IL Y A 20 ANS, LE 9 AVRIL 1994, CHEZ ANGIDI CHETTIAR : Le PTr avait conclu une première alliance avec le MMM

Alors tous deux dans l’opposition, le Parti travailliste de Navin Ramgoolam et le MMM de Paul Bérenger avaient conclu un accord électoral dans la perspective des élections qui ont eu lieu le 20 décembre 1995. Cette élection s’était soldée par une deuxième victoire historique de 60/0, après celle de 1982, aux dépens d’une coalition entre le MSM de sir Anerood Jugnauth et le RMM, une dissidence du MMM dirigée au départ par le tandem Prem Nababsing-Jean-Claude de L’Estrac. Moins de deux ans plus tard, soit le 20 juin 1997, cette alliance explosa après une série de critiques de l’action gouvernementale par le MMM qui avait abouti à la révocation de Paul Bérenger du gouvernement PTR-MMM.
Le fils mieux que le père
L’alliance PTR-MMM avait été entérinée chez Angidi Chettiar, un proche de SSR, et était considérée comme historique. À l’époque, on évoquait la réussite du fils là où son père avait échoué. En effet, dix-huit ans après la tentative vaine du regretté sir Seewoosagur Ramgoolam, soit en 1976, et de Paul Bérenger d’essayer de conclure un accord électoral PTR-MMM pour aller ensemble aux élections, Navin Ramgoolam et le secrétaire général du MMM, Paul Bérenger, ont transcendé leurs divergences et les difficultés d’alors pour conclure cette alliance. Les instances de ces partis, alors tous deux dans l’opposition, avaient aussi approuvé à l’unanimité les termes de cet accord qui se résumait comme suit : Navin Ramgoolam PM et Paul Bérenger VPM ; 35 tickets au PTr contre 25 au MMM qui pourrait aussi être présent à Rodrigues, 12 ministères au PTr et 9 au MMM, la présidence de la République au MMM et maintien de Cassam Uteem au Réduit, le speaker au PTr et son adjoint du MMM, et l’inverse pour le Whip du gouvernement. Enfin, les deux partis devaient être présents dans les 20 circonscriptions. Quant au programme gouvernemental, une commission mixte avait été instituée.
Cette alliance était annoncée comme irrésistible, d’autant que le gouvernement d’Anerood Jugnauth, usé par 13 ans de pouvoir continu, s’était retrouvé en lambeaux : il avait expulsé le MMM et Paul Bérenger, et ne pouvait compter que sur une aile dissidente des mauves, le RMM, conduite par Prem Nababsing et Jean-Claude de L’Estrac, qui n’avait aucune base électorale, et enfin le PMXD de Xavier Luc Duval, qui avait abandonné le navire après avoir été aux côtés du MSM au gouvernement pendant neuf mois.
60/0 historique pour la deuxième fois
Les élections eurent lieu le 20 décembre 1995 et l’alliance rouge-mauve enregistra une victoire historique pour la deuxième fois par 60/0 après une campagne électorale réglée comme sur du papier à musique. Un plébiscite fêté dans la liesse populaire et une semaine plus tard, Navin Ramgoolam devait prêter serment comme Premier ministre et Paul Bérenger s’installa comme vice-Premier ministre, avant que les 21 membres du gouvernement ne prêtent serment le 31 décembre.
Les désaccords entre les deux formations, malgré cette adhésion populaire massive, allait se faire assez rapidement entendre avec le premier exercice financier de ce gouvernement PTr-MMM marqué par le budget Bheenick, qui visait à lever Rs 3 milliards à travers une offensive fiscale : doublement de la Sales Tax, augmentation de la taxe sur la restauration et imposition à hauteur de Rs 300 millions de Windfall Tax sur la bonne récolte sucrière de 1996 et son fameux “trou Bheenick” de Rs 700 millions, qui entraîna son remplacement par Vasant Bunwaree. D’autres escarmouches avaient marqué la première année de cette alliance au pouvoir, l’affaire Macarena, mais c’est en juin 1997 que la situation se détériora brutalement.
Expulsion de Paul Bérenger et cassure de l’Alliance
Deux foyers de différends allaient irrémédiablement pourrir la situation : l’affaire Ramdoyal et l’affaire du budget du judiciaire passé “par erreur” sous l’Attorney General. Malgré des tentatives de minimiser ces craquelures, Navin Ramgoolam devait convoquer Paul Bérenger dans son bureau à 18h55 le 20 juin 1997 en pleine séance parlementaire pour lui annoncer sa révocation et signer la fin du gouvernement PTr-MMM après 18 mois de vie commune uniquement. À l’époque, les deux allaient se renvoyer la balle concernant la responsabilité de cet échec. Navin Ramgoolam devait dire que « Paul Bérenger ne peut à la fois être vice-Premier ministre et leader de l’opposition. » Quant à Paul Bérenger, il avançait « l’incompétence de Ramgoolam, sa lenteur intolérable et l’absence de leadership » comme « les véritables raisons ».
À leur conférence de presse hier, les deux leaders de nouveau réunis devaient tenter de rassurer les sceptiques quant à la durée de cette alliance en parlant de maturité et d’expérience en ces termes :
Navin Ramgoolam : « D’abord, nous avons acquis beaucoup plus de maturité depuis cela. J’étais Premier ministre pour la première fois en 1995 et je le dis tout le temps, les torts sont partagés. Il y a des différences mais avec notre maturité et notre engagement, nous surpasserons cela car nous voulons faire quelque chose pour l’avancement du pays, pour l’unité nationale. C’est cela notre priorité. Ce n’est pas un travail de cuisine que nous faisons, c’est une alliance pour l’avancement du pays. »
Paul Bérenger : « Nous parlons de 20 ans de cela. 20 ans d’expérience depuis. Je suis prêt à faire mon mea culpa. Lorsque je réfléchis, probablement que j’étais trop exigeant, trop rigide parfois. Mais à chacun sa personnalité. Mais on apprend dans la vie. … Il y a 20 ans, c’était la première fois que Navin Ramgoolam est devenu Premier ministre, ministre même. C’était 35-25 et tout était concentré entre les mains d’une seule personne. Il n’y avait pas cet équilibre dont on parle. Chacun a mûri et a tiré son expérience et regardé le passé avant d’envisager l’avenir. Aujourd’hui, c’est un équilibre entre deux personnes, ce n’est plus une concentration totale sur une seule personne, c’est un bon équilibre entre deux responsabilités, ce sera 30-30 et nous avons notre expérience derrière nous et nous avons notre sincérité. Notre sincerity of purpose, nous connaissons notre responsabilité vis-à-vis de l’histoire et parfois il y a des choses inévitables, mais parfois, nous disons que nous aurions pu faire mieux, avec l’expérience. »
20 ans après, vivrons-nous le même scénario ? Un autre 60/0 ? Suivi des mêmes conséquences ? Ou aura-t-on, comme promis par Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, un gouvernement stable qui ira au bout de son mandat ? Seul l’avenir nous le dira. Premier verdict en novembre prochain avec les élections générales annoncées selon toute probabilité.

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