HOMOPHOBIE: Cendrine « Je hais les hommes ! »

Âgée de 25 ans, Cendrine a été mariée et est mère de deux enfants, Gaëlle et Jérôme. Elle est employée dans le domaine de la santé. Depuis cinq ans, la jeune femme vit une histoire d’amour avec Joanna qui était au départ sa meilleure amie. Comment est-elle arrivée là ? « Mon mari m’avait caché son homosexualité. Quand je l’ai découvert, cela m’a totalement bousillée. J’ai perdu tous mes repères et j’ai cultivé une farouche haine contre les hommes. »
Le calvaire de Cendrine commence « il y a cinq ans ». « J’étais mariée et déjà mère de deux enfants, Gaëlle (5 ans) et Jérôme, (6 ans). Je ne soupçonnais nullement mon mari… Puis, j’ai découvert qu’il était homosexuel. » Pour la jeune femme de 25 ans, c’était le début de la fin…
« Je me sentais totalement perdue ! Le regard plongé dans le passé. Je ne comprenais pas du tout ce qui m’arrivait. Pourquoi cela m’arrivait à moi ! Pourquoi mon mari m’avait-il menti ? Pourquoi m’avoir caché qu’il aimait les hommes ? Et pourquoi m’avait-il épousé ? » se souvient Cendrine.
Graduellement, la jeune femme découvre aussi que « mes beaux-parents étaient au courant. Eux aussi m’ont délibérément caché la vraie nature de leur fils… » Cendrine déduit alors : « Il m’avait épousé et fait des enfants uniquement pour préserver son image face à la société. Mes beaux-parents ne voulaient pas qu’on les pointe du doigt ou qu’on ait des doutes à propos de mon mari… »
Ébranlée, la jeune femme ne sait plus à qui se fier. « Dans ce moment très dur, ma meilleure copine Joanna m’a énormément soutenue. Elle était toujours là et m’a épaulée. » Inévitablement, « ce rapprochement finit par prendre une autre tournure. De meilleures amies du monde, on a découvert qu’on avait des sentiments très forts l’une envers l’autre ». Aujourd’hui, explique Cendrine, « elle est celle de qui je puise ma force pour avancer ».
Cendrine ne vit pas avec Joanna, mais ses enfants gravitent entre les deux femmes et leur père. « Jérôme, de nature plus douce et calme, ne se pose pas de questions », explique la jeune femme. Et d’ajouter : « Gaëlle est cependant très curieuse. Elle pose des milliers de questions chaque jour… Par exemple, elle demande à Joanna : “Je dois t’appeler papa ?” ou à moi : “Est-ce qu’elle est ton amoureux ?” »
« Folle à lier »
La vie est loin d’être un long fleuve tranquille pour Cendrine. « Mes parents m’ont dit que le problème venait de moi quand j’ai découvert que mon mari qui m’avait caché son homosexualité et je me suis rapprochée de Joanna », raconte la jeune femme. « Ils m’ont emmenée consulter un psy. Ils maintenaient que je devenais folle, que je déprimais parce que mon mariage avait échoué. Ils ne comprenaient pas du tout le bouleversement émotionnel que je vivais… Ils ne voyaient pas le vide qu’il y avait dans ma vie et comment, grâce à Joanna, j’allais pouvoir refaire surface. Tout le monde m’est tombé dessus dès ce moment-là. Et personne n’a trouvé que c’est par la faute de mon mari que j’en étais arrivée là ! »
Le quotidien de Cendrine se compose avec ses deux enfants, son emploi et son engagement auprès du Collectif Arc En Ciel. « Mais mon soutien, mon point de gravité, c’est Joanna. Je ne suis pratiquement jamais là car je suis prise par mon travail qui requiert beaucoup d’heures de service et le temps que je passe au collectif pour écouter et rencontrer d’autres femmes et hommes qui vivent des circonstances similaires aux miennes. C’est donc Joanna qui s’occupe des enfants ; elle les prend en charge, leur donne leur bain, à manger, regarde leurs devoirs, discute avec eux, les emmène faire un tour… Elle est vraiment la compagne idéale ! »
Bémol : le couple ne peuvent vivre ensemble. « Joanna pratique un métier dans le secteur public », explique Cendrine. « Si ses supérieurs apprennent qu’elle est lesbienne, elle se fera mettre à la porte immédiatement. C’est sans pitié. Pire encore, si ses parents découvrent qu’on vit ensemble ou qu’on continue de se voir et de s’aimer, elle peut être carrément mise à la porte. Ses parents sont issus de la couche aisée de la société, alors elle doit faire attention… »
Comment s’en sortir ? Joanna et Cendrine vivent « cachées, à l’abri des regards ». « Avec les enfants, on est honnêtes. On ne veut pas qu’ils grandissent avec des idées préconçues et des préjugés. On préfère être franches avec eux. Mais on ne sort jamais en amoureux. Lorsque c’est le cas on dit que c’est une sortie entre filles, entre amies… On va au resto ou voir un film, mais pas question de se toucher, de s’embrasser, d’avoir quelque témoignage d’affection en public. »
Cendrine avoue que « souvent, j’ai pensé que ce serait plus simple de jeter l’éponge. Tout ne serait-il pas plus simple si Joanna et moi on arrêtait de se voir ? Au moins, elle n’aurait pas à se soucier des regards… Mais la question que je me pose c’est est-ce qu’avec un homme je serai aussi épanouie qu’avec elle ? Si on allait toutes les deux à l’étranger, est-ce qu’on ne vivrait pas mieux ensemble ? Mais pourquoi quitter mon pays quand tout m’y retient ? »
Le grand amour
Et quand elle trouve les réponses à ses interrogations, Cendrine puise surtout « de l’amour que j’ai pour Joanna et l’amour qu’elle me donne pour avancer, pour me dire que ces obstacles ne peuvent avoir raison de nos sentiments. Il ne faut pas qu’on baisse les bras ».
Dans le même sens, notre interlocutrice, lucide, concède que « si on se décide à vivre ensemble, il nous faudra trouver une maison à louer. Dans un premier temps, le propriétaire pensera que nous sommes soeurs… Mais graduellement il se rendra compte de la vraie nature de notre relation et là, ce sera la cata ! On sera mises à la porte, du jour au lendemain. Et on n’aura plus qu’à tout recommencer, sans oublier qu’autour de nous, cela fera énormément jaser car adieu l’intimité, la confidentialité… »
Le souhait de Cendrine : « Que les gens comprennent que nous ne sommes pas que des personnes qui s’amusent, font la fête sans avoir un sou de responsabilités. Non. Nous sommes tous pareils : Joanna et moi nous travaillons. Nous avons les mêmes soucis à la fin du mois pour joindre les deux bouts. On est comme tous les parents qui ont des enfants à grandir. On se demande comment ils seront quand ils seront grands… Est-ce que cet environnement ne va pas leur faire du tort ? » La jeune femme voudrait que « les autres arrêtent de nous juger parce qu’on a une orientation sexuelle différente. On accepte tout le monde alors faites-en de même. On ne juge personne. Alors pourquoi vous, vous le faites envers nous ? On a aussi les mêmes droits que chacun ! »
En attendant que ses enfants grandissent et « je suis sûre qu’ils seront de meilleurs humains que beaucoup d’autres autour de nous », Cendrine prie pour que « Joanna parvienne à se faire accepter par ses parents. Au moins, elle vivra son amour de manière plus sereine… » Mais réaliste, la jeune femme se rend compte que « sans information, sans éducation, sans respect et compréhension, on n’arrive jamais à changer le regard des uns et des autres… »

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