INVESTISSEMENT: Maurice/Honduras, les deux projets d’accord en suspens

La création d’une ville modèle privée envisagée par l’État hondurien est abandonnée, si ce n’est définitivement du moins temporairement, pour des raisons de manque de transparence avancées par le Pr Paul Romer, son concepteur, qui a démissionné comme président de la Commission de transparence du projet. Cette décision implique des retombées négatives pour Maurice car elle signifie la mise en veilleuse de deux projets d’accords dont les discussions avec ce pays étaient arrivées à un stade avancé. Ces accords visaient à renforcer l’image de Maurice en tant que centre financier, plateforme d’investissement et de services juridiques respectivement. L’un portait sur une convention de non-double imposition et l’autre sur la possibilité de recourir au système judiciaire mauricien pour la sécurité juridique de cette future zone économique spéciale, en usant des bons offices de la Cour suprême comme instance d’appel.
Le projet de création d’une “Ciudad Modelo” (ville modèle ou encore Charter City) découle d’un amendement à la Constitution adopté en mai 2011 par le parlement hondurien permettant la cession de territoires de l’État à des investisseurs privés qui auraient la charge de financer l’aménagement et de gérer des “villes privées” ayant leurs propres lois, police, système fiscal, usines, et pourvoyant aux habitants volontaires à ce modèle sociétal leurs propres services administratifs, de santé et d’éducation, entre autres. Tout en étant autonomes, ces villes aussi connues comme Régions spéciales de Développement (RED) demeureraient toutefois, selon cette loi, « une partie inaliénable du territoire de l’État hondurien et sont sujettes à la constitution de la République dans tous les thèmes liés à la souveraineté, la Défense nationale et les relations extérieures ».
Ce modèle de fonctionnement s’inspire du concept créé par le Prof Paul Romer, économiste théoricien de la croissance, qui prône la possibilité de changement de règles sociétales, notamment dans des pays confrontés à des dysfonctionnements caractérisés. Le choix de nouvelles règles vise à contourner des représentations politiques et corps intermédiaires, comme par exemple les mouvements syndicaux dont les actions radicales bloqueraient le développement et la création de richesses. Dans un pays tel le Honduras miné par le chômage, la corruption, la grande criminalité et des pratiques mafieuses jusque dans les rangs de la police, les objectifs de créer ces zones économiques spéciales sont de lutter contre la grande pauvreté et l’émigration en masse de la main-d’oeuvre locale en favorisant la création d’emplois dans un cadre de vie sain et sécurisé. Deux types de villes modèles privées sont prônées, l’une abritant des usines de transformation, à très grande échelle, de produits d’exportation, et l’autre des enclaves résidentielles pour familles riches recherchant un climat de confiance et de sécurité.
Constitutionnalité
Cependant, le Pr Romer, choisi pour être le garant du projet au Honduras, a démissionné début septembre dernier de la présidence de la Commission de transparence instituée par l’État hondurien et chargée de veiller à la bonne gouvernance de ces zones spéciales. Il avait été nommé, par décret présidentiel, pour y siéger avec quatre autres personnalités de renommée internationale, disposant de pouvoirs étendus de recruter et de licencier des gouverneurs, des juges et autres vérificateurs comptables dans ces RED. Sa démission intervient dans le sillage d’un Memorandum of Understanding signé entre le gouvernement hondurien et un consortium d’affaires, le groupe MGK, le 4 septembre dernier, portant sur la création d’une ville modèle, sans qu’il en ait été informé au préalable, sa demande subséquente à consulter le document de cet accord devant par ailleurs être rejetée. De plus, le Pr Romer et ses pairs commissaires remettent en cause la légalité de la Commission de transparence et celle de leur nomination du fait que le gouvernement hondurien n’a jamais publié à l’Officiel ce décret présidentiel, dans l’attente du verdict d’une plainte logée en Cour contestant la constitutionnalité du cadre légal régissant ces zones spéciales de développement. Cette affaire en justice pourrait durer des années, alors que le retrait du Pr Romer suscite des craintes parmi les investisseurs potentiels.
Les autorités mauriciennes approchées pour servir de plateforme de services pour ce projet, à savoir le Board of Investment et le judiciaire, ont été informées par le Pr Paul Romer de la tournure du dossier. Rappelons que ce dernier avait animé une conférence à Maurice en août 2010 sur les avantages de la création de Charter Cities en Afrique et recommandait dans ce contexte que Maurice se positionne comme plateforme d’investissement sur le continent. Dans un courriel daté du 18 septembre dernier, l’éminent économiste annonce sa décision de couper « all connections with the project in Honduras » et recommande que le gouvernement mauricien prenne ses distances également. Il se réfère à une lettre conjointe adressée au Président Lobo Sosa, le 7 septembre dernier et consultable sur le site web de Charter Cities. Dans cette correspondance, le Pr Romer et ses pairs soulignent que « (….) the conditions have not existed to permit the Transparency Commission to play the role envisioned for this ambitious and important project. »
Le Mauricien n’a pu obtenir une déclaration de la responsable du dossier au BoI, celle-ci étant prise dans une réunion.

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