GRÈVE DANS L’INDUSTRIE SUCRIÈRE : Une nouvelle page de la lutte des travailleurs s’écrit, a déclaré Ashok Subron

Les artisans et laboureurs ont répondu en masse à l’appel de grève chez Omnicane ce matin et se disent déterminés à aller jusqu’au bout afin d’obtenir satisfaction. Ils n’écartent pas l’éventualité d’une grève de la faim si jamais le patronat « fait la sourde oreille ». Pour Ashok Subron, ce jour est historique, car il rétablit le droit de grève aux travailleurs. Ce combat, dit-il, ne s’applique pas uniquement aux travailleurs de l’industrie sucrière, mais également à ceux des autres secteurs. D’ici la semaine prochaine, si la situation n’évolue pas, les travailleurs de la raffinerie, de la centrale thermique et de Médine pourraient aussi entrer en grève, a-t-il annoncé.
Très tôt ce matin, un millier de laboureurs et d’artisans, dont certains en uniforme de travail, se sont massés le long de l’entrée d’Omnicane, à La Baraque, L’Escalier. La forte présence policière devant l’usine n’a pas découragé les grévistes, qui scandaient par moments le slogan « zete mam », drapeaux à la main.
Sur place très tôt lui aussi, Ashok Subron relève surtout « les droits retrouvés » pour les travailleurs en grève. « C’est une nouvelle page de la lutte des travailleurs qui s’écrit. Cette grève est légale, les procédures ont été respectées. La grève est un outil que nous allons utiliser pour le respect des droits des travailleurs ». Il a laissé entendre que « ce n’est pas avec plaisir que les travailleurs de l’industrie sucrière sont en grève, mais en raison de l’entêtement du patronat encouragé par certains politiciens ». Il poursuit : « L’industrie sucrière a bénéficié d’une certaine somme de l’argent public et de l’Union européenne depuis 2000. Qui plus est, il y a eu des concessions sur la taxe pour le morcellement des terrains pour financer le VRS. Ils contrôlent 60 % de la production d’électricité. Où est la part des travailleurs ? »
Le négociateur syndical ajoute que, de nos jours, les travailleurs de l’industrie sucrière produisent des sucres raffinés et spéciaux qui apportent une valeur ajoutée au secteur, mais, « qu’une fois de plus », ils ne perçoivent rien sur ces produits. « Leur salaire n’a pas augmenté alors que le coût de la vie ne cesse de grimper. C’est pour cela que nous disons que c’est une grève contre les « dominer » ». Il fait un parallèle entre le salaire des laboureurs et celui des patrons. « Un laboureur gagne Rs 150 000 par an alors qu’un CEO de l’industrie sucrière en est à Rs 18,2 millions par an ». Il lance un appel aux politiciens à « dibout akote travayer », particulièrement à un moment où ils sollicitent leurs votes. De même, il fait comprendre que cette grève dans l’industrie sucrière est symbolique. « C’est un combat pour les travailleurs en général. Il y a des secteurs où il existe encore plus de « dominer » que dans l’industrie sucrière ».
« La souffrance des travailleurs »
Siva, laboureur depuis 25 ans, affirme toute sa détermination d’aller de l’avant avec cette grève. Pour lui, c’est « la souffrance des travailleurs » qui leur donne le courage d’affronter le patronat de l’industrie sucrière aujourd’hui. Il confie qu’avec son salaire de Rs 10 000, il peine à nourrir sa famille et élever ses enfants. « 25 an nou pe travay dan lapli-soley. Nou leve boner gramatin. Apre kan ariv lafin di mwa, kas ki gagne pa ase pou nouri nou fami. Kan ariv le 2, le 3, tou kas inn fini ».
Ce laboureur affirme qu’il est déterminé à aller jusqu’à une grève de la faim, recevant l’approbation de ses collègues. « J’ai honte de ne pouvoir subvenir aux besoins de mes enfants. Je ne peux même pas les emmener faire une sortie, alors que mon patron, lui, va à son campement toutes les semaines ». Il confie avoir dû faire des emprunts de l’ordre de Rs 22 000 pour payer les examens de ses enfants. « Gouvernman dir linn donn kas, me labourer pann gagn nanye ». Ceux à quoi les grévistes scandent : « Si pena kas ferm lizinn ». Ces laboureurs et artisans sont d’avis que « trop c’est trop », et font ressortir qu’ils ont enduré ces conditions pendant des années en espérant qu’une solution allait être trouvée.
Clario, artisan depuis 30 ans, dit éprouver les mêmes difficultés pour subvenir aux besoins de sa famille avec un salaire de Rs 10 000. « Parfois il faut acheter la nourriture à crédit dans les boutiques du village. Nous ne fréquentons pas les supermarchés, car là-bas il n’y a pas de crédit ». Il suggère aux patrons d’essayer d’échanger de rôle pendant un mois. « Je leur dis de prendre mon salaire de Rs 10 000 pour voir s’ils peuvent vivre avec. » Cet artisan dit être entré en grève pour « l’avenir de mes enfants. »
Clifford, aussi artisan depuis 25 ans, considère-lui que c’est « triste » d’avoir à en arriver là. « Pour tout ce que nous avons contribué dans cette usine, aujourd’hui il nous fait entrer en grève pour réclamer notre dû. » Il rappelle que suite à la réforme de l’industrie sucrière, certains sont partis à la retraite à travers le VRS et le Blue Print. « Dans un certain sens, ils ont reçu une compensation, mais pour ceux qui sont restés il n’y a rien eu. »
Les employés d’Omnicane se disent mobilisés à bloc et déterminés à aller de l’avant. Ils appellent à la compréhension et à la solidarité des Mauriciens en général. Ashok Subron rappelle, lui, que cette grève est « illimitée ». Si d’ici la semaine prochaine il n’y a pas d’évolution, a-t-il dit, les travailleurs manifesteront devant les bureaux de la MSPA à Port-Louis. Il annonce également que les travailleurs des sections raffinerie et de la centrale thermique ainsi que ceux de Médine se joindront au mouvement. « Ils n’ont pu le faire aujourd’hui pour des questions techniques. Il est inacceptable que la direction vienne dire que les travailleurs de la raffinerie ne sont pas couverts par la loi régissant le secteur du sucre. Dans quel secteur travaillent-ils, le café ? »
Signalons que, ce matin, alors que les artisans et laboureurs étaient en grève, les autres sections de l’usine fonctionnaient. Les camions faisaient le va-et-vient à l’usine. Mais vers la mi-journée il y avait une tentative d’empêcher les camions d’entrer à l’usine.

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