JEUNES & SEXUALITÉ : TiBaz, Danny Philippe (coordinateur), « Des jeunes de 13 à 15 ans déjà actifs sexuellement »

Structure unique en son genre, puisqu’elle est la seule à exister à ce jour dans le pays et à offrir l’écoute et l’information aux ados, principalement, TiBaz, l’antenne « Jeunes » de l’ONG LEAD, a marqué sa première année d’opération dans le courant de la semaine écoulée. Située dans le centre ville de Rose-Hill, à quelques pas de la gare routière, « véritable carrefour des jeunes de tout le pays », rappelle le coordinateur de TiBaz, Danny Philippe, cette structure accueille « de plus en plus de jeunes. Et ce qui est très frappant, c’est que la plupart des garçons et des filles de la tranche des 13 à 15 ans sont actifs sexuellement ». Pour le directeur de TiBaz, le psychologue Kunal Naïk, « nous sommes davantage inquiets car même si nous savons que les jeunes filles se munissent de préservatifs, nous ne pouvons être sûrs qu’elles se protègent… »
Dans un rapport publié il y a quelques mois, la Mauritius Family Planning Welfare Association (MFPWA) faisait part de ses inquiétudes quant au problème croissant de grossesses précoces chez nos adolescentes. Un argument qui revient sur l’échiquier avec ce constat inquiétant des travailleurs sociaux et animateurs en place chez TiBaz : « Nous avons de plus en plus de jeunes qui viennent vers nous, expliquent-ils. Outre l’inévitable question sur la contraception, une fois la glace brisée, bon nombre d’entre eux vont dans les détails et on comprend alors qu’ils ont déjà des rapports sexuels… »
Ces jeunes, avancent encore les animateurs de TiBaz, se retrouvent pour beaucoup dans la tranche des 13 à 15 ans. « Il n’y a pratiquement pas de distinction, ajoutent-ils. Les filles autant que les garçons sont concernés. » Autre particularité : « Cette attitude touche autant les jeunes scolarisés que ceux qui ne le sont pas. »
Pour rappel, TiBaz est la première et unique structure de l’île dédiée à ce jour aux ados, en leur dispensant écoute et informations sur la sexualité, les drogues, les maladies sexuellement transmissibles, entre autres. Il s’agit de l’antenne « Jeunes » de l’ONG LEAD, placée sous la responsabilité de Danny Philippe, qui oeuvre dans le pays contre la toxicomanie et d’autres problèmes d’ordre sociaux.
“Cassé” dans le vagin
« Certes, l’an dernier, à la mise en opération de TiBaz, reconnaît Danny Philippe, travailleur social et coordinateur de TiBaz, nos débuts ont été assez lents et timides. Ce qui était un peu normal, vu qu’on démarrait et qu’une telle structure n’est pas courante… Cependant, nous avons travaillé notre approche et plutôt que d’attendre que les jeunes viennent à nous, nous avons été vers eux ; notamment, en étant présents, physiquement, à la gare routière et à la place Jean Margéot, à Rose-Hill. » Il faut souligner, ajoute notre interlocuteur, que « cette gare, comparativement à celles des autres villes du pays, est un véritable carrefour des jeunes de toutes les régions de l’île ». Dans le même souffle, les membres de LEAD sont présents quasiment au quotidien sur le terrain ; animant des sessions de prévention et d’informations.
Autre fait constaté chez TiBaz : « Les très jeunes filles, âgées entre 13 et 14 ans, nous laissent comprendre qu’elles savent de manière générale ce qu’est la contraception. Mais se protègent-elles ? C’est une autre question… » Une question qui interpelle et inquiète Kunal Naïk, psychologue de formation et actuel directeur de TiBaz : « On apprend de certaines de ces filles qu’elles fréquentent les pharmacies et qu’elles prennent déjà des pilules contraceptives. Des fois, des comprimés classiques qu’on connaît généralement, mais parfois aussi des produits différents comme un certain comprimé qui est enfoncé dans le vagin et qui laisse échapper des éléments devant neutraliser les spermatozoïdes… »
Le directeur de TiBaz poursuit : « À notre niveau, on n’est pas toujours informé des médications et traitements dernier cri. On va alors s’informer afin de savoir ce qu’il en est, véritablement… » Ce qui inquiète aussi notre interlocuteur : « Même s’ils ont en leur possession des préservatifs, cela ne veut pas forcément dire que ces jeunes se protègent durant le rapport ! Nous avons nombre de jeunes qui nous témoignent que “mo konn li, sa dimounn-la, mo kone pena malad ek li… » Impliquant donc qu’ils peuvent faire l’amour avec cette personne, sans mettre de préservatifs. Mais une telle attitude ouvre les portes à une foule de risques… parce qu’on ne peut pas toujours se fier à ce que dit ou ce que l’on sait d’une personne. »
L’idée générale, reprennent Danny Philippe et Shanone Ittoo, Prevention Officer de TiBaz, « c’est de vulgariser l’information. Rien ne sert d’interdire. Les jeunes ne vont certainement pas obtempérer dès qu’on leur dit “Ne fais pas ceci”. Au contraire… Dès qu’il y a interdiction, ils vont chercher à “tester” l’interdit. » De ce fait, préconisent ces deux interlocuteurs, « mieux vaut les mettre en garde ! On leur explique ce qu’ils consomment et comment ces produits affectent leur métabolisme… Ce que ça va affecter, leurs organes, leur psychologie, leur libido… »
Stop à l’interdiction
Danny Philippe, qui compte des décennies de lutte contre les drogues, rappelle que « la “War on drugs”, engagée il y a 50 ans, n’a donné aucun résultat concret. La répression, on l’a constatée, n’a rien amené de positif. » Concédant que « bien entendu, moi aussi j’y ai cru à un certain moment, tout comme nombre de mes collègues travailleurs sociaux. Parce que nous n’avions d’autres options ! Cependant, nous nous sommes rendus compte, avec le temps, que cette alternative n’avait rien de positif et n’amenait aucun résultat concret. Depuis, on a changé notre fusil d’épaule… »
Qu’il s’agisse de sexualité ou de produits licites et illicites (drogues de synthèse dont Black Mamba, entre autres, mais aussi gandia, alcool, cigarette, Brown Sugar, Subutex…), TiBaz adopte une posture différente : « Nous ne voulons pas antagoniser les jeunes, curieux et en phase avec le développement de leur corps », résume S. Ittoo.
Plutôt que de courir le risque de perdre de vue ces jeunes, vulnérables et fragiles, estime le travailleur social, « nous préférons l’approche positive qui est de l’informer sur ce qu’il va prendre et comment cela va l’affecter. Il est alors en présence des risques qu’il prend et cela peut l’aider dans ses choix ».
Danny Philippe cite à cet effet un exemple. Lors d’une session de prévention dans une région de l’île, il évoquait les méfaits de la prise d’alcool. « Un homme est venu vers moi, par la suite. Il m’a expliqué qu’il comprenait mieux, après notre intervention, pourquoi il changeait de comportement envers les siens ; sa violence, ses accès de colère… » Kunal Naïk abonde dans le même sens : « J’ai rencontré un jeune qui mélangeait les produits et les substances ; prenant des comprimés sans savoir ce qu’ils contenaient. Puis, après nos explications, il m’a confié que désormais, il préférait fumer un joint et descendre un verre de vin, pour décompresser, mais avait arrêté les comprimés. »
Fort de cette première année auprès des jeunes, TiBaz espère améliorer ses prestations : « Nous adaptons nos services selon les attentes et les demandes des jeunes, explique K. Naïk. Nous pensons que c’est une manière de rester près d’eux et de leur offrir un service de qualité. »

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