HERITAGE CITY : Le projet qui a accentué le froid Lutchmeenaraidoo/Bhadain

C’est une histoire semée d’embûches. C’est une espèce de jeu du chat et de la souris où ce n’est ni le plus expérimenté  ni le mieux placé dans la hiérarchie qui l’a emporté, mais un dernier venu au MSM, Roshi Bhadain, qui a la chance d’avoir l’oreille du leader Pravind Jugnauth et du nouveau clan de la dynastie. N’a-t-il pas hérité de son ministère lorsqu’il a été contraint à la démission après sa condamnation dans l’affaire MedPoint ?
Cette semaine, avec le feu vert obtenu pour aller de l’avant avec le projet Héritage City, c’est un important revers qu’a essuyé Vishnu Lutchmeenaraidoo. À n’en point douter, son orgueil a dû prendre un mauvais coup. Celui qui se présente comme « l’homme du miracle » n’a rienpu faire si ce n’est s’absenter du Conseil des ministres pour la troisième semaine consécutive. Et la suite ? De deux choses, l’une. Soit il rentre dans le rang et il s’accommode de la nouvelle situation et se résout à être le figurant qui exécute les ordres, soit il se casse comme il a pu le suggérer au plus fort de la crise. En tous cas, les prochains épisodes de ce feuilleton s’annoncent palpitants.
S’ils paraissaient s’être initialement entendus pour démanteler la BAI, la manière subséquente de gérer le dossier a très vite divisé Vishnu Lutchmeenaraidoo et Roshi Bhadain. L’un faisant preuve d’un excès d’activisme jusqu’à modifier l’Insurance Act pour mettre au pas un administrateur, l’autre appelant à la mesure dans un souci de préserver l’image des institutions du pays.
Très vite, les méthodes des deux hommes, aux personnalités contrastées, l’un clivant et rentre-dedans et l’autre  affable et consensuel, vont se heurter. Chacun y allant de son petit couplet et de son petit nom d’oiseau pour noircir son adversaire. S’ils parviennent tant bien que mal à composer, la guerre des territoires, elle, restera toujours latente.
Sur le traité de non-double imposition, ce sera la première grande cacophonie, le ministre des Services financiers revendiquant la victoire alors que ce qu’il avait conclu avec I’Inde avait desservi les intérêts du pays. Celui des finances, alerté sur le danger par les opérateurs, réagira en écrivant à son homologue pour réclamer un moratoire, sinon un assouplissement.
Ceux qui sont dans le secret soutiennent que Roshi Bhadain s’est toujours méfié de Vishnu Lutchmeenaraidoo. On rapporte ainsi qu’après chaque mission du ministre des Finances à l’étranger, celui dit de la Bonne gouvernance reprenait le même itinéraire, question de vérifier si tout s’était bien passé comme prévu. On se souvient d’ailleurs des missions successives en Malaisie après des rumeurs de rencontres avec les promoteurs de CT Power. Mais il semblerait qu’il y en aurait eu d’autres du même genre, car il s’agit pour le grand petit enquêteur d’établir qu’il n’y a pas eu autre chose que des discussions au-dessus de tout soupçon entre le ministre des Finances et ses interlocuteurs.
Petits                dérangements entre amis
Si les petits coups entre collègues vont se multiplier jusqu’à pousser le fier Vishnu Lutchmeenaraidoo à se faire humble et à demander sa réintégration au MSM, dans l’espoir de voir évoluer la situation, il semblerait que les choses se seraient, en fait, aggravées. Beaucoup de questions ont été posées, en interne, après que des informations, très ciblées, ont fuité sur le rappel à l’ordre de Roshi Bhadain par son leader pour avoir traité le Directeur des Poursuites publiques de «monstre».
Au Sun Trust, on n’a pas hésité à faire le lien entre le fait que ses informations ont été circulées après la première participation du ministre des Finances à un bureau politique du MSM le 13 février après sa réintégration et surtout le profil des destinataires de la fuite qui l’ont relayé dès le lendemain. La « victime » de cette révélation peu reluisante pour son ego que l’on sait plutôt sur-dimensionné n’a pas tardé à réagir. Les petits dérangements entre amis vont se poursuivre à travers les médias.
Alors que tout le monde était braqué sur le projet Heritage City, ses effets d’annonce, ses bailleurs tantôt dubaïotes, tantôt saoudiens, la controverse qu’elle suscite, une petite information circulait selon laquelle la « bonne gouvernance » aurait été saisie du dossier de la Smart City du Domaine Les Pailles piloté par Vishnu Lutchmeenaraidoo et impliquant le groupe chinois Yihai et qui serait sur le point d’atterrir sur la table de l’ICAC où trône ni plus ni moins qu’un proche de Roshi Bhadain. Il faut avouer qu’il y a de quoi dans tout ça rendre malade.
Et lorsqu’il y a, en plus, la longue bataille de Heritage City, une véritable saga celle-là, celle qui a mis pratiquement K.O. le ministre des Finances —elui qui s’attendait peut-être que le miracle s’opère et qu’il aurait le dernier mot —-, il y a de quoi se révolter. Ce dossier à rebondissements est probablement un des plus cocasses du gouvernement Lepep.
Le 4 septembre 2015, le Conseil des ministres annonce que « Cabinet has taken note thaï thé Miniser of Financial Services, Good Governance and Institutional Reforms would chair a Steering Committee to monitor and ensure the timely implementation of the Highlands Project ». Cette décision suscite des interrogations immédiates dans la mesure où Vishnu Lutchmeenaraidoo avait eu l’occasion d’évoquer ce projet et que construire un nouveau centre administratif aurait été plutôt de la responsabilité du ministre du Logement et des Terres, ou celui des Infrastructures publiques qui est de surcroît un urbaniste.
L’affaire provoque un vif émoi au sein du gouvernement où l’exaspération est à son comble dans l’aile, quoique squelettique, acquise au ministre des Finances. Le 2 octobre 2015, retournement de situation complet. Le Conseil des ministres annonce, cette fois, que « Cabinet has taken note of the incorporation of Highlands City Ltd which will be responsable for the Highlands Administrative City. Cabinet has agreed to the setting-up of a High Powered Committee under the chairmanship if the Minister of Finance and Economic Development to monitor the implementation of the Highlands Administrative City ».
La guerre des «administrative cities»
Alors que l’on croyait la querelle close, voilà qu’à peine une semaine après, soit le 9 octobre 2015, le Conseil des ministres décidait cette fois que « the Minister of Finance and Economic Development would chair the Ministerial Committee to monitor the implementation of the Highlands Project. The Committee would comprise, among others, the Vice-Prime Minister, Minister of Housing and Lands; the Vice-Prime Minister, Minister of Energy and Public Utilities; the Minister of Public Infrastructure and Land Transport; and the Minister of Financial Services, Good Governance and Institutional Reforms and Minister of Technology, Communication and Innovation ».
Une manche de gagnée croit-on! Mais non, juste après, dans le même communiqué des délibérations du Conseil des ministres du 9 octobre 2015, il est aussi annoncé que « Cabinet has also decided that the Minister of Financial Services, Good  Governance and Institutional Reforms and Minister of Technology, Communication and Innovation would chair a Steering Committee to monitor and ensure the timely implementation of the new administrative city, to be known as Heritage City, as part of  the Highlands Project. The Heritage City will be put up on a plot of land of an extent of 336 Arpents at Minissy situated on the left of Bagatelle Dam. The Committee comprises Senior Chief Executives and Permanent Secretaries of Ministries ». C’est la guerre des « administrative cities ».
Le 18 décembre 2015, nouveau coup dur pour le ministre de Finances avec le Conseil des ministres qui décide du « setting up of the Heritage City Co. Ltd, a state-owned company, for the implementation of the new Heritage City Project at Minissy under the aegis of the Ministry of  Financial Services, Good Governance and Institutional Reforms. The Project would comprise, among others, landmark iconic buildings to accommodate the Prime Minister’s Office and the new Parliament, high rise intelligent buildings to accommodate  Ministries/Departments, Government Data Centres, 75 luxury riviera residential units, around 1,200 town houses and apartments, modern “in the city” transport facilities, green areas, food courts, entertainment centres, Bollywood Theme Park, a city hotel and solar energy clusters with a solar farm of 15MW capacity. The intelligent buildings would integrateand optimize the new e-governance ICT systems, for a modern public sector ».
Roshi Bhadain a, en fait, gagné la partie parce que, dans le giron du MSM, il est dit que c’est Pravind Jugnauth qui tire les ficelles et que c’est lui qui veut faire aboutir ce projet coûte que coûte. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence que c’est Showkutally Soodhun qui monte au créneau lorsqu’il s’agit d’aller quémander du financement pour ce projet tantôt à Dubaï et tantôt en Arabie saoudite. Tant et si bien que les deux compères du clan Jugnauth junior, Bhadain et Soodhun, arrivent à se contredire, l’un assurant que c’est fait du côté de Riyad pendant que l’autre affirme que les discussions n’ont pas encore vraiment abouti.
Vraiment malade, et peut-être, aussi furieux de la manière dont les choses évoluent au gouvernement, Vishnu Lutchmeenaraidoo n’assistera pas aux deux Conseils des ministres présidés par son ami et allié d’hier Xavier Duval, Premier ministre par intérim. Il ne sera pas non plus présent à la réunion spéciale du Conseil des ministres du 2 mars pour approuver le projet Heritage City et le choix de l’obscur Stree Consulting pour l’architecture du projet, ni à celui du vendredi 4 mars.
Tout le monde se demande d’ailleurs pourquoi il fallait une réunion spéciale sur Heritage City alors que celle, ordinaire, du vendredi 4 mars était aussi à l’agenda des ministres et que l’affaire aurait pu tout aussi bien y être discutée. Ils sont assez nombreux à penser que tout cela fait partie d’une stratégie finement calculée en vue de pousser Vishnu Lutchmeenaraidoo vers la sortie afin que ce soit un pur produit du clan Jugnauth qui récupère le portefeuille des Finances. Un Jugnauth junior éventuellement blanchit par la cour ou un Roshi Bhadain grimpant dans la hiérarchie?? Question d’asseoir le pouvoir du clan. Et, dans ce casting-là, il ne restera que peu de place pour l’énigmatique Vishnu Lutchmeenaraidoo

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