HISTOIRE : La ville de Quatre-Bornes, une évocation historique

Nous sommes au début du 18e siècle, les Français ont succédé aux Hollandais en cette île Maurice devenue île de France. Malgré une occupation de 112 ans, l’intérieur du pays est resté à bien des égards une grande forêt vierge. Suivant le mandat du Roi Louis XV, l’île est gérée par la Compagnie des Indes orientales. Cette compagnie à but lucratif veut mettre à profit les terres. Un Conseil supérieur nommé veut développer l’île déserte et invite les colons de l’Hexagone de s’y établir en échange de concessions. Les concessions simples seront de 156.1/2  arpents, d’autres de 625 arpents. Les heureux bénéficiaires auront à leurs dispositions une main-d’oeuvre servile et des semences. En 1830, 426 concessions d’une superficie de 302 026 arpents auront ainsi été allouées.
A l’intérieur des terres dans la région dite des hauts plateaux, on retrouve les noms de deux heureux concessionnaires, les sieurs Mabille et Devaux qui délimitent leurs biens fonciers par quatre bornes placées avec les inscriptions de M et D respectivement. De là, dit-on, le nom de Quatre-Bornes. Autre nom de concessionnaire à, celui de Beaulard de Candos. Ce personnage finit par donner son nom à la colline surplombant la ville, puis à un centre hospitalier, à une montée et, en 1956, à un stade. Cette facilité sportive, jadis jardin de jeux de centaines d’athlètes et de footballeurs internationaux, deviendra par la suite le stade Jos Guy Rozemont avec comme préposé Michel Marimootoo, employé municipal dévoué à sa tâche. C’est en souvenir de  Beaulard de Candos que le morcellement des terres de Trianon devenu le nouveau quartier bourgeois de la ville, portera le palindrome de Candos, soit Sodnac.
Jusqu’à 1760 l’intérieur des terres du pays reste largement inexploité à l’instar de la région côtière. Le célèbre romancier  Bernardin de Saint-Pierre qui visite l’île en 1768 à bien du mal à se frayer un chemin pour se rendre au quartier de la Rivière-Noire, il décrit la région comme un labyrinthe d’arbres, de lianes et de roches sans issues. Tout l’intérieur des terres est infesté de marrons. Les routes sont inexistantes. Cependant, une première route est tracée sous le commandant du quartier des Plaines Wilhelms. il s’agit le sieur Bourceret de Saint-Jean dont la voie principale de Quatre-Bornes porte encore le nom en dépit d’une tentative, vers la fin des années 70, de la rebaptiser la Route de l’Indépendence
Cette région des hauts plateaux est un vrai sanatorium, le célèbre Botaniste     Joseph François Cossigny de Palma s’y installera et créa un verger où des plantes tropicales les plus variées y seront introduites, tels l’ébénier de l’Inde, de nouvelles variétés de canne à sucre  de Batavia et la mangue dauphine. Les grandes personnalités de passage lui rendront visite comme Antoine de Bougainville, l’Abbé Rochon, de Sonnerat et Philibert de Cormmerson. Plus loin, le gouverneur Desforges-Boucher s’installera dans son domaine de prédilection surnommé Bassin.
La Révolution et les Britanniques viennent tout  chambouler
1789. La nouvelle de la prise de la Bastille parviendra à l’île de France six mois plus tard. Le Conseil révolutionnaire, une fois élu, veut tout chambouler. C’est une période difficile pour l’Eglise et les notables de l’Isle de France. Cependant la chute de l’île de St Domingue va dynamiser la culture de la canne à l’intérieur des terres. Du coup, les  domaines de Trianon (Mon Repos), de Beau Séjour, de La Louise, de Palma et de Bassin vont changer de vocation pour se mettre à la culture de cette graminée.
Les révolutionnaires, qui refuseront de libérer leurs esclaves suivant une résolution à cet effet par la Convention en 1794, regretteront d’avoir provoqué une cassure avec la mère patrie, car l’Isle de France sera sevrée d’aide pour sa défense. Les Britanniques investiront l’île quasiment sans défense le 29 novembre 1810 mettant, dans la foulée, fin aux agissements des corsaires et autres forbans contre la marine  marchande britannique.
Sous l’occupation britannique, l’Esclavage sera aboli en 1935. Mais c’est l’entrée du sucre mauricien sur le marché de Londres qui va révolutionner toute l’industrie sucrière. Les esclaves de plantation seront contraints de quitter les domaines pour faire place aux travailleurs contractuels venus des Indes. Deux événements vont transformer le visage de Quatre-Bornes, alors un petit village des hautes Plaines Wilhems. C’est l’introduction des chemins de fer en 1864, la  Midland Line, pour faciliter le transport de la canne et du sucre. Quatre Bornes deviendra une plaque tournante avec la construction d’une gare où charrettes et autres trains sidings se prélasseront avec leurs chargements de canne et du sucre. L’autre événement va provoquer une migration de la population côtière vers les hauts plateaux à cause de l’épidémie de malaria. Les trains de passagers feront le reste. Port-Louis sera peu à peu siphonné de sa population au profit de Curepipe, de Floréal, de Vacoas et Quatre-Bornes et Beau-Bassin / Rose-Hill.
Tandis que les immigrants indiens s’établiront dans leurs camps sucriers, le centre de la ville verra l’émergence d’une nouvelle classe bourgeoise. Alors qu’en 1881 la population n’est que de 971 habitants, le recensement de 1901 demontre qu’en 10 ans elle avait atteint 7 279 âmes.
En 1890, Quatre-Bornes est proclamée village, six ans plus tard, en vertu de l’ordonnance 32 de 1895, elle deviendra ville et sera gérée par un Board de Commissaires avec pour premier président le célèbre avocat et homme politique Sir William Newton.
Quatre-Bornes rentrera de plain-pied dans le vingtième siècle et connaîtra des changements insoupçonnés. D’abord pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918), certains citoyens s’engagent au combat comme volontaires. Mais si les Britanniques sortent finalement victorieux de cette guerre contre l’Allemagne, elle aura eu pour effet de fragiliser leur Empire. Les temps sont durs pour tout ce petit monde qui vit et survit dans la précarité et qui meurt dans l’indifférence. En 1922, à cause de son climat tempéré, la ville sera dotée du plus grand centre hospitalier du pays. Il sera baptisé Victoria en l’honneur de la Reine et Impératrice des Indes et construit dans le plus pur style colonial. Il fallut attendre l’année 1956 pour qu’une aile pour soins orthopédique y soit ajoutée. Cette aile sera inaugurée par la Princesse Margaret en personne et portera son nom.
Mais Quatre-Bornes, qui a pour devise la ville des fleurs (Urbs Florida) est en passe de devenir un haut lieu de l’éducation secondaire. Déjà, en 1904, un institut secondaire pour filles, le Couvent de Lorette, ouvre ses portes. Un quart de siècle plus tard, un collège pour garçons, voit le jour,  toujours à l’initiative du Diocèse catholique. Initialement le Collège Père Laval, l’institution en question prendra par la suite le nom de Collège St. Esprit.

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