FORCE POLICIÈRE—PROMOTIONS: « frustration » généralisée !

Grogne généralisée, mais surtout « énormément de frustration… accentuée par le gel, depuis 2009, des exercices de promotion, ainsi que par les conditions de travail, de plus en plus difficiles, tant dans nos postes de police que sur le terrain », témoignent ces membres de la force policière locale. Constable, caporal, sergent, inspecteur, chef inspecteur, surintendant… : « nous nous retrouvons tous, de celui au plus bas de l’échelle jusqu’aux haut-gradés, en passant par les CID et d’autres unités, d’une certaine manière ou d’une autre, lésés. Nos droits ne sont pas respectés et nous sommes appelés à travailler dans des conditions extrêmes très souvent… Pour quoi, en retour ? Même pas la possibilité d’aspirer à une promotion ! » Ces policiers expriment leur « ras le bol face à une administration ainsi qu’un gouvernement qui hésitent à nous traiter décemment. »
Le National Policing Strategic Framework, « plan d’action sur lequel s’appuie l’establishment pour régir les membres de la force et les différentes unités spécialisées, établit que chaque deux ans, un exercice régulier d’examens et de promotions doit être réalisé. Or, depuis le dernier exercice, en date de janvier 2009, plus rien ! Anne ma soeur Anne… L’exercice de 2009 avait d’ailleurs été marqué par ce groupe de policiers concernés, qui portèrent l’affaire en cour, parce qu’ils durent attendre longtemps, au moins deux ans, avant de voir leur situation être régularisée ! » Les officiers qui ont sollicité Le Mauricien pour exprimer leurs « ressentiments et cris du coeur » font partie des différentes unités de la police et sont de tous les rangs : constable, caporal, sergent, inspecteur…
« Nou tou dan mem bato ! », clament-ils d’une même voix. Et de renchérir que « chacun, à nos niveaux différents, nous sommes de plus en plus découragés… Non seulement par le fait qu’il n’y ait plus aucun exercice de promotion, au sein de la force, mais aussi avec le manque d’égards et de considération dont nous sommes victimes, tant de la part de l’administration que du gouvernement ». Et de déplorer que « nous nous sentons délaissés… comme si nous ne sommes pas des travailleurs à part entière, qui méritent, comme chaque Mauricien, un traitement humain, une approche sensible et réfléchie ! »
Nos interlocuteurs soutiennent que « nous sommes conscients que nous souffrons, dans l’ensemble, d’une « bad image » au sein de la population… Cela pour de nombreuses raisons ! » Et d’énumérer les cas de « ceux qui se servent de leur poste et uniforme de policier pour commettre des abus. Nou koner tou sa la… Ki ena servi zot plas pou fer fraude, coquin, ramasse larzan mal gagner… » Ils ajoutent qu’il y a « même des éléments qui jettent le discrédit sur notre profession parce qu’ils sont paresseux. Ils refusent de pratiquer ce métier avec responsabilité et avec un « commitment ». »
Mais, soutiennent ces policiers, pour la plupart des pères de familles qui comptent au minimum, une douzaine d’années de service au sein de la force policière : « nous ne sommes pas tous pareils ! Ce n’est pas parce que ces quelques mauvais éléments ont terni l’image de la force policière qu’il faut que tout le monde soit pénalisé… » Des inspecteurs et chef inspecteurs parmi le groupe de policiers ayant approché Le Mauricien expliquent comment « cela fait plus de 13 ans que nous attendons… Nou pe pil en plas ! » Ils disent n’avoir « aucune indication, à ce stade, s’il y aura un éventuel exercice de promotion afin que nous puissions, en toute légitimité, aspirer à d’autres responsabilités, et donc, incidemment, d’autres conditions de travail. » Ces éléments de la police soutiennent que « il en va de même pour toutes les autres unités et les rangs de la police… Tou inn res statu quo… »
Pratique hautement discriminatoire !
Nos interlocuteurs s’en prennent à leur administration, leur reprochant d’aller « contre les règlements ! Si dans le Plan d’action, il est stipulé qu’un exercice de promotion doit se tenir chaque deux ans, ceux qui nous dirigent vont clairement à l’encontre de ce règlement ! » Ils se disent, dans le même souffle, « remontés car dès qu’il est question de nous faire des remontrances et des reproches, la hiérarchie se sert des règlements contre nous. Mais quand il est question de nos droits acquis, des récompenses ou autres facilités auxquels nous avons droit, là, c’est comme s’il n’existe plus de règlements, il n’est jamais question de plan d’action dont certains se servent à tort et à travers ! »
Les policiers rencontrés expliquent encore comment « le fait que l’on ne tienne pas les exercices de promotion réguliers vient entraver la bonne marche de la police. Par exemple, selon le règlement, seul un ACP peut diriger une unité — il existe au sein de la force, sept divisions spécialisées. Or, dans bon nombre de divisions, ce sont des surintendants qui pallient ces ACP… qui manquent, parce qu’ils n’ont pas été nommés !
Dans le même ordre d’idées, ajoutent-ils, « nous avons l’exemple d’un batch de policiers qui ont rejoint la force en 1987. De ce groupe, certains ont été promus caporaux… mais pas tous. Il nous revient que c’est sur la base que certains sont d’un certain âge qu’ils ont été promus. A ce que l’on sait, c’est totalement contre les principes d’attribuer une promotion sur de tels critères ! Nous ne pensons pas que l’Equal Opportunity Commission trouverait cela « fair »… » Pour nos interlocuteurs, « ce type de pratique est hautement discriminatoire… Nous avons vainement essayé de transmettre ce message, mais c’est tombé dans des oreilles de sourds ! »
Les policiers rencontrés rappellent encore que « quand nous nous retrouvons dans de telles situations où nos perspectives d’avancement et d’épanouissement nous sont refusées, il va sans dire que cela rejaillit sur notre attitude au travail… Comment se persuader et se contraindre à être efficaces et productifs quand nos aspirations les plus légitimes ne sont pas approuvées et soutenues par notre hiérarchie ? » Blasés et « découragés », nos interlocuteurs concluent « quand nous perdons notre envie de bien faire notre travail, c’est toute notre cellule familiale qui est affectée en retour… Est-ce que c’est juste de faire subir de telles souffrances à nos proches ? Qu’avons-nous fait de mal pour que nous n’ayons pas le droit de tenter nos chances comme tout le monde, dans les autres secteurs de la vie active, à Maurice ? »
Malgré tout, ces policiers de rangs et d’unités spécialisées différentes de la force policière espèrent, disent-ils, « un sursaut tant de la part de notre hiérarchie que du gouvernement, pour alléger nos peines et nous donner une écoute plus positive, en nous donnant la chance de faire nos preuves et de valoriser nos compétences. »

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