Joanna Bérenger : « Mon nom a sûrement joué quelque part, mais j’ai fait mes preuves sur le terrain en tant que militante dans ma circonscription »

Coup d’essai, coup de maître. Joanna Bérenger fait son entrée au Parlement. Elle est, certes, fille de…, dit-elle, dans sa première interview à Week-End en tant que députée, mais sa place au Parlement elle l’a gagnée, principalement à force de travail sur le terrain et avec la reconnaissance de l’électorat qui l’a placée en tête de liste devant Nando Bodha.

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La campagne n’a pas toujours été simple dans son état, confie-t-elle, mais sa grossesse lui a donné l’énergie et encore plus de courage pour se battre pour l’avenir de tous les enfants de Maurice, pour qu’ils puissent avoir un avenir équitable. Quant à son rôle au Parlement, elle se dit déterminée à l’assumer avec brio, en faisant honneur à la gent féminine et restant digne dans son titre de députée, à l’écoute et représentante de la circonscription No 16 qui lui a accordé sa confiance.

Au lendemain des résultats, quel est votre sentiment ?
— Je suis très reconnaissante que les électeurs de la circonscription No 16 m’aient fait confiance et surtout qu’ils m’aient élue en tête de liste. J’accueille cela avec beaucoup d’humilité et en même temps j’ai envie de voir cela comme un espoir pour toutes les femmes qui veulent faire de la politique.

Vous êtes élue en tête alors que c’est votre première incursion dans une élection. Comment expliquez-vous cela ? Est-ce à cause de votre nom, Bérenger, ou parce que vous êtes Joanna?
— Il faut être honnête : je pense que oui, mon nom a sûrement joué quelque part, mais je pense aussi que j’ai fait mes preuves en tant que militante dans ma circonscription, dans ma régionale. J’ai su montrer aux militants qu’ils pouvaient me faire confiance et que je n’allais pas passer par l’imposte, comme on dit. J’ai suivi toutes les procédures recommandées par notre constitution : j’ai intégré la branche, ensuite la Régionale, puis j’ai posé ma candidature au Comité central, et avec eux j’ai fait mon chemin. Je pense qu’ils m’ont acceptée en tant que Joanna, une simple militante et non en tant que fille du leader. Cela fait aussi un moment que je suis sur le terrain. Je suis née à Vacoas, j’ai grandi à Vacoas, et j’ai intégré la Régionale du No 16 depuis 2010. J’ai travaillé pour les élections de 2010, j’ai travaillé pour les élections de 2014. J’ai travaillé pour toutes les élections municipales. Même si je n’avais pas été candidate, les gens me voyaient sur le terrain où j’ai continuellement été présente. Cela a joué beaucoup. Et outre les militants, les habitants de la circonscription ont appris à me connaître.

Au même moment, des ténors du MMM, tels que Ajay Gunness, votre colistier, Veda Baloomoody, Arianne Navarre Marie… ont mordu la poussière. Comment expliquez-vous cela ?
— Je ne sais pas quel a été le travail de terrain dans les autres circonscriptions. Chez nous, au No 16, nous avons été très réguliers. Il faut savoir respecter le choix des électeurs. Il faut savoir respecter le verdict des urnes. Nous l’acceptons, bien que ce soit un peu dur pour plusieurs d’entre nous.

Au même moment, ceux qui ont quitté le parti, à l’image de Ganoo, Ramano et Obeegadoo, sont, eux, élus. Les militants ont-ils lâché le MMM ?
— Je ne le pense pas. Au contraire, une grande partie de nos militants leur en veulent, parce qu’ils ont été infidèles aux valeurs prônées par le MMM depuis 50 ans, et n’ont pensé qu’à leur gain personnel, leur intérêt propre. Ce ne sont pas les valeurs que nous mettons en avant. Ils ont défendu des pratiques malsaines qui ont été faites depuis cinq ans. Ce ne sont pas eux qui représentent les militants. S’ils ont bénéficié de votes de sympathie, il y a eu beaucoup de choses qui ont joué dans ces élections, entre autres le Money Politics. C’est une pratique du MSM qui n’est pas celle du MMM et dont ils ont certainement bénéficié.

Comment considérez-vous la performance plutôt moyenne du MMM, surtout en milieu rural où le parti peine à atteindre 15 % ?
— Nous avons le système électoral que nous avons et qui ne nous a pas été avantageux, définitivement. Il ne faut pas oublier qu’ils gouverneront avec 37 % du soutien des Mauriciens. Ce n’est pas beaucoup. C’est très peu. Au MMM, nous nous battons pour changer ce système électoral depuis 1982 pour rétablir un équilibre entre le pourcentage obtenu et le nombre de sièges…

Que faut-il faire pour que le MMM retrouve ses heures de gloire ? Se repositionner et être plus convaincant vis-à-vis des électeurs ?
— Il n’y a pas de baguette magique. Le MMM a toujours su fonctionner dans le dialogue. Le fait qu’on ait choisi de briguer seuls les suffrages dans une alliance avec le peuple pour rester fidèles à nos principes et réaffirmer notre croyance dans l’importance de mettre en pratique ces valeurs que le MMM prône : la moralité, la compétence, l’honnêteté, la méritocratie… a déjà jeté les bases pour les élections prochaines. C’était pour garantir la pérennité du parti que nous avons fait ce choix, qui était un choix difficile. C’était un risque à prendre. On a eu des adversaires qui ont acheté nos militants. Il y a eu beaucoup de tentations à droite et à gauche et même de l’intérieur pour contracter des alliances. Si on a résisté, c’était pour jeter les bases pour l’avenir. Même si cela n’a pas marché maintenant, cela portera ses fruits aux prochaines élections. Le principal étant que même si nous n’avons pas gagné ces élections, le fait d’avoir redonné espoir aux Mauriciens qu’une politique propre, intègre et honnête puisse exister, et le fait d’avoir redonner confiance aux jeunes en nos politiciens, c’est déjà une grande victoire.

Quel type de députée comptez-vous être au Parlement ? Comme les chiffonniers classiques ou comptez-vous provoquer des débats plus constructifs ?
— Je vais essayer d’abord de donner priorité aux sujets qui me tiennent à coeur : la cause féminine, l’environnement et les jeunes. Et définitivement j’essayerai de faire honneur à cette belle institution qui est notre Parlement en ayant une attitude à la hauteur. Je vais aussi rester à l’écoute des habitants de la circonscription No 16 qui m’ont élue. Je suis consciente de la grosse responsabilité qui m’incombe en tant que députée et parlementaire. Je suis une représentante du peuple et je dois être à leur écoute, je dois faire part de leurs revendications.

Que pensez-vous de ces autres jeunes femmes qui, comme vous, feront leurs premières armes ?
— Je suis très heureuse et je les félicite. Le maximum de femmes que nous puissions avoir au Parlement est bénéfique à notre société en général. Au MMM, nous croyons que le progrès pour la Femme, c’est le progrès pour la société. La Femme est sous-représentée, sous-optimisée dans notre société et cela se reflète aussi dans le Parlement. Pourtant c’est au Parlement que nous pouvons avoir l’occasion de changer les règles établies principalement par les hommes depuis des années. Le plus de femmes que nous avons, le mieux ce sera. Mais il ne faut pas non plus minimiser l’importance de la qualité. Il faut faire honneur à la gent féminine et rester digne dans notre rôle de parlementaire.

A Maurice, tous les fils de… ont pris la succession de leur père comme leader — au PMSD, au PTr et au MSM. En sera-t-il de même même pour le leadership du MMM. A l’avenir, serez-vous la première fille de… leader mauve ? N’est-ce pas le souhait de vos électeurs qui vous ont propulsée devant un ministre tel que Nando Bodha ?
— Pour ce qui est de la structure interne du parti, ce sont les militants qui choisissent leur leader. Nous avons une structure bien définie, garantie par la Constitution du parti et qui atteste de notre démocratie aussi. La direction est ainsi élue par les militants et en temps et lieu les militants sauront choisir leur leader. Si c’est sur moi que se porte ce choix, j’assumerai la responsabilité et mon devoir de militante. Mais il y a plein d’autres personnes très compétentes à l’intérieur du parti qui ont l’étoffe d’être leader.

Enfin une question personnelle, ça fait comment de faire une campagne en étant enceinte ?
— Il faut reconnaître qu’il y a eu des moments plus difficiles que d’autres où la fatigue prend un peu le dessus. Mais dans ces moments, j’avais en pensée ces femmes qui doivent manz ar li et travailler avec une grossesse : ces femmes dan caro, ces femmes conductrices d’autobus, celles qui travaillent dans des bureaux, etc., et j’ai eu envie de leur rendre un grand hommage, car si c’est vrai que cela est difficile et que les femmes doivent faire le double des efforts par rapport à ce que font les hommes, parallèlement si la femme donne la vie pour garantir la pérennité de l’humanité, nous ne devons pas nous résumer à ça. Il ne faut pas que cela nous empêche de vivre non plus. Personnellement cette grossesse m’a donné une énergie et encore plus de courage pour me battre pour l’avenir de tous les enfants de Maurice, pour qu’ils puissent avoir un avenir équitable et militer pour sensibilisation des électeurs, des électrices pour une responsabilisation dans le choix des politiciens qu’ils font et qu’on puisse élire des politiciens intègres à la tête de notre pays et que nos enfants demain puissent avoir de bons exemples.

A quand le bébé ? L’emmènerez-vous au Parlement un jour ?
— Il est prévu pour janvier. Je ne sais pas vraiment comment cela va se passer. Mais j’espère que ce sera peut-être une réflexion à avoir dans le sens, par exemple, pourquoi ne pas permettre des crèches au Parlement. On nous dit nous voulons plus de femmes au Parlement, mais il faut créer les conditions nécessaires à cela. Pourquoi pas ?

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