INTERVIEW : Père Gérard Mongelard, « L’église de Cassis, construite sur 28 ans, est une merveille »

L’église Saint Sacrement de Cassis, également connue comme la « Cathédrale des Pauvres » compte depuis le 10 novembre 140 ans d’existence. C’est par une messe d’action de grâces que la paroisse marquera ce vendredi, à 18 h 30, cet anniversaire. Dans cette interview, le père Gérard Mongelard, le curé, nous parle de la paroisse de Cassis et de ses laïcs. Il refuse que l’on assimile Cassis aux fléaux de drogue et de délinquance juvénile qui ne sont, dit-il, pas propres à cet endroit. « Dans la tête des gens, Cassis est un endroit difficile. Mais, Cassis, c’est aussi Cassiya, c’est d’autres artistes de renom… ». Le prêtre se dit heureux depuis les dix années qu’il y est curé, les laïcs étant très solidaires et engagés.
Père Mongelard, l’église Saint Sacrement de Cassis, dont vous êtes le curé, fêtera bientôt son 140e anniversaire. Quel bilan jetez-vous sur cette paroisse depuis que vous y êtes ?
Je suis très satisfait de voir que les laïcs ont bien compris leur rôle en tant que baptisés. Chacun a sa place et son rôle dans l’église et tout doucement, les gens ont bien compris que les services — donneurs de communion, membres de la fabrique… — ne sont pas indéfinis. Ils savent faire de la place à d’autres. Il y a un relais qui se fait. Ce qui fait qu’il y a assez souvent un renouvellement et j’en suis très content. Je suis arrivé à la paroisse de Cassis en 2003. J’ai quitté Rodrigues en 2002, ensuite j’ai fait une année de stage aux Philippines. C’était comme une année de renouvellement et de remise à niveau. J’ai voulu voir un peu du côté des asiatiques, surtout le côté anglais, la manière de faire dans les églises anglophones, car pratiquement toutes nos formations se déroulent en Europe francophone. Les laïcs sont bien engagés dans la paroisse. Nous avons une équipe pour les funérailles par exemple si jamais les prêtres ne sont pas libres. Cela est bien accepté aujourd’hui.
L’apostolat des laïcs découle du Concile Vatican II ?
Exactement. On célèbre cette année le 50e anniversaire du Concile Vatican II. Le Concile Vatican II a mis en valeur la place des laïcs dans l’Église. Avant, c’était comme une pyramide avec l’évêque en haut, les prêtres les religieux etc. Vatican II a renversé la pyramide. Nous tous, nous avons notre place dans l’Église et tous, nous avons à prendre notre place, pas remplacer mais prendre notre place. Cela a été une très grande avancée pour l’Église.
Y a-t-il eu des changements depuis votre arrivée ?
Certainement ! Il y a eu la fameuse Équipe d’animation pastorale (EAP), ce qui signifie que depuis maintenant quatre ans, on a une équipe de laïcs qui travaillent avec le prêtre pour assurer la pastorale. Ils prennent leur place dans l’Église en tant que baptisés. C’est un grand apport pour l’Église.
Surtout s’il y a un manque de prêtres…
Ce n’est pas parce qu’il y a un manque de prêtres qu’on a mis sur pied les EAP. Mais davantage pour faire prendre conscience aux laïcs qu’ils ont leur rôle dans l’Église.
Autrement, en termes de progrès ?
Il y a la maintenance de l’église. L’église de Cassis est bien entretenue. Chaque deux à trois ans, on refait la peinture. Depuis 5/6 ans, on a ouvert une bibliothèque qui est dotée maintenant d’un coin informatique. Il y a des personnes de bonne volonté qui viennent donner des cours d’informatique aux enfants, jeunes et moins jeunes. On vient de construire une salle de formation. Les divers groupes de la paroisse pourront bénéficier d’une formation locale. C’est une formation de conseil pastoral de quartier. Chaque quartier a un petit noyau qui réfléchit et détermine les besoins de sa localité pour la faire avancer. Cette salle de formation sera inaugurée ce samedi. Les derniers travaux de rénovation de l’église remontent à trois mois. On a procédé par étapes. Il y a d’abord eu la peinture intérieure de l’église qui était à la chaux. Et, avec l’humidité, les murs se dégradent assez rapidement. La deuxième étape a été de refaire le plancher de la tribune. On a remplacé le bois par le métal. Et, la troisième étape, c’est la salle de formation qui sera inaugurée ce samedi. Nous allons aussi nous rappeler de M. et Mme Thomy d’Arifat qui ont été à l’origine de cette église. Ils sont d’ailleurs enterrés juste derrière l’autel. La famille d’Arifat sera invitée à venir à cette messe d’action de grâces.
Quelles sont les difficultés de cette paroisse et comment la foi a-t-elle pu constituer une lumière, si on peut dire, dans les ténèbres ?
Dans la tête des gens, Cassis est un endroit difficile parce que malheureusement, il y a des fléaux comme la drogue. C’est vrai, il faut être vigilant. Mais, ce n’est pas propre à Cassis. Nous, nous avons la chance d’avoir le Groupe A de Cassis qui milite depuis plus de vingt cinq ans contre tous ces fléaux, ce qui fait que très souvent, quand on parle de drogue, on pense au Groupe A de Cassis. Alors, les gens croient que c’est surtout à Cassis. Or, la drogue, la délinquance, cela existe partout ! Cassis, c’est Cassiya… Il y a des artistes de renom, il y a l’ancien président de la République, Karl Offman, nous avons eu un grand footballeur, José Desvaux, aujourd’hui décédé. Moi, cela fait dix ans que je suis là-bas et je suis très heureux à Cassis !
Quelle est la richesse de la paroisse ?
La richesse, ce n’est pas le côté matériel. La richesse, ce sont les gens. C’est la qualité de la relation entre les gens et cela, on ne peut l’acheter. C’est la solidarité. Ce sont des valeurs qu’il faut garder. Moi, je mise beaucoup sur la solidarité entre les gens. À l’Immaculée Conception, où je suis également curé, il y a maintenant une équipe qui visite des malades à l’hôpital. Ses membres sont émerveillés de voir que c’est un ministère qu’ils accomplissent auprès des malades. Cela leur rapporte beaucoup et le témoignage devient contagieux. Moi, je crois que les gens sont naturellement bons. Il faut faire appel à cette bonté, à ce désir de servir. Quand les gens découvrent qu’ils ont des capacités et qu’ils peuvent donner de leur temps, c’est extraordinaire.
Le pape Benoît XVI a décrété 2012 Année de la Foi. Comment se porte la foi chez vos paroissiens à Cassis. Y a-t-il beaucoup de jeunes qui sont engagés ?
On ne peut pas mesurer la foi. La foi, c’est un chemin. C’est une décision personnelle. On ne peut donner la foi à quelqu’un. La personne la découvre. Ce qu’on fait nous, c’est mettre la personne en relation avec le Christ et lui montrer l’amour de Jésus. La personne, elle, décide ensuite. La foi, c’est une aventure. Je crois qu’il y a beaucoup de personnes qui sont en chemin. Par exemple, on a mis sur pied « Zezi Vre zom » à la paroisse. Il y a pas mal d’hommes qui ont intégré le groupe. Ces hommes, en contact avec la Parole de Dieu, découvrent que leur foi était un peu endormie. Et là, c’est en quelque sorte un réveil de la foi. Il y a aussi le parcours « Le regard de Jésus sur la Mauricienne » pour les femmes avec une dizaine de rencontres qui se terminent par une retraite. Il y a actuellement 150 jeunes filles et dames qui ont suivi ce parcours. Cela leur permet de découvrir le regard de Jésus sur les femmes dans l’Évangile et par extension sur la Mauricienne. Là aussi, il y a un contact avec la Parole de Dieu, avec leurs réalités d’épouse, de mère de famille et ce contact permet de grandir dans la foi. On a encore tendance à croire que les femmes sont inférieures, qu’elles sont faites pour la cuisine, pour s’occuper des enfants etc. Mais, Jésus reconnaît les capacités des femmes. Cela permet à ces jeunes filles et femmes de se dire qu’elles ont également des potentiels. Il y a donc pas mal de choses qui permettent aux paroissiens de grandir dans la foi. Cette année de la foi, où les fidèles sont invités à passer par la porte de la foi, c’est bien dit. Ce n’est pas forcément une grande porte mais une porte étroite. Il faut s’efforcer, savoir laisser les choses qui nous encombrent, qui nous alourdissent, et qui nous empêchent d’être nous-mêmes. C’est pour cela qu’il y a cette grande croix à Marie Reine de la Paix pour cette année de la foi. C’est une croix qui ne nous écrase pas mais qui nous fait revivre.
Le fait d’être également curé des églises de l’Immaculée Conception et de Pailles, cela ne vous empêche-t-il pas de vous concentrer sur les besoins des paroissiens de Cassis ?
C’est pas l’idéal. J’aurais préféré être attaché à une ou deux paroisses pour donner plus de temps. Mais, je mise beaucoup sur les laïcs. Je suis aussi très heureux d’avoir des confrères comme Adrien Wiehe, Serge Ah kong et Laurent Rivet. On arrive à faire équipe ensemble.
Pouvez-vous nous faire une brève historique de l’église de Cassis ?
L’église a été bâtie à l’initiative de M. et Mme Thomy d’Arifat qui ont donné une somme d’argent qui vaut aujourd’hui des millions de roupies. L’église a commencé petit et puis, il y a eu l’épidémie de choléra et de malaria. Les grandes familles blanches qu’il y avait à l’époque sont parties dans les hauts, à Curepipe notamment. C’est à partir de là que les petites gens ont pris le relais pour faire des collectes d’argent pour la construction de l’église. C’est pour cela d’ailleurs que l’église est aussi connue comme la cathédrale des pauvres. On a mis 28 ans pour construire cette église sur le modèle de Notre Dame de Paris. Et, c’est une merveille, une très belle église ! Imaginez, dans les années 1850, ce sont des gens issus de l’esclavage, les maçons, les tailleurs de pierre de l’époque qui ont construit l’église. Quand on voit la qualité du travail, la précision avec laquelle ils ont taillé les pierres… D’autant plus qu’il n’y avait pas tous ces moyens que l’on a aujourd’hui, c’est fantastique ! C’est vraiment une belle réussite qui demande des entretiens soutenus. Il faut dépenser beaucoup d’argent pour la garder en bon état. Grâce à cette solidarité entre les gens, ils sont toujours prêts à donner. Aussi modeste soit la somme, ils sont prêts à donner. Ils ressentent une appartenance à l’église et non pas spectateurs. C’est cela qu’il faut maintenir.
Que souhaiteriez-vous pour l’église de Cassis ?
Continuer à travailler main dans la main pour construire ce royaume de paix, de justice et d’amour. Continuer de travailler pour le bien-être de chacun. Que chacun puisse grandir dans sa foi !

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