on oublie les maux terribles qu’ont engendré le totalitarisme nazi et ses dérivés. Il est tout à fait normal que les cheveux se dressent sur la tête lorsque l’on entre dans le lieu ayant servi de cachette à Anne Frank et aux siens, à l’arrière de l’immeuble de bureaux de son père, au N° 263 Prinsengracht. L’annexe secrète a été conservée en l’état alors que la façade de l’immeuble et les bureaux ont été restitués pour traduire le style et l’ambiance des années de guerre. Des extraits du journal d’Anne Frank, des photos, des films et des objets ayant appartenu aux personnes occupant la cachette et celles qui les ont aidées, rappellent les événements qui s’y déroulèrent entre1942 et 1944. L’original du journal d’Anne Frank ainsi que certains de ses autres carnets sont exposés au musée.
La Museumplein
Si l’on s’en tient à l’occupation de l’espace au mètre carré, Amsterdam peut se vanter du nombre de ses musées par rapport aux autres grandes villes du monde. On en trouve un à presque chaque coin de rue. La capitale de la Hollande loge plus de 40 musées et galeries, dont l’accessibilité est facilitée par leur relative proximité, la plupart de ces établissements étant situés dans le quartier de la Museumplein (« la place des Musées »). Des musées aux thèmes aussi divers que l’archéologie (Musée Allard Pierson), la religion et l’art contemporain (Musée Amstelkring), le sexe, la marijuana, les tatouages (All-New Amsterdam Tattoo Museum), la photographie (Foam Photography Museum), la marine (Musée Maritime des Pays-Bas), la science (le centre scientifique NEMO), l’ethnographie (Tropenmuseum) sont ouverts à des flots incessants de visiteurs.
Il est significatif que les musées d’art occupent une place de choix à Amsterdam, la ville ayant produit des artistes-peintres à la stature impressionnante que sont Rembrandt et Van Gogh. Deux musées honorent leur mémoire – le Rembrandt House Museum et le Van Gogh Museum – et sont soutenus dans leur mission de faire connaître l’art classique, contemporain et moderne par plusieurs galeries d’art dont le Hermitage Amsterdam.
Amsterdam, qui compte un patrimoine architectural important, en particulier d’églises anciennes, en fait une judicieuse utilisation au service de l’art et de la connaissance. Ainsi en est-il de la Nieuwe Kerk et de la Oude Kerk (« kerk » signifiant « église »), le premier étant un bâtiment de style gothique aujourd’hui utilisé pour des expositions d’art et des concerts d’orgue ; le second, qui a la réputation d’être la plus vieille église d’Amsterdam, a été transformé en haut lieu culturel où ses deux orgues, datant respectivement de 1658 et de 1724/1738, sont mis à contribution. Ces deux édifices religieux sont autrement célèbres. La Nieuwe Kerk est en effet le lieu où les monarques hollandais sont officiellement intronisés (par exemple, le couronnement de la reine Béatrice en 1980) et où, le 2 février 2002, le mariage du Prince d’Orange et de la Princesse Maxima a été célébré. La Oude Kerk abrite pour sa part la pierre tombale de la première épouse de Rembrandt, Saskia Van Uylenburgh.
La marée orange du 30 avril
Toutefois, les musées eux-mêmes n’attirent pas autant de monde à la Museumplein que le jour-anniversaire de la reine, fêté le 30 avril. Cette célébration donne lieu à ce qui est connu comme « The biggest street party in the world », attirant dans les rues et sur les canaux d’Amsterdam des milliers de Hollandais portant la traditionnelle couleur orange, rappel du fait que c’est la dynastie de la Maison d’Orange qui règne actuellement sur les Pays-Bas. Une véritable marée orange envahit alors la Museumplein, où des podiums géants sont érigés pour accueillir musiciens, chanteurs et autres DJs et comédiens pour entretenir et divertir la foule réunie sur la place dès la veille du jour-anniversaire.
En principe, le jour-anniversaire (férié) du monarque régnant est mobile car il change avec l’arrivée sur le trône d’un nouveau souverain. Ainsi, avant 1949, le jour férié tombait le 31 août, date de naissance de la reine Wilhelmine. Depuis l’arrivée sur le trône de la reine Juliana, la fête a lieu le 30 avril, date de sa naissance. Cette date a été conservée par la reine actuelle, Béatrice, sa date de naissance (le 31 janvier) correspondant à une période où le temps est peu clément pour les festivités en plein air.
À vélo ou… sur l’eau
Les touristes et visiteurs de passage à Amsterdam disposent de multiples moyens pour découvrir le patrimoine matériel et immatériel de la capitale hollandaise – croisières sur les canaux et bus touristiques selon la formule « hop on hop off », bicyclettes, etc. Ouvrons une parenthèse pour souligner que les Néerlandais privilégient les vélos pour se déplacer : on compte 600 000 vélos pour les 740 000 habitants du centre ville (1 515 000 pour le Greater Amsterdam). Les touristes qui veulent découvrir la ville par ce moyen de locomotion (qui a l’avantage d’être amusant, rapide, flexible, et capable d’accéder à des lieux inaccessibles pour d’autres) sont en mesure de louer « un vélo de haute qualité et confortable avec cadenas et assurance vol ».
Il existe aussi une formule de balade touristique à vélo organisée avec guide, qui l’avantage de faire découvrir – outre les grands pôles d’attraction que sont le port, le quartier du Jordaan, la maison d’Anne Frank, l’Église de l’Ouest, le Rijksmuseum, le parc Vondel, la rivière Amstel, le Pont-Maigre, la maison de Rembrandt et le fameux « quartier rouge » – « un Amsterdam méconnu, aux points de vue pittoresques, aux petits canaux dissimulés et aux paisibles cours intérieures ».
Toutefois, c’est la balade en bateau qui a la cote auprès des visiteurs. Amsterdam compte en effet 165 canaux et des centaines de ponts, d’où le flatteur compliment de « Venise du Nord » qu’on lui fait volontiers. Ces canaux, qui datent du XVIIe siècle, épousent les contours en forme de croissant que les urbanistes d’alors ont donnés à Amsterdam, et sont bordés de quelque 2 200 immeubles dont 1 550 sont figurent au patrimoine historique. Au total, la ville d’Amsterdam compte environ 90 îlots, avec des canaux s’écoulant entre eux sur une centaine de kilomètres et reliés par quelque 400 ponts en pierre. Les trois plus importants réseaux de canaux sont Prinsengracht, Herengracht et Keizergracht (du hollandais « grachten » signifiant « canaux »).
Il va sans dire qu’une croisière sur les canaux d’Amsterdam et la rivière Amstel (qui a donné son nom à Amsterdam) est un must, comme l’est une balade en gondole à Venise. D’autant que ces cours d’eau et les agglomérations urbaines qui s’étirent depuis des siècles le long de leurs rives sont classés au patrimoine mondial de l’Unesco. Laissons le guide, polyglotte, nous convaincre : « Cette promenade en vedette vous permettra d’admirer les plus beaux ponts et monuments de la ville telles les maisons patriciennes, les magnifiques églises et les anciens entrepôts de l’âge d’or de la Hollande. Nous naviguerons aussi sur la rivière Amstel pour contempler le célèbre Pont-Maigre et bien d’autres sites. »

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