GOOD GOVERNANCE & INTEGRITY REPORTING BILL : Avant que ne se referme le piège

Le degré de pourrissement de l’État travailliste, étalé au grand jour depuis décembre 2014, s’avère un tremplin providentiel sur lequel rebondit encore l’Alliance Lepep pour justifier sa légitime opération netoyaz. Non-sélective, pouvons-nous souhaiter. Traquer ces affairistes et corrupteurs indécents de tous bords est une nécessité que nul ne saurait contester. Ces puissants d’hier, jetés aujourd’hui en pâture à l’opprobre du citoyen, illustrent l’indispensable rupture avec les pratiques éhontées du passé. Le citoyen pouvait espérer, voulait espérer.
Ce contexte-là va aussi hélas servir d’excuse pour glisser une loi qui, bien que fort louable dans son essence car visant à combattre l’enrichissement frauduleux, n’en comporte pas moins un danger autrement plus grave. En effet, elle est susceptible de porter atteinte à notre État de droit. Les risques inhérents à la démarche gouvernementale ont été abondamment exposés : absence d’indépendance des membres du Integrity Reporting Agency/Board du fait qu’ils seront nommés par un ministre et redevables envers lui, remise en cause de la présomption d’innocence et du droit au silence, atteinte à la propriété privée par le biais de pouvoirs abusifs permettant la confiscation des biens, possibilité réelle de règlements de comptes politiques, une rétroactivité douteuse de sept ans, certains pouvoirs du DPP enlevés et remis à des nominés politiques, une procédure civile débouchant sur des sanctions pénales…
La riposte du gouvernement accusant les opposants de travestir la vérité ne convainc que ceux déjà acquis à sa cause mais également, surprise, Rezistans ek Alternativ qui, contrairement aux analyses rigoureuses dont elle nous gratifie si souvent, semble cette fois-ci regrettablement faire la courte échelle aux autorités en occultant les risques d’une fragilisation de notre démocratie que cette problématique comporte. Risques décuplés du fait, ô paradoxe, du contexte ! D’une part, ces nominations dont le caractère de népotisme n’a rien à envier à celles du régime travailliste. Dans cette perspective, l’affirmation gravissime de Me Antoine Domingue dans l’hebdomadaire Week-End du 1er novembre 2015 mérite que l’on s’y arrête : « On est allé chercher un ancien juge problématique qui a été vu la semaine dernière distribuant des gâteaux piments au PMO pour essayer d’obtenir ce poste de directeur de l’agence. » Me Domingue a trop dit pour ne pas tout dire tandis que le silence des autorités serait un aveu de taille. Celui de l’ancien juge se passerait de commentaires, à charge pour le citoyen d’en tirer les conclusions.
D’autre part, cette dérive lente, subtile mais palpable pour peu qu’on ne détourne pas le regard : des ministres enquêtant sur l’affaire DUFRY jusqu’aux petites heures du matin, les velléités d’un pilotage des utilisateurs de Facebook, une MBC tellement manipulée qu’on en vient presque à regretter celle de Dan Callikan, les tentatives de mise sous tutelle du bureau du Directeur des Poursuites Publiques, une police refusant de se plier à un ordre d’Habeas Corpus émis par une juge de la Cour suprême, un ministre méprisant avec une légèreté déconcertante des dispositions constitutionnelles – qualifiées de façade – prévoyant des consultations avec le leader de l’opposition. À cette liste non exhaustive s’ajoute l’absence de toute contestation au sein de la majorité, les backbenchers, précieuses béquilles, se tenant au garde-à-vous, impatients pour apporter leur soutien. À leur décharge, ajoutons que le modèle n’est pas nouveau. Cette configuration explosive semble d’ailleurs cyclique car elle rappelle étrangement des temps honnis où le pouvoir, prétextant les meilleures intentions, endossait les habits de croque-mort de la démocratie (Public Order Act de 1970 ou encore la fameuse bande des cinq des années 80’, pour ne citer que ceux-là.). Elle commande donc une grande méfiance doublée d’une vigilance extrême.
Un sursaut est-il possible avant que ne se referme le piège et pour faire mentir le dicton que la fin, qu’elle soit noble ou pas, ne justifie aucunement les moyens ? Peut-on réconcilier l’impérieuse nécessité de combattre l’acquisition illicite de richesses avec le respect de notre tradition démocratique ? Une approche consensuelle mobilisant toutes les intelligences pour identifier le juste équilibre entre le souhaitable et le possible n’est désormais plus une option parmi d’autres. Elle est LA carte à jouer car dictée par les intérêts supérieurs de la nation, là où la politique politicienne n’a pas sa place. Pour que le citoyen obtienne le meilleur que le pays puisse offrir.
Pour l’instant une épée de Damoclès est suspendue sur notre démocratie. Le citoyen, lui, voulait espérer, disions-nous. Mais la désillusion s’installe, peu à peu, face à un gouvernement faisant preuve d’une incroyable débauche d’énergie dans le netoyaz du pays, reléguant au second plan les bread and butter issues : fins de mois difficiles pour des centaines de milliers de foyers, 50,000 + chômeurs, licenciements, horizons bouchés… Ce citoyen-là a un vilain défaut. Il en a fait une arme redoutable : sa volatilité. Gare donc au retour de manivelle.

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