JANE CONSTANCE : Une non-voyante à la voix captivante

Un timbre clair qui vous captive tout de go. C’est celui de Jane Constance. Cette jeune non-voyante de naissance a à peine treize ans. Et, pourtant, quand elle enfle sa voix, on ne peut que se sentir petit, se taire, pénétrer dans l’univers qu’elle nous chante, le vivre et revenir sur terre, remué…Révélée en 2010 lors d’un concert de Dave, finaliste mauricien à l’émission française La Nouvelle Star, Jane Constance n’arrête pas d’enchaîner des prestations lors d’événements tels Miss Mauritius ou le Mauritius Sports Award. En avril dernier, grâce à la Global Rainbow Foundation (GRF), cette chanteuse qui promet, a assuré deux heures de concert au Conservatoire François Mitterrand. Le parcours de Jane ne fait que commencer et va crescendo, avec un concert prévu le 3 décembre, toujours grâce à la GRF, au siège de l’Unesco, à Paris…
Elle a ce pouvoir de vous  faire oublier les futilités de la vie. Quand elle chante, vous vous dîtes que c’est là, la quintessence, voire le miracle de la vie. Non voyante de naissance mais ô combien de talent! Jane n’est pas autrement capable comme on a coutume de désigner les personnes handicapées, mais plus capable que bien d’autres personnes dites normales. On lui demande de nous interpréter un morceau, accompagné de son père au piano. Ce dernier lui demande: « Qu’est- ce qu’on fait? ». « Comme tu veux », lâche Jane, sereine. Et, dès qu’elle entend les premières notes jouées par son père, la jeune fille, qui était juste avant, toute guillerette et fort loquace, respire soudainement un grand coup, et adopte profondément le sérieux d’un adulte. Elle habite déjà la chanson. “The Prayer”, d’Andrea Bocelli et Céline Dion. Même si on l’avait déjà entendu chanter, la surprise se renouvelle quand cette voix grave émerge avec aisance de son jeune corps. La chair de poule nous monte jusqu’à la tête et nos yeux larmoient.
Enfant unique, Jane s’est initiée à la musique dès l’âge de cinq ans. « Quand on a su que Jane ne voyait pas, on a essayé au maximum de développer ses autres sens » racontent ses parents. Elle prend alors des cours de chant et de piano avec Dominique Tobie, au Music Lab, à Rose-Hill. « Son papa a eu la chance d’être musicien depuis son jeune âge. Le piano est sa passion. Autrefois, il jouait dans des hôtels » ajoute Françoise Constance, la mère.
Aujourd’hui, Jane a atteint le grade 4 (Royal School of Music) après avoir réussi son grade 3 (piano) avec mérite et grade 3 (chant) avec distinction. Tony, son père, précise avec fierté: « c’est la première et seule Mauricienne non voyante à avoir participé à un examen de la Royal School of Music selon le MES ». Jane, de renchérir: « lors d’un des examens, j’ai eu 30/30 en chant en interprétant “My House” du film Peter Pan. C’est rare que cette école vous donne une telle note ».
Après avoir fréquenté Lizie dan la Main au niveau primaire, Jane réussit son CPE avec 19 unités et parvient à intégrer un établissement normal, le collège Lorette de Curepipe. Elle est actuellement en Form III comme d’autres de son âge. L’adolescente se dit reconnaissante envers sa mère, enseignante en primaire, grâce à laquelle elle a pu garder le niveau côté études et envers son père, qui lui a transmis cette passion pour la musique.
Ambassadrice des enfants handicapés
Les connaissances techniques étaient là mais le talent de Jane se dévoile vraiment au cours du concert de Dave, en 2010. « J’avais 9 ans. J’étais pour la première fois sur une grande scène, au Swami Vivekananda à Pailles devant 6 500 personnes. J’avais chanté “Somewhere over a rainbow”. À la fin, j’ai eu droit à un “standing ovation”. J’étais invitée par Eric de Chasteauneuf des Enfants d’un Rêve, qui m’avait entendu chanter dans une fonction.  C’était une bonne expérience pour moi car j’ai rencontré des artistes. J’ai découvert un peu le milieu, les musiciens, j’étais en répétition avec eux ».
En avril 2014, Armoogum Parsuramen, ancien ministre de l’Éducation et président fondateur de la Global Rainbow Foundation (GRF), organise pour la jeune fille un concert de deux heures en solo au Conservatoire François Mitterrand. « C’était mon premier concert en solo, devant 300 personnes. Cela a été un jour magique! M. Parsuramen m’a découverte lorsque j’avais chanté pour la SICOM Foundation et il a voulu m’aider en organisant ce concert ». Parmi les morceaux qu’elle a interprétés lors de ce concert, figuraient une de ses propres compositions : “Never walk alone”, interprété avec sa cousine et “Je m’appelle Jane” qui parle de ses fans, de ses parents et de sa vie. Jane se dit également reconnaissante d’avoir reçu de la GRF un Eye-Pal solo, un scanner parlant, qui prend connaissance d’un écrit avant de le lire pour le non-voyant. « Cela m’aide à faire mes devoirs, à transcrire mes notes que je peux transférer sur un pen drive ». Jane a aussi été désignée ambassadrice des enfants handicapés par la GRF.
Quand on lui demande si cela n’est pas grisant pour une fille de son âge de monter sur scène?, Jane nous répond, avec maturité: « Vu que j’ai commencé dès petite, j’ai cette discipline dans ma tête ». Ses ambitions professionnelles: réussir brillamment ses études et être soit avocate pour défendre la cause des personnes handicapées soit psychologue. Et, bien sûr, devenir une grande chanteuse.
« J’ai crié,j’ai sauté de joie »
Mais, Jane ne fait que prendre l’ascenseur. Le 3 décembre prochain, Journée mondiale des Handicapés, elle sera à l’Unesco, Paris, pour assurer un concert. Grâce, une fois de plus, à l’ancien directeur de l’Unesco, M. Parsuramen. « Lorsqu’il m’a annoncé que j’allais à Paris, j’ai crié, j’ai sauté de joie. Je lui suis très reconnaissante car il réalise beaucoup des rêves des handicapés ». À Paris, Jane sera accompagnée d’une autre invitée d’Armoogum Parsuramen, une jeune chanteuse mal-voyante, Luan Pommier, de Guadeloupe.
Outre la musique, cette habitante de Rose-Belle pratique aussi la natation à Mahébourg, joue de la flûte et fait du roller. Si on la connaît plus pour le chant, Jane s’en sort très bien aussi au piano. Elle nous interprète volontiers La Peruanita, un morceau de grade 4 de la Royal School of Music, que nous prenons plaisir à apprécier. Son père signale toutefois une difficulté à laquelle il n’a pas trouvé de solution encore. « Quand Jane passera en grade 5, elle sera obligée de pratiquer la musique en braille. Mais, il n’y a pas de prof à Maurice pour la musique en braille même si son prof M. Tobie, l’aide beaucoup. On ne sait pas comment on va faire. Si seulement le gouvernement pouvait faire quelque chose en ce sens cela aurait aidé bien d’autres » dit-il.
Mais, Jane est prête à relever les défis. Déjà, elle passe une épreuve orale alors que celle-ci, moins évidente, est réservée aux élèves de grade 6. « En principe, en grade 4, l’élève doit lire une partition et jouer le morceau. Mais, vu que Jane ne peut lire, le prof joue et elle, d’oreille, doit reproduire le morceau. C’est plus difficile » fait voir Tony Constance. La courageuse jeune fille, a ce message aux personnes handicapées: « ils ne doivent pas baisser les bras. Il faut qu’ils foncent et persévèrent dans ce qu’ils aiment et vivre leur passion ». Avec un tel talent couplé à sa force de caractère, on ne peut qu’attendre de la voir monter encore plus haut. Et, peut-être, bientôt!

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