FIROZ GHANTY : L’homme est un être de violence et de pouvoir

« Tout est faux, tout est construit sur un leurre, une illusion ». A une semaine de l’échéance de son exposition Khronos, à la rue St Georges, Port-Louis, Firoz Ghanty nous parle de sa quête de l’absolu. Plus de 40 ans d’une vie à essayer de cultiver une génération de Mauriciens souffrant de pauvreté intellectuelle.
Assis à la terrasse de la galerie Agartha, à Port-Louis, Firoz Ghanty attend. Ce n’est pas la première fois que cet artiste présente une expo, mais « c’est la première fois que je présente la même expo deux fois ! » Khronos présente plusieurs tableaux d’hier et d’aujourd’hui, un travail de minutie et d’expression intellectuelle que Firoz Ghanty a rassemblé pour Pierre Martin qui souhaitait présentait les oeuvres de l’artiste à ses relations venues d’ailleurs. Marre des sentiers battus et du discours centriste habituel autour d’une exposition d’art, ce libre penseur nous livre les arcanes de sa pensée. « Je veux contourner le contexte de l’expo et enlever les gens de leurs boites », explique ce dernier.
« Un artiste est pour moi un penseur, un philosophe »
Le résultat de 45 ans de réflexion, d’analyses et de remise en question permanente. « L’art n’est pas en dehors de la société, il y a un processus d’interaction entre l’art, la société, la culture et la politique. Dans toutes les sociétés du monde, l’on voit ce lien dialectique entre l’art et la société », dit-il.
Firoz Ghanty est un être de révolte. « Quand on se dit artiste à Maurice, l’on n’est pas pris au sérieux. L’on nous confine à un certain rôle, qui nous empêche de dire et de penser autre chose. Il n’y a ici aucun respect pour les artistes », s’insurge-t-il. Il explique que le travail d’un artiste est de sortir des sentiers battus, d’offrir une réflexion, d’analyser. « Un artiste est pour moi un penseur, un philosophe. Nous manquons de vrais artistes en ce moment. » D’ailleurs, cette exposition reflète ces 45 ans de réflexion. « Depuis des années, je réfléchis sur Maurice et sur les autres pays du monde. Je n’ai aucune envie d’être enfermé dans l’île. J’appartiens au monde, je suis une chercheur d’absolu. »
« 1982 a été assassinée »
Il déplore par ailleurs l’indigence intellectuelle de la masse. Une situation en perpétuelle dégénérescence, à l’image de nos sociétés actuelles. « A Maurice, on est dans une période de misère esthétique, de pauvreté intellectuelle. Il y a la démission des intellectuels et la défaite de la pensée. Tout est globalisé et tout est assujetti à la production et à l’économie », insiste-t-il. Cette anémie intellectuelle est celui lui due aux « rendez-vous manqués avec l’histoire, deux pour être précis. Le premier rendez-vous manqué est l’indépendance que les politiques de l’époque ont pervertie, et le second raté est l’année 1982 qui a été torpillée de l’intérieur, assassinée, dilapidée. Aujourd’hui on est dans les conséquences de ces grands ratés ».
Firoz Ghanty ne mâche pas ses mots. Après avoir observé aux premières loges artistiques l’évolution du pays, il soutient dans un discours engagé et désintéressé que les valeurs que l’on a apprises et qui nous ont été imposées doivent disparaitre. « Nous sommes un pays en pilotage automatique, on est en train de vendre le pays à des métropoles étrangers ! Le concept de la diplomatie n’est en fait qu’une diplomatie de la mendicité. Nous sommes un peuple intellectuellement impotent et tout cela doit changer. Il faut faire table-rase de tous les acquis et tout recommencer », soutient l’artiste. Des thèmes politiques qu’il aborde dans ses tableaux, qui ne sont précise-t-il, « qu’une partie de son expression ».
« Il y a à Maurice, la peur de la peur »
« Il y a un discours philosophique, politique — au sens noble du terme, soit la gestion de la cité—, dans mes créations. Il y a une lecture au premier degré, soit l’esthétique et une au second degré, où l’on essaie de comprendre ce qu’il y a derrière », affirme Firoz Ghanty.
Ce « chercheur d’absolu » confie être un homme libre. « Je suis serein, en paix. Il faut accepter que l’homme est un être violence et de pouvoir. Dans tout ce que l’on fait, il y a cette relation de pouvoir qui prévaut. C’est en l’acceptant que l’on parviendra à comprendre. Il y a à Maurice, la peur de la peur », dit-il. L’homme qui est au centre de son oeuvre et de tout. « Je ne crois pas en l’humain, car l’homme n’a pas encore atteint ce stage. Il traine encore dans les arbres, il est un Sapiens. L’humain n’est pas biologique, mais une quête intellectuelle. »
« Je ne suis pas un désespéré », dit-il, précisant que cette réflexion crue et brutale est le fruit d’un long travail de réflexion et d’analyse. Synthétisant sa pensée avant-gardiste sur le société dans laquelle nous vivons, Firoz Ghanty s’interroge : « Qu’a-t-on fait depuis l’indépendance ? ».
Engagé et déterminé à faire évoluer les esprits, l’artiste continue son travail, en y véhiculant sa philosophie et ses revendications. « Je travaille actuellement sur une nouvelle exposition aux galerie Imaaya vers fin octobre, début novembre », dit-il. A savoir que l’exposition Khronos, soit une manifestation d’art contemporain reste ouverte jusqu’au 31 août de 9 h à 11 h en jour de semaine.

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