JIOI 2019 : Les vrais vainqueurs

Les JIOI se terminent aujourd’hui après dix jours de compétitions intenses pour plusieurs centaines d’athlètes venus des quatre coins de l’océan. Des Jeux qui se terminent en apothéose pour l’équipe mauricienne remportant le titre pour la première fois depuis la création des Jeux il y a 40 ans, avec un total de 219 médailles, dont 92 dorées. Bien au-delà de tout cet or, une autre facette de ces Jeux l’emporte : celle de l’unité nationale et de stades entiers entonnant d’une même voix l’hymne nationale, celle d’une jeunesse conquérante porteuse d’espoir pour le sport mauricien et celle de la reconnaissance des handisportifs, ces surhommes qui, contre vents et marées, ont porté bien haut le drapeau mauricien.

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“Baré ala nou vini!”, “Alé Moris “, entend-on d’une seule et même voix depuis le début des Jeux. Un engouement palpable qui a su, au fi l des jours, des compétitions et des médailles, rallier la population mauricienne entière. L’on parle ainsi de l’émergence d’un nouveau type de “mauricianisme” qui s’assume et qui s’éloignerait d’une vision “diasporique de la nation.” Un phénomène sociétal que l’historien Jocelyn Chan Low et Olivier Précieux, enseignant de sociologie et étudiant en droit, tentent de décrypter.

Depuis dix jours déjà, l’excitation est dans l’air et “Allez Maurice!” est sur toutes les lèvres. Pluie battante ou pas, ils seront nombreux, de tous âges et de toutes communautés, à s’asseoir aujourd’hui sur le même banc, dans le même stade, les yeux rivés sur un même objectif : soutenir le club M. Un sursaut de patriotisme qui redonne le sourire, qui met du baume au cœur et qui surprend surtout, car le Mauricien s’est, au fi l du temps, un peu renfermé sur lui, se cachant pour certains derrière leurs écrans d’ordinateur pour glisser un commentaire haineux ou à caractère communal. Comment alors expliquer ce phénomène sociétal?

“Pour vous dire franchement, ce n’est que pour les Jeux de cette année que j’ai ressenti autant d’excitation et de ferveur. Je pense qu’avant, je n’avais pas vraiment le temps d’y penser. Cependant, les Mauriciens ont toujours été très démonstratifs lors des grands événements sportifs, car ils aiment le sport, surtout le foot. Maintenant, on est à une époque où les médias ont une place beaucoup plus importante qu’avant dans notre quotidien. On est donc constamment informés par ce qui se passe dans les stades, etc. Il y a plus de proximité avec les athlètes”, nous confi e Chandrowtee D., âgée de 66 ans.

“Panem et circenses”

Même son de cloche pour Léa S., 26 ans: “Les Jeux des îles ont su rapprocher les Mauriciens. Pour la première fois, je suis fi ère de dire que je suis Mauricienne. Depuis une semaine, on ne voit plus des commentaires à caractère raciste sur les réseaux sociaux pour critiquer untel ou untel. Le temps d’une semaine, on a su mettre nos différences de côté pour soutenir au mieux nos athlètes. Je dirai même que c’est touchant de voir toute l’île Maurice réunie. Comme quoi le sport peut rendre les gens heureux.”

Julio Mannoo a, lui aussi, suivi de très près ces Jeux. Content de l’engouement des Mauriciens, il reste néanmoins réaliste. Selon lui, après les Jeux, les choses retourneront à la normale. “Je pense que c’est super. Bien sûr, il y aura toujours des gens pour foutre la pagaille et qui remettront constamment en question le mauricianisme mais pour moi, il est évident que le sport rassemble. Même si après les Jeux, on le sait tous, que les choses retournent à la normale…”

En effet, le sport rassemble, et cela, depuis l’antiquité. C’est ce que nous explique Olivier Précieux, enseignant de sociologie et étudiant en droit. “Je suis ces Jeux avec ma famille depuis le commencement. Il faut dire que je suis un vrai fan. Ce subit élan de patriotisme est un phénomène extrêmement intéressant à observer et analyser. D’ailleurs, il existe une discipline de la sociologie du sport en France qui étudie cela. D’abord, il faut souligner que l’histoire du sport est liée à un fait sociétal et politique, et nous l’avons constaté à travers le monde, tels aux Jeux olympiques. Pour comprendre ce phénomène à Maurice, l’on ne peut se dissocier du monde. Donc, les Jeux ont toujours été un peu l’expression d’un peuple”, dit ce dernier, également auteur de Selling of Chagos Archipelago : a void contract ?

Manque de loisirs

Un peuple qui, selon lui, manque cruellement de loisirs et de détente. “Il y a un gros problème de divertissement et de détente à Maurice. La classe moyenne et l’Upper Class ont les moyens de s’offrir de la détente, mais quid de la classe ouvrière qui se contente de kermesses de plus en plus rares? Les Jeux permettent ainsi d’extérioriser cette frustration et de se défouler. C’est un fait, il n’y a qu’à voir qui remplissent les stades”, dit-il. Aussi, Olivier Précieux précise que “nous sommes en période post-électorale et il faut noter que l’Histoire se répète, car en 1985 pour les Jeux, le pape était aussi en visite. Bref, il y a la très célèbre expression romaine : Panem et circenses qui signifie Donnez-leur du pain et des Jeux et c’est un peu ce qu’il se passe actuellement. Avec les JIOI, le peuple s’endort et ne pense plus aux problèmes. Une société c’est comme une maison. Lorsque vous dépensez Rs 100 000 pour une fête alors que vous n’en avez que Rs 50 000, sur le moment tous vos invités seront contents et vont s’amuser mais au final, vous vous retrouvez avec une dette de Rs 50 000. C’est ce qu’il va se passer après les JIOII malheureusement. Telle est la réalité des choses.” Une réalité que la nation mauricienne oubliera le temps de savourer la victoire de l’équipe mauricienne, ce soir. Un grand moment de “mauricianisme” et de rassemblement qui donne un peu d’espoir…

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