FINANCES : Présentation du budget dans deux semaines

Le ton est donné. Le ministre des Finances a annoncé, vendredi, lors d’une conférence de presse, qu’il présenterait le budget 2016-2017 dans deux semaines, soit le 29 juillet. Budget qui privilégiera “la discipline fiscale et la prudence financière”, a indiqué Pravind Jugnauth. Parmi les grands défis auxquels sera confronté le prochain budget : la croissance économique. Pour le Grand Argentier, cet exercice, qui s’avère non sans difficultés, devra tenir compte du contexte international vu l’incertitude du Brexit, mais également de l’investissement du secteur privé et du vieillissement de la population, et englober la vision gouvernementale pour l’avenir. “Chaque projet sera considéré en fonction du budget disponible et en fonction de sa priorité”, explique le ministre des Finances. S’agissant de la réduction de la dette publique au niveau de 50% du PIB en 2018, il concède que cela représente un “défi énorme”.
Pravind Jugnauth veut jouer la carte de la prudence, tenant compte des indicateurs économiques. Faisant un survol de la situation à la prise du pouvoir par le gouvernement Lepep en décembre 2014, le ministre des Finances rappelle que le taux de croissance était de 3,6%, avec une tendance à la baisse. À cette époque, souligne-t-il, certains secteurs importants de l’économie mauricienne, dont la construction et le sucre, étaient en décroissance, notamment à hauteur de -8,5% et -3,5% respectivement.
“Des signes démontraient un ralentissement de notre économie”, estime le Grand Argentier, qui ajoute que, “parallèlement, le niveau de l’investissement à cette période était faible, soit à 18,9% du Produit intérieur brut (PIB) “. Il soutient de même que l’épargne, s’élevant à 10,5% du PIB, était aussi en décroissance et qu’à fin 2014, le nombre de chômeurs à Maurice s’élevait à environ 44 800 personnes, soit à 7,8%, dont 19 500 jeunes et 25 400 femmes. Des chiffres illustrant aussi une inadéquation entre l’offre et les compétences disponibles selon lui.
 S’agissant du taux d’inflation, Pravind Jugnauth indique que celui-ci était de l’ordre de 3,2% en 2014 alors que le déficit des comptes courants de la balance des paiements s’élevait à 5,6% du PIB. Si le pays comptait cette année-là des réserves brutes en devises équivalant à 6,2 mois d’importations, le déficit budgétaire s’élevait lui à 3,2%, alors que la dette publique avait atteint 53,6% du PIB.
2014 : chiffres défavorables
Le ministre des Finances fait ainsi ressortir qu’à fin 2014, les indicateurs n’étaient pas favorables et que, parallèlement, certaines institutions du pays souffraient d’un problème de gestion et présentaient des résultats inquiétants. À titre d’exemple, il cite la Mauritius Post and Cooperative Bank, dont les prêts non-préférentiels s’élevaient à Rs 3,2 milliards ; la Banque de Développement, qui subissaient des comprehensive losses de Rs 538 millions ; les Casinos qui ont connu des pertes de Rs 628 millions et ; la MBC, dont les dettes s’élevaient à Rs 1,2 milliard.
S’attardant sur certains projets d’envergure qui ont révélé des cas de “gaspillages” — à l’instar du doublement du coût initial du projet de Bagatelle Dam, passant de Rs 3,1 milliards à Rs 6,2 milliards, ou de la route Terre-Rouge/Verdun, dont la réalisation représenterait Rs 4 milliards, le projet de Ring Road qui est passé de Rs 1,3 milliard à Rs 1,7 milliard —-, Pravind Jugnauth insiste également sur certains autres projets dont le cost scaling est “révoltant”. Parmi, il cite le coût du projet de carte d’identité biométrique, initialement prévu à Rs 400 millions mais qui aura coûté Rs 1,2 milliard. D’où les retombées négatives sur la dette publique et l’économie du pays, soutient-il, égratignant au passage l’ancien gouvernement “pour sa mauvaise gestion de l’économie”.
2015 : rééquilibrage
Cependant, affirme le Grand Argentier, en 2015, le gouvernement est venu avec des mesures de rééquilibrage, notamment avec la hausse des pensions des personnes âgées, des orphelins, des veuves et des autrement capables, ainsi que la compensation salariale de Rs 600. Selon lui, l’augmentation des pensions a permis d’améliorer le pouvoir d’achat de Rs 4,7 milliards, auxquelles sont venues s’ajouter les Rs 4 milliards dépensées avec la compensation salariale. Il fait ressortir que le gouvernement a eu également à faire provision pour un montant de Rs 3 milliards pour le PRB.
Pour ce qui est des indicateurs économiques, Pravind Jugnauth fait ressortir que le taux de croissance de 3% pour la période 2014-15 est passé à 3,6% en 2015-16. Il ajoute qu’au niveau sectoriel, la tendance à la décroissance s’est maintenue dans le secteur de la construction (-4,9%), mais que l’industrie du tourisme a progressé de 8,5%, contre 6,1% en 2014. Parallèlement, le secteur des TIC a enregistré une légère croissance, affichant un taux de 7% l’année dernière, contre 6,4% en 2014. Il soutient par ailleurs que le taux de chômage au premier trimestre 2016 a connu une baisse, contrairement à la même période en 2015, passant de 8,7% à 7,6%.
Pravind Jugnauth indique également que le taux d’inflation a atteint 1,3%, alors que le déficit des comptes courants de la balance des paiements est passé de 5,6% à 4,8% du PIB. Il annonce que les réserves en devises ont augmenté, représentant 8,5 mois d’importations à fin juin 2016, contre 6,2 mois en décembre 2014. “Ces données démontrent une performance honorable, surtout face à l’énorme problème, sans précédent, dont nous avons eu à faire face avec l’affaire BAI”, estime-t-il.
2016 : investissements, un dilemme
Désormais, c’est vers la vision 2030 que s’oriente le pays. Parmi les grands défis auquel sera confronté le prochain budget figure la croissance économique, indique le Grand Argentier. Passant en revue les quatre principaux piliers économiques, il souligne que si le tourisme se porte bien, les secteurs manufacturier, sucrier et financier connaissent des difficultés, et doivent faire face à beaucoup de compétitions. Pravind Jugnauth ne cache pas ses inquiétudes par rapportt à l’impact du Brexit sur l’économie locale compte tenu de la baisse de la valeur de la livre, qui affecte les exportateurs vers la Grande-Bretagne.
Il explique par ailleurs qu’en raison de l’investissement privé qui est en baisse, l’investissement constitue un autre défi que le gouvernement aura à relever. Pour le ministre des Finances, le gouvernement se retrouve devant un dilemme, considérant que s’il veut compenser la baisse de l’investissement privé en augmentant les investissements publics, le gouvernement se retrouverait alors avec une augmentation des dépenses publiques et de ce fait une hausse du déficit budgétaire, et par conséquent de la dette publique, qui a déjà dépassé les limites fixées. C’est dans cette optique que l’investissement étranger ne sera pas boudé. Au contraire. En ce qui concerne la réduction de la dette publique au niveau de 50% du PIB en 2018, il concède que cela représente un “défi énorme”.
 S’il ne s’est pas aventuré à laisser filtrer les détails de son prochain budget, Pravind Jugnauth explique qu’en outre, il faudra tenir compte de l’impact du vieillissement de la population sur l’économie mauricienne. Certes, comme tout budget, celui de 2016-17 comportera des mesures pour faciliter la relance économique, dit-il, mais il faudra aussi s’assurer que les développements se fassent en fonction des ressources disponibles.
Aux questions de la presse, il laisse entendre que les recommandations du Plan Marshall sur la pauvreté seront prises en compte. Il rappelle de même que pour pallier le mismatch dans le secteur de l’emploi, le gouvernement compte apporter une réforme au niveau du système éducatif, cela en ligne avec l’évolution mondiale, mais également avec la demande du marché. Le Grand Argentier plaide aussi pour “un changement de mindset, remettant en cause nos habitudes, la performance de nos institutions de même que notre cadre légal. “
Duty Free Island : “les choses ont évolué”
 S’agissant de son ambition de toujours faire de Maurice une Duty Free Island, Pravind Jugnauth laisse entendre que “les choses ont beaucoup évolué” depuis qu’il a lancé cette idée. Cependant, dit-il, il faut savoir qu’à ce jour, plus de 93% des produits sont exemptés de taxe douanière, précisant que les 100% sont impossibles dans la mesure où le gouvernement doit s’assurer de ne pas mettre en péril la production locale.
Le ministre des Finances a conclu en indiquant avoir eu des consultations non seulement avec chaque ministre du gouvernement, mais également avec des opérateurs économiques, et se réjouit que les ministres lui ont “assuré leur collaboration” et accepté de revoir certains projets qui ne sont pas prioritaires. “Le budget 2016-17 tiendra compte des projets nécessaires au développement économique et social du pays, mais s’appuiera sur la prudence financière, afin de ne pas plonger davantage la dette publique. Chaque projet sera considéré en fonction du budget disponible et en fonction de sa priorité.”

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