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Jah Mike — Le séga en couleurs

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Jah Mike  — Le séga en couleurs

Huit ans après le succès fulgurant de l’album Kabane Séga, Jah Mike est de retour sur la scène musicale avec Enn lot Kouler. Un album de 14 morceaux enregistré avec le concours d’Otentik Groove. Ce chanteur qui a passé son enfance dans un orphelinat nous parle avec humilité de cet album qu’il a conçu en prenant tout son temps.

Louis Johny Legraveur, alias Jah Mike, rayonne par sa simplicité. Toujours souriant et plutôt timide lorsqu’il doit se raconter, il se transforme dès qu’il est amené à parler de sa musique. Une lueur brille dans ses yeux alors qu’il évoque ce séga qui le fait vibrer depuis son enfance. Pour lui, le séga a toujours été synonyme de joie. Cette joie n’avait pas de prix et rendait un peu plus soutenable son enfance difficile. Car il a été abandonné avec son frère par leurs parents, bien trop pauvres pour pouvoir s’occuper d’eux. Ils ont grandi à l’orphelinat au Foyer Père Laval.

Avec ce deuxième album solo après huit ans, Jah Mike se rappelle cette joie de chanter le séga et de le faire découvrir à son public. Huit années de recherche et d’écriture qui ont débouché sur un projet de qualité, avec un concept autour du séga. Un voyage musical autour du séga d’ambiance, avec des textes percutants incitant à la réflexion.

Un succès inattendu.

Dans Diego, le chanteur apporte son soutien au peuple chagossien. Nou kiltir et Pare pa pare lui permettent de raconter son amour pour le séga et de lancer un cri du cœur pour qu’il perdure. Soulignons que Pare pa pare est un séga typique écrit par Jason Lejuste, qui le chante en featuring avec Jah Mike. Le morceau évoque les trois principaux instruments qui servent à créer le séga typique : la ravanne, la maravanne et le triangle. Dans Aret fer semblant, il se penche vers le seggae, avec un texte qui parle d’hypocrisie et de fausses amitiés.

Jah Mike attendu huit ans pour sortir un nouvel opus pour deux raisons. L’une est contractuelle. “J’avais un contrat qui m’obligeait à attendre un peu avant de lancer un autre album”, confie-t-il. L’autre raison était sa volonté de proposer un album qui serait à la hauteur du premier, avec le succès retentissant qu’il avait connu. La chanson éponyme avait d’ailleurs été élue “Disque de l’année” sur trois radios. “C’était un succès inattendu. Le public a acheté l’album et l’a porté. Cet opus m’a ouvert beaucoup de portes. Je me suis produit à l’étranger, notamment dans des festivals et des soirées en Europe. Mais je crois que j’ai réussi à ne pas avoir la grosse tête, de garder les pieds sur terre. Avant Kabane Séga, j’étais déjà dans un groupe, Mighty Jah. Je savais déjà à quel point le succès pouvait arriver et s’en aller : j’ai connu des hauts et des bas. C’est pourquoi j’ai pris ce succès-là assez simplement. J’ai essayé de rester comme j’étais malgré les changements que le succès apportait dans ma vie.”

“Ti bizin kone ki pe fer”.

Cette pression, le chanteur l’a transformée en force dans la conception de cet album. “Pendant ce long moment où je n’ai pas été actif, j’ai eu tout le temps nécessaire pour penser à ce que je voulais faire. J’en suis sorti grandi. Quand vous revenez sur la scène après un album qui a autant marché que Kabane Séga, l’attente du public est grande. Il espère quelque chose d’aussi fort. Je suis satisfait du travail que j’ai fait. C’est le public qui décidera.”

Jah Mike s’est entouré des musiciens d’Otentik Groove pour enregistrer l’album, tout comme ce fut le cas pour le premier. “Nous avons une bonne entente musicale. L’album n’en est que meilleur avec eux.” Jason Heerah et Ludmila Ono y participent en tant que choristes alors que Sista Queen y apparaît en featuring. À noter également la contribution de Clyde Banche, Antonio David Claude et Jason Lejuste, qui ont composé quelques morceaux. La production est signée Danny Music.

Revenant sur son enfance, Jah Mike se rappelle comment les cours de musique reçus au Foyer Père Laval ont fait grandir son amour pour le séga. “J’ai appris à jouer des instruments dans les cours. Même si je n’ai pas fini par maîtriser un instrument, je sais que ce sont ces cours qui m’ont encouragé à trouver ma place dans la musique.”

À l’âge de 16 ans, il est allé s’installer dans une maison à Roche Bois avec son frère et un ami. Cela l’a aidé à grandir et à se responsabiliser. “Nous devions nous débrouiller par nous-mêmes. On était libre, c’était comme une cour de récréation, mais ti bizin kone ki pe fer. J’ai appris la menuiserie, métier que je compte exercer jusqu’à ma retraite.”