HELEN BRAND, CHIEF EXECUTIVE DE L’ACCA : « Un long chemin à faire pour la présence féminine aux conseils d’administration »

Quelle est aujourd’hui le poids d’une association comme l’ACCA dans le monde ?
L’ACCA est une organisation internationale de certified accountants. Nous comptons 154 000 membres et 432 000 étudiants dans 170 pays. Notre quartier général se trouve à Londres. Nous avons des bureaux dans 83 pays. Nous sommes fiers de contribuer à la promotion d’une profession globale à travers le développement des talents et les compétences des membres et étudiants.
Quelle est la spécificité des diplômes de l’ACCA ?
L’ACCA forme un comptable complet. Les diplômes ne sont pas uniquement une qualification académique, c’est également un certificat professionnel basé sur des examens, l’éthique et l’expérience. Il vous faut démontrer votre compétence sur votre lieu de travail pendant au moins trois ans. Cette expérience est ensuite vérifiée par l’organisation. L’étudiant doit prendre part à environ 14 examens. Il doit aussi compléter un module consacré à l’éthique. C’est ce qui est le plus important concernant le diplôme de l’ACCA. L’élève doit démontrer sa compétence “Éthique” et avoir une dimension éthique dans sa vie professionnelle. L’ACCA a un code d’éthique auquel une personne adhère une fois membre de l’Association.
Il existe aussi une procédure disciplinaire pour prendre des sanctions contre un membre qui viole le code de conduite. Nous faisons une enquête lorsque vous êtes accusé de quoi que ce soit.
Si vous violez le code la qualification de membre peut être enlevée. Il est très important de montrer au public que nous suivons aussi le comportement de nos membres.
Vous ne vous contentez pas que de former les professionnels pour l’analyse des chiffres, vous leur donnez aussi une formation humaine…
Ce qui est intéressant avec la crise financière qui a démarré il y a quelques années c’est qu’elle démontre la nécessité d’avoir un comportement éthique et une connaissance des chiffres. Le comptable professionnel doit donc avoir une connaissance technique et, éventuellement, connaître les finances et respecter certaines exigences statutaires. Le comptable fait tout cela. Il est là pour guider la “sustainability of a business to its ethical performance in a way to contribute to a larger stakeholder group including the public”.
Avec l’explosion de la crise économique, des critiques très sévères ont été faites contre les banquiers. Est-ce le cas pour les comptables ?
Aucun groupe impliqué dans les affaires ne peut dire qu’il n’a rien à faire avec la crise financière. Tout comme n’importe quel groupe professionnel, les comptables doivent examiner de près le rôle qu’ils ont joué ou pas. Même si les auditeurs ne sont pas à la base de la crise financière, ils devraient se demander quel est l’avenir des auditeurs…
L’ACCA a clairement affirmé que les professionnels de la comptabilité et de l’audit doivent se préparer aux changements, s’intéresser aux questions de risque de plus près et voir comment le business model d’une compagnie est durable. Il est un fait que le système d’audit doit évoluer à l’avenir pour mieux répondre aux besoins des affaires.
Dans le sillage de la crise économique, l’ACCA a changé son programme de formation…
La qualification de l’ACCA a changé. Nous avons mis plus d’accent sur la gestion de risque. Nous avons introduit un module sur le thème de “governance ethic and risk management”. Nous avons eu à répondre à la demande dans ce domaine. Concernant l’audit, beaucoup est fait pour améliorer le modèle et ce, comme les règlements le demandent. L’ACCA doit tenir compte des normes de l’audit et des nouveaux règlements.
Parlant de bonne gouvernance, comment un comptable membre de l’ACCA peut-il aider à combattre la corruption ?
Le travail d’un auditeur n’est pas comparable à un exercice de “forensic” ou à une enquête criminelle. L’audit est une évaluation des situations financières. Il peut aider à combattre la corruption si vous avez à rapporter de manière transparente et que votre compte est examiné par un auditeur. Des comptables travaillent dans des compagnies qui sont auditées et sont parfois critiquées par des auditeurs. Un encadrement éthique et un comptable professionnel bien formé ou une organisation qui vous conseille sur la préparation de votre rapport, cela consolide la confiance dans la compagnie et permet d’assurer qu’il n’y a pas de corruption.
Les rapports financiers sont souvent très compliqués pour des lecteurs moyens qui ne sont pas habitués aux techniques de comptabilité. Ces documents peuvent-ils être simplifiés ?
C’est vrai que quand on entend qu’une compagnie a produit 600 pages, on se demande qui sont ceux qui les liront. Certaines institutions proposent beaucoup de détails et essaient de donner une quantité adéquate d’informations aux parties prenantes en vue de comprendre les perspectives d’avenir de la compagnie.
Je collabore beaucoup avec l’International Integrated Reporting Council qui, de concert avec les Big Four (PricewaterhouseCoopers, Deloitte Touche Tohmatsu, Ernst & Young et KPMG) et l’International Federation of Accountants et la Global Initiative, travaille sur une formule modèle pour la préparation de rapports financiers qui tiendraient compte de la “governance, financial and sustanability reporting in a coherent manner, simple manner and clear manner” afin de transmettre la bonne information.
L’ACCA a par ailleurs publié cette semaine son premier rapport intégré pour donner l’image globale de l’organisation en mots et en chiffres. Le rapport narratif peut être aussi critiqué que les chiffres des rapports financiers.
Les comptables sont parmi les piliers des entreprises et sont bien placés pour évaluer la portée de la crise économique. Quelle est votre évaluation de la situation ?
Nous sommes toujours au milieu de la crise, en particulier dans la zone euro. La Grande-Bretagne, qui n’en fait pas partie, n’est pas très affectée. La crise va durer quelque temps. Elle permet de comprendre l’importance de la zone euro pour l’économie internationale et l’interdépendance entre tous les pays. La Chine dépend beaucoup des marchés européen et américain pour ses exportations.
Les organisations internationales, comme le Fonds monétaire international et le G20, sont à la recherche d’une solution équilibrée pour la préservation et la promotion de la prospérité à travers le monde. La coopération internationale est très importante. L’ACCA a depuis 1996 introduit la question de l’international financial standards and reporting comme module.
L’adoption des normes internationales globales est essentielle pour l’avenir afin d’avoir un level playing field d’informations. Ce qui apportera aussi la transparence et la confiance nécessaires dont les marchés financiers et investisseurs ont besoin en vue d’obtenir les bonnes informations pour prendre les bonnes décisions. Nous étions très heureux d’entendre le G20 lancer un appel en faveur d’une plus grande consistance dans la norme internationale. Nous continuons à soutenir cette démarche.
Est-ce une façon pour votre organisation de contribuer à la recherche d’une solution à la crise économique ?
En fin de compte “business is about people”. Il faut donc former des personnes en leur pourvoyant les compétences et informations nécessaires pour qu’elles puissent avancer et faire avancer l’économie. Lorsque je parle de business, j’inclus le secteur public parce qu’une large part des activités économiques est gérée par des organisations gouvernementales et il est bon d’y avoir des professionnels compétents afin de prendre les bonnes décisions. Nous multiplions les efforts pour que les secteurs gouvernementaux emploient un grand nombre de professionnels.
Quelle est votre approche par rapport aux centres offshore financiers ?
Encore une fois ce qui est important c’est la transparence. La question clé dans ce domaine est : quelle importance est accordée au reporting ? Il doit y avoir un level playing field lorsqu’il s’agit de traiter avec ces organisations.
L’Afrique apparaît comme le continent qui émerge en ce moment. Y avez-vous des projets ?
L’ACCA a organisé pour la première fois une réunion de son conseil au Kenya. C’était une façon de reconnaître l’importance grandissante du marché africain sur le marché international et les opportunités qu’il représente. En soutenant nos membres en Afrique, nous contribuons au développement de l’organisation dans le continent.
Comment se positionne l’île Maurice au sein de l’ACCA ?
L’ACCA compte à Maurice le plus grand nombre de membres dans un pays africain. Il y a une grande demande dans le secteur offshore mauricien. Il existe aussi beaucoup de possibilités ici aussi bien dans le secteur bancaire que dans les petites et moyennes entreprises (PME). Nous pensons avoir un avenir prospère dans le pays.
En rencontrant les membres de l’ACCA, quel message comptez-vous leur transmettre ?
Je leur dirai que le secteur de la comptabilité ne résoudra pas tous les problèmes d’un pays, mais peut apporter une contribution significative. Il faut comprendre les défis auxquels Maurice est confrontée et s’assurer de répondre correctement à ces défis. Nous mettons en place les ressources et les compétences techniques appropriées. We need to be market driven et dans ce contexte, nous devons comprendre ce dont le marché à besoin de manière à ce que les membres puissent répondre à ces besoins.
Vous êtes à la tête d’une association internationale de comptables. En tant que femme qu’est-ce que cela représente pour vous ? Est-ce que cela reflète le progrès fait par les femmes dans le secteur comptable et financier ?
Il y a encore un long chemin à parcourir en ce qui concerne la présence féminine aux conseils d’administration et à tous les niveaux des activités dans le privé. L’ACCA est basée sur les valeurs d’opportunité et de diversité. I think I am a reflection of opportunity and diversity within ACCA. That reflects on our students where 50 % are female and our membership where 42 % are female. Des progrès ont été faits… Je suis très fière d’être un role model pour les femmes présentes dans ce secteur. Il est important d’avoir ce genre de role model dans toutes les activités de l’économie.
Quelle est la spécificité de la femme à ce niveau ?
La diversité fait la force. La diversité au niveau du genre contribue à apporter des solutions. Sans elle vous ne serez pas en mesure de saisir toutes les occasions. Nous avons besoin aussi bien des femmes que des hommes en leadership pour prendre la bonne décision…

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