Interconnexion et ‘Peering’ : des éléments-clés pour l’internet en Afrique

  • Maurice appelé à jouer un rôle clé dans cette optique, selon les opérateurs
  • Dawit Bekele (Internet Society) : « Pour concurrencer le reste du monde, l’Afrique a besoin d’une connectivité fiable »

Pour renforcer la capacité du continent au niveau d’internet, le peering et l’interconnexion sont des éléments cruciaux; tous les spécialistes sont d’accord. La conférence de l’Afpif tenue la semaine dernière a permis de mieux cerner les enjeux pour l’Afrique qui a tout à gagner en mettant tous les efforts en commun pour étendre internet au maximum. Et plusieurs spécialistes sont d’avis que Maurice doit se positionner pour participer à l’amélioration de la connectivité sur le continent.

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À ce jour, seulement 30% des Africains ont accès à internet. Pour développer cet immense marché, la lutte sera âpre entre les big players mondiaux du web et Maurice doit absolument se positionner pour avoir sa part du gâteau. Comme dit Dev Hurkoo: « les enjeux sont majeurs. »

La 10ème edition de l’AfPIF (Forum africain sur le peering et l’interconnexion) a servi de plateforme pour discuter des enjeux liés au développement d’internet en Afrique.

Cet événement d’envergure internationale, organisé par l’Internet Society et l’Association africaine des points d’échanges de l’Internet (AFIX) en collaboration avec Rogers Capital, a permis de mettre en relation les principaux fournisseurs d’infrastructures, de services et de contenus en ligne du continent mais aussi d’identifier et de discuter des moyens qui permettront d’améliorer l’interconnexion des réseaux, de réduire le coût de la
connectivité et d’augmenter le contenu disponible localement, tout ceci dans l’intérêt des utilisateurs d’internet de la région. Car l’internet est à la base du développement économique.
Andrew Sullivan, CEO de Internet Society, soutient que « c’est avec le peering que l’on construit internet. On n’a pas de connexions magiques qui tombent du ciel, donc il faut construire la communauté internet.

Depuis les débuts d’AfPIF, il y a eu croissance phénoménale, mais l’Afrique est encore le parent pauvre. Il y a encore des choses à faire. l’Afrique a aussi besoin d’une connectivité robuste et Maurice peut contribuer à  cette croissance ». Kyle Spencer, de l’AFIX, abonde dans le même sens : « La communauté sert de catalyseur pour améliorer les choses. La communauté internet est petit à petit en train de bouger. Parfois certains sont réticents ou refusent de participer car ils veulent tout garder pour eux. Mais au contraire, c’est en collaborant qu’on fera avancer les choses et qu’on améliorera l’interconnectivité sur le continent. »

L’AfPIF a été créé justement afin de remédier au fait que la plupart du trafic Internet local d’Afrique sont échangés en dehors du continent. Parallèlement, l’Afrique importait plus de 99% du trafic Internet consommé, ce qui créait un “Internet Transit Deficit”. L’échange de trafic local par les Internet Exchange Points (IXP) réduit les coûts d’accès à Internet, les retards de réseau et augmente la vitesse d’accès au contenu.

Dawit Bekele, directeur régional africain de l’Internet Society, explique que l’AfPIF a contribué considérablement à l’évolution de l’interconnexion en Afrique au cours des 10 dernières années. Le trafic échangé localement est passé de moins de 1 GB à près de 800 GB aujourd’hui. « C’est une réussite remarquable, grâce à la forte communauté établie autour de l’AfPIF. » Pour sa part, Kyle Spencer, Coordinateur de l’Association africaine des points d’échanges de l’Internet, (AFIX), explique que « notre objectif est de localiser 80 % du trafic Internet de l’Afrique d’ici 2020, et je crois que nous sommes sur la bonne voie. Packet Clearing House indique que l’Afrique connaît actuellement la plus forte progression au monde de la bande passante domestique ; le continent est en effet passé de 410 Gbps à 786 Gbps au cours des 12 derniers mois, soit une augmentation de 92 % – un chiffre corroboré
par nos données de référence internes. C’est une période passionnante pour l’Afrique et nous sommes impatients de poursuivre sur cette lancée. »

Leader du numérique régional
Dev Hurkoo, Managing director – Technology, chez Rogers Capital, est enthousiaste : « Il faut améliorer la performance d’internet, voire les moyens de réduire les coûts, d’avoir de meilleures résiliences et créer un écosystème de partage. »
Dawit Bekele n’a pas de doute que Maurice est bien placé pour agir dans ce sens, c’est-à-dire contribuer à améliorer l’interconnectivité en Afrique. Pour lui, « Maurice c’est un peu la capitale d’internet pour Afrique », car le pays a fait d’internet un pilier de son économie : « Maurice a beaucoup d’ambition pour devenir un hub pour la région. Je suis venu plusieurs fois chez vous et je vois des progrès en termes de connectivité. Le fait d’être une île n’est pas un handicap. On a vu l’exemple de Singapour… L’avantage avec le numérique c’est que la geographie n’est pas vraiment importante. Vous avez la stabilité économique et politique, c’est un atout majeur par rapport à beaucoup de pays africains, donc vous pouvez vous positionner en leader du numérique sur le plan régional pour accompagner les grandes compagnies qui veulent s’établir dans la région. »

Rajnish Hawabhay, Chief technical officer au ministère des Tic, estime que Maurice peut offrir beaucoup de services à l’Afrique. Le pays est déjà connecté à SAFE et LION, et l’année prochaine à METISS et IOX, ce qui va entraîner des « changements significatifs » pour le pays, selon lui. « Ici la connectivité est possible à un prix abordable.  Il y a énormément de services que nous pourrons offrir à l’Afrique australe et orientale. » Toutefois, pour offrir ces services, le pays devra renforcer ses capacités notamment en termes de ressources humaines. « Nous formons déjà les étudiants au codage notamment et nous souhaitons l’intégrer dans le curriculum scolaire primaire et secondaire. Pourquoi pas l’année prochaine ? Car il faut préparer les jeunes à l’avenir, » dit-il.

Dawit Bekele, directeur du bureau africain de l’Internet Society : « Une connectivité fiable »

« 20 à 30% des Africains ont accès à internet; c’est vrai que l’on peut faire mieux. Mais nous avons fait d’énormes progrès ces dernières années parce qu’il y a 10 ans, moins de 5% de la population africaine avait accès à internet. Mais il y a encore beaucoup à faire, donc beaucoup d’emplois seront créés dans les prochaines décennies dans le numérique en Afrique. D’autre part, le coût d’accès à internet est définitivement en train de baisser. Tout le monde constate que la bande passante est moins chère. Il y a quelques années, dans beaucoup de pays africains, c’était presque impensable d’avoir du ‘broadband’ à la maison. Il y a encore des défis, par exemple au niveau de la qualité de la connectivité qui n’est pas à la hauteur; donc l’Internet Society va probablement travailler pour accompagner les pays africains pour que non seulement il y ait une bonne connectivité, mais surtout que celle-ci soit fiable, parce que pour concurrencer le reste du monde, l’Afrique a besoin d’une connectivité sur laquelle elle peut vraiment compter. »

 

Dev Hurkoo (Rogers Capital) : « Les enjeux sont majeurs »

Pourquoi le peering et l’interconnexion sont-ils importants ?

Le peering et l’interconnexion sont des enjeux majeurs pour développer internet en Afrique, parce que fondamentalement, Internet est constitué de réseaux de réseaux, car il y a plusieurs réseaux, même dans un seul pays. Mais ces réseaux doivent communiquer entre eux, c’est cette connexion de réseaux que l’on appelle interconnexion. C’est quand cette interconnexion fonctionne bien que l’on parvient à avoir un internet qui marche bien, qui est résilient et robuste et même dans les cas où une partie d’un réseau est en panne, internet continue de fonctionner parce que derrière il y a ce maillage de réseaux intercnnectés.

Vous teniez à organiser la conférence de l’AfPIF à Maurice. Pourquoi ?

L’Afpif a été créé pour développer l’infrastructure Internet en Afrique car le continent est toujours en retard. Nous tenions à ce que cette conférence se fasse à Maurice, car elle permet de faire prendre conscience aux autorités, aux Mauriciens et aux opérateurs qu’à travers un bon ‘peering’ et une bonne interconnexion, nous avons tous à y gagner. Nous pourrons avoir une meilleure qualité de service, diminuer les coûts des infrastructures d’Internet et avoir une meilleure résilience du réseau. Il y a aussi tout un écosystème de contenu que l’on peut créer localement, et partager avec la communauté. Les opportunités à ce niveau sont immenses et Maurice doit les saisir, c’est pour cela que parmi les participants à la conférence, on a eu plus de 40 pays dont les géants du web, les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), mais aussi Netflix, Cloud Flare, Akamai Technologies et aussi les ‘major players’ en Afrique comme Teraco et Liquid Telecom. Tous sont venus parce que les enjeux sont majeurs. Tous veulent participer au développement d’internet en Afrique. D’autant que les ‘big players’ comme Google et Amazon ont beaucoup de contenu, et tiennent à emmener ce contenu au plus près des utilisateurs en Afrique. Ils veulent donc investir en Afrique. Microsoft a ouvert deux data centres en Afrique du Sud, et investi au Kenya et au Nigeria. Google a investi au Ghana. Des choses se passent. Le Rwanda aussi se positionne. Pour nous, Mauriciens qui avons quand même une très bonne infrastructure Internet, l’enjeu est de pouvoir nous positionner en Afrique. Nous devons nous faire connaître pour attirer ces grosses boîtes à Maurice.

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