JACK BIZLALL (MOUVEMENT PREMIER MAI) : « On croirait entendre le ministre des Finances de Singapour… »

« Ma première impression est qu’on croyait entendre le ministre des Finances de Singapour, sans aucune considération cependant quant à l’environnement économique de notre région par rapport à celui de Singapour.
Ma deuxième impression est que notre pays dépensera plusieurs dizaines de milliards de roupies dans l’infrastructure purement économique sans répondre à la question fondamentale : l’économie mondiale permet-elle de rentabiliser ces dépenses gigantesques pour l’implantation de cette infrastructure et où trouver ce financement sans s’endetter de façon criminelle ? D’autant que nous risquons de nous retrouver, comme c’est le cas pour le port franc et la cybercité, avec des investissements dans des infrastructures sous-utilisées ou non utilisées.
La troisième impression est que l’on veut créer une oasis économique dans un désert de croissance mondiale. Sans prendre en considération que cette stratégie opportuniste ne marche plus dans les pays émergents. Il y a un abus du terme ‘hub’, qui est appliqué dans son sens pervers. Ma quatrième impression est le paradoxe entre ‘investir en Afrique’ tout en sapant l’indépendance de ces pays. Cette stratégie, qui est une émulation de celle de la Chine, aura un double effet sur notre pays. Nous allons créer des contradictions majeures avec ces pays puisque c’est celle que les pays développés ont appliquée au summum de leur développement. Sur le moyen terme, cela aura un effet boomerang sur notre propre économie, comme c’est le cas aujourd’hui pour les pays développés colonisateurs.
Cinquième impression : il y a une absence totale d’attention à l’économie réelle de notre pays. Nous sous-estimons les effets réels de l’économie mondiale sur la société mauricienne. C’est-à-dire un recul économique généralisé dans les pays développés et un recul conséquent dans les pays émergents. Dans le cas des pays émergents justement, des crises sociales aiguës les déstabilisent, comme c’est le cas au Brésil et en Afrique du Sud, et des contestations grandissantes sont observées en Russie et en Chine. L’Inde vit grandement sur l’endettement. Des milliers de Mauriciens se retrouvent ainsi dans une situation de subalternes et d’exécutants au service d’une économie tournée vers l’extérieur, financée par le pays et contrôlée par l’oligarchie économique. Et comme d’habitude vampirisée par l’oligarchie politique et ethnique. Nous entrons non seulement dans la fracture sociale, mais, plus grave encore, dans l’eugénisme social. C’est-à-dire dans le monde des surhommes.
Ma sixième impression, c’est qu’il y a une absence totale de stratégie transitionnelle vers ce qui est proposé et de stratégie de transition pour répondre d’abord à nos préoccupations sociales immédiates. En d’autres termes, éliminer la politique d’accaparement en cours, éradiquer les causes qui nous poussent vers la fracture sociale et engager tous les vrais producteurs dans la construction de l’économie réelle. C’est-à-dire des milliers de personnes qui peuvent se lancer dans la production artisanale de proximité.
Le constat, c’est que le gouvernement est conscient des effets de sa politique sur la société et a pris des dispositions pour soulager les exclus et les victimes de sa politique. Xavier-Luc Duval dit que le Premier ministre a de l’amour pour les animaux. Je ne peux pas le condamner pour ça, mais je crois qu’il devrait commencer à développer aussi un amour pour les citoyens de ce pays. Nous entrons dans un monde où le grand public restera chez lui à regarder des films tout en laissant notre pays entre les mains des nantis. Ce gouvernement n’est pas conscient de la réalité de notre société.
Voyons enfin les “heureux” du budget et les autres. La politique keynésienne répond à l’incapacité du capitalisme mauricien de s’engager dans la création d’entreprises viables dans le secteur de la production et de la construction. Une masse d’argent sera mise à sa disposition pour suppléer à cette incapacité alors qu’il détourne une masse d’argent vers le secteur financier par la vente de ses terres et des terres de l’État dans des projets fonciers à l’attention des multimillionnaires étrangers. L’oligarchie économique quitte le secteur productif. C’est là le drame de notre pays. Nous existons parce que nous vendons notre pays.
Et les autres ? Sortons de nos hubs économiques et de nos villages privés et visitons notre pays. Voyons comment vit cette partie de la population, surtout celle qui ne se retrouve pas dans le discours du ministre des Finances de Singapour… pardon, du ministre des Finances de Maurice. »  

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