Pêche semi-industrielle : Première campagne difficile pour Mariam 1

  • Ce bateau, acheté avec le « grant » obtenu du gouvernement, est rentré avec cinq tonnes de poissons après une campagne d’un mois
  • La fédération des coopératives de pêche semi-industrielle veut exposer ses problèmes au Premier ministre

La première coopérative ayant obtenu un « grant » du gouvernement pour l’achat d’un bateau de pêche semi-industriel a démarré ses opérations. Après un mois en mer, le Mariam 1, sous le commandement du capitaine Joseph Saydraouten, est rentré mardi avec cinq tonnes de poisson à bord. Une satisfaction pour toute l’équipe, qui est toutefois inquiète pour l’avenir. Il devient en effet de plus en plus difficile de vendre ses prises sur le marché local en raison de la concurrence et de l’arrivée annoncée de bateaux industriels étrangers, qui risque de compliquer davantage la situation.

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Il a troqué son déguisement de Mahatma Gandhi pour un costume noir. Ce jour est spécial pour Mohamed Mustapha, dit Gandhi. Après plusieurs années de lutte et de grèves de la faim, il a enfin son bateau à lui. Sa coopérative est la première à avoir bénéficié du « grant » offert par le gouvernement pour l’achat d’un bateau semi-industriel. Pour marquer son retour après cette première campagne, tous ses amis du Syndicat des Pêcheurs, de la Mauritius Offshore Fishermen Cooperative Federation et du Mouvement pour l’Autosuffisance Alimentaire, qui l’ont accompagné dans ses démarches, sont là. Ses hommes sont prêts à débarquer les cinq tonnes de poisson de la cale.

Mais au lieu d’afficher la satisfaction, Mohamed Mustapha a l’air inquiet. Il arpente le quai, discute avec ses amis, cherche une solution… Il est rentré depuis mardi et, plus de 24 heures après, il n’a toujours pas trouvé acheteur pour sa marchandise. « J’ai passé un mois en mer, je suis éreinté. J’ai cinq tonnes de poisson à bord et je n’ai trouvé personne pour les acheter. D’autres bateaux sont déjà rentrés avant moi. La concurrence est dure. Maintenant j’apprends qu’il y aura bientôt des bateaux de pêche étrangers sur nos bancs. Je ne sais pas comment on va faire. Je risque de tout perdre. »

Pour acheter ce bateau, la coopérative de Mohamed Mustapha a dû emprunter Rs 4 M auprès de la MauBank. Cela fait partie des conditions appliquées dans le Semi-industrial Fishing Boat Scheme, proposé pour la première fois dans le Budget 2016-17. En fait, le gouvernement finance 50% du coût du bateau, soit à hauteur de Rs 4 M, et la coopérative peut emprunter les 50% restants de la MauBank. L’autre condition est que la coopérative ait 10% de cette somme, soit Rs 400 000, en caisse. « J’ai fait beaucoup de démarches. Si au niveau du ministère de la Pêche ma demande a été acceptée facilement, nous avons eu beaucoup de difficultés auprès de la MauBank. J’ai dû mettre tous mes biens, incluant mon terrain, en gage. Si le travail ne marche pas, je risque de tout perdre. »

On comprend mieux l’inquiétude de « Gandhi ». Il a dû attendre dix mois avant de démarrer sa première campagne. « Pendant un mois, j’ai dormi sur le bateau pour y assurer l’entretien et le gardiennage. Je ne pouvais payer des gens pour cela. Mais je n’ai jamais désespéré. Je voulais faire quelque chose pour mon pays, pour les petites gens, faire un progrès… Aujourd’hui, les choses s’annoncent difficiles. »

L’homme, qui habite la circonscription du Premier ministre, n’a jamais caché son admiration pour ce dernier. « Il faut le reconnaître : aucun gouvernement n’a fait une telle chose pour nous. C’est la première fois qu’il y a un “grant” pour aider les coopératives de pêche à acheter un bateau semi-industriel. Mais ça ne peut pas s’arrêter là. Il nous faut un encadrement pour nous aider à développer ce secteur et, surtout, à trouver un marché pour nos poissons. C’est pour cela que je demande une rencontre urgente avec le Premier ministre. Nous voulons lui faire comprendre nos problèmes. »

Actuellement, les pêcheurs doivent compter sur les « banians » pour vendre leur cargaison. Ils auraient souhaité que le gouvernement les aide à développer la filière marketing afin de pouvoir eux-mêmes aller vers le public dans différentes régions de l’île. Ce serait du « gagnant-gagnant » pour les deux parties. Eric Mangar du Mouvement pour l’Autosuffisance Alimentaire dit avoir soumis cette proposition au ministre des Finances dans le cadre des consultations budgétaires, mais elle n’a pas été retenue.

Pour cette première campagne, Mohamed Mustapha a dû débourser près de Rs 1 M, notamment en termes de carburant, de nourriture pour un mois, ainsi que le salaire des 22 membres de l’équipage. « Avec cinq tonnes, je suis déjà à perte. Le bateau a une capacité de 15 à 40 tonnes de poissons. Mais avec les contraintes climatiques et la baisse du stock de poissons sur nos bancs, nous n’avons pu atteindre cet objectif. »

Ce dernier est également d’avis que le poisson importé est en train de « tuer » les pêcheurs locaux. « Aujourd’hui, on voit tous types de poissons importés. Capitaine, cateaux, sacréchien, tilapia… Il faut interdire l’importation de ces poissons. Comment va-t-on développer l’économie océanique ainsi ? »

La conversation est interrompue par un homme cherchant après Gandhi. C’est un « banian ». Il n’est pas venu négocier, mais faire une proposition. Il connaît déjà la marchandise, ainsi que la situation du propriétaire du bateau. Il propose Rs 120 le kilo de Capitaine. C’est un tarif relativement bas. Mais c’est à prendre ou à laisser. Mohamed Mustapha n’a d’autre choix que d’accepter l’offre. Ce poisson sera vendu à au moins Rs 100 la livre sur le marché. Un profit de Rs 40 sur chaque livre pour le banian. « Si on avait une filière marketing, on aurait pu faire profiter de ce prix à la population », commentent les amis de Gandhi.

Une fois la cargaison débarquée aujourd’hui, l’équipage du Mariam 1 devra se préparer à reprendre la mer. « Si je reste à terre, je risque de tout perdre, même le bateau. Je suis obligé de repartir en mer au plus vite dans l’espoir de faire une meilleure pêche. »
Mohamed Mustapha réitère son appel au Premier ministre pour une rencontre afin d’exposer la situation. Il se dit également très inquiet de la décision du gouvernement d’ouvrir nos bancs aux bateaux industriels étrangers. Il y aurait actuellement déjà 400 bateaux chinois pêchant autour de l’Afrique. Les opérateurs mauriciens plaident pour que notre zone économique exclusive ne fasse pas l’objet de surpêche. Si la situation n’évolue pas, dit Gandhi, il ne lui restera plus qu’à « pran mo baton ek met mo langouti pour redesann lor sime ».

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