Haro sur le « business as usual »

Après l’expérience difficile vécue par tous les Mauriciens depuis le début de l’année – avec les passages de Ava et de Berguitta ainsi que les pluies torrentielles, accompagnées d’orages –, il serait totalement irresponsable d’adopter une attitude “business as usual”, que soit par le gouvernement ou par le pays dans son ensemble.

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Il nous faut une fois pour toutes sortir de cet état de félicité et d’autosatisfaction consistant à nous gargariser du fait d’être le premier de la classe dans une diversité de domaines en Afrique, nous donnant ainsi l’illusion d’être le pays le mieux géré du monde.

Nous sommes en effet à la croisée des chemins et sommes désormais placés devant la dure réalité de notre vulnérabilité. Il importe de prendre conscience que nous figurons à la 13e place mondiale dans la liste des pays étant les plus à risques d’être frappés par des catastrophes et le 7e au monde parmi les pays les plus exposés. Nous ne sommes pas protégés contre les tempêtes dévastatrices qui ont été observées ces dernières années dans les Caraïbes ou dans la région de l’Asie du sud-est.

Les effets du changement climatique n’épargnent d’ailleurs personne. Les experts mondiaux et les dirigeants qui se rencontrent actuellement au Forum économique mondial de Davos – dont Narendra Modi, Angela Merkel et Emmanuel Macron – sont unanimes à reconnaître que le changement climatique constitue un des grands dangers qui menacent la civilisation. Le dernier rapport du Global Risks Perception Survey présente les climats extrêmes, les calamités naturelles et le « failure of climate change mitigation and adaptation » parmi les cinq risques qui auront le plus d’impact durant les dix prochaines années. Les deux autres étant les armes de destruction massive et la crise de l’eau. Faisons-nous assez pour atténuer ces dangers et nous adapter au changement climatique ? À ce propos, l’intervention de Narendra Modi à Davos (et certainement pas celle de Trump) mérite d’être écoutée.

À Maurice, les images des inondations à travers l’île sont là pour nous rappeler que, comme l’a reconnu le Premier ministre lui-même, nous avons un grand retard à rattraper sur le plan infrastructurel. Au niveau institutionnel, ce n’est que tout récemment que la Land Drainage Authority a été constituée avec, pour mission, d’élaborer un plan de gestion intégrée du risque d’inondation. Mieux vaut tard que jamais.

Jusqu’à maintenant, on sait que les drains, dans l’ensemble du pays, ont été construits au petit bonheur. Les permis pour la construction de bâtiments à travers l’île, voire la création des Smart Cities ou Cyber City, ont été alloués sans aucune vision d’ensemble concernant les évacuations d’eau. Or, comme le soulignent les experts en la matière, la gestion intégrée du risque d’inondation doit associer non seulement la connaissance et la gestion des aléas, mais surtout la volonté politique, la coordination et l’intégration de l’ensemble des acteurs concernés. Nous en sommes encore loin. L’intérêt d’une approche intégrée du risque inondation est grandissant. Les mesures traditionnelles visant à lutter contre les inondations uniquement par l’aménagement d’ouvrages de protection sont insuffisantes et tendent à empirer la situation.

La concertation, la collaboration et la coordination des actions entre de multiples acteurs, en particulier les acteurs institutionnels, privés et la société civile, sont des éléments clés. Nous savons que les institutions internationales comme l’AFD ou l’Union européenne sont très intéressées à nous aider dans la réalisation et l’exécution d’un plan d’ensemble. Le problème de l’accès au financement n’est pas insurmontable. Lors de son passage à Paris en décembre dernier, et en marge du One planet Summit, le Premier ministre avait signé un protocole permettant à Maurice d’avoir accès au financement vert.

Il s’agit d’avoir la volonté nécessaire pour aller de l’avant. Le gouvernement, l’opposition et le pays tout entier doivent pouvoir conjuguer leurs efforts pour mener à bien un projet de cette envergure. Il est temps de dépasser les débats politiques au ras des pâquerettes pour réfléchir sur les vrais défis auxquels nous sommes confrontés. Ils concernent non seulement le changement climatique mais également le commerce international, l’avancement technologique, la science…

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