JOURNÉE MONDIALE DE LA TÉLÉ: Coup d’oeil sur la télé privée de demain…

Elle est attendue. Elle fait son chemin. Elle arrive… La télévision privée mauricienne évoque, chez beaucoup d’entre nous, un symbole de liberté d’expression et de contre-pouvoir… Mais nos attentes quant à son rôle et son éventuelle efficacité ne seraient-elles pas trop grandes ?  Essayons, pour s’en défaire, d’imaginer ce à quoi ressemblera la télévision privée mauricienne.
On peut d’emblée affirmer, sans prendre de risques, qu’il y aura au moins deux types de chaînes de télévision privée.  D’abord, celles qui feront dans l’ultra sensationnalisme.  Notre presse n’a cessé de se pencher vers le côté obscur de la force ces dernières années.  Les faits divers sont traités de moins en moins décemment et font de plus en plus les Unes de journaux, pourtant pas spécialisés.  Et ce, dans le supposé but de plaire à un lectorat plus large.  Puis, il y aura sans doute des chaînes qui mimeront la télévision française. Ils sont plus nombreux que ce que l’on croit, les esprits colonisés pour qui la qualité, c’est l’Occident, l’Europe, la France. Et comme nous sommes beaucoup à être abonnés aux chaînes françaises via le satellite (faute de mieux mauricien), on n’aura pas trop de mal à nous faire avaler la soi-disant légitimité d’un éventuel copier-coller.
Contrairement à la situation actuelle dans laquelle se trouvent les radios privées, l’actionnariat des télés privées serait ouvert aux investisseurs étrangers.  D’ailleurs, certains auraient, paraît-il, déjà manifesté leur intérêt.  Cela devrait permettre d’avoir plus de sous et de ressources de manière générale afin de produire autre chose que des plateaux télé avec deux tabourets, un bouquet factice au milieu et un fond bleu, à être manipulé de manière numérique avec fort mauvais goût et maladresse.
Dans cet esprit, on peut concevoir l’évidence que la télévision privée nous proposera des émissions d’enquête.  L’idée ne saurait nous déplaire.  Au contraire, nous n’attendons que cela !  Mais si l’on tient compte du mécanisme prévalant dans nos médias actuellement, on a vite fait de réaliser que ces émissions risquent davantage de s’apparenter à des enquêtes sans fond, voyeuses, exploitant la détresse sociale et humaine dans l’unique but de super effets d’annonce.  Je m’explique. Notre presse écrite existe depuis des lustres et nos radios privées remontent à quelque dix ans.  S’il faut attendre la télévision pour que l’on se mette à l’investigation, c’est que vraiment, elle ne fait pas partie de notre culture journalistique.  Sincèrement, j’ai du mal à concevoir qu’une caméra soit plus discrète qu’un micro ou qu’un stylo pour enquêter.  Et donc, les deux seules raisons pour lesquelles on se mettra à l’investigation seront, comme expliqué plus haut, pour faire comme les autres et pour faire dans la sensation. On nous montrera des bidonvilles et on s’étonnera de la misère.  On nous fera voir les conditions dans lesquelles vivent les travailleurs étrangers et on s’en offusquera. Bref, un processus tout ce qu’il y a de plus superficiel et prévisible !
Au niveau de l’information, on imagine l’avènement éventuel de chaînes d’infos en continu, avec pour ambition de révolutionner la manière dont on fait et présente l’information.  Les changements que cela apportera sont, j’imagine, que nous verrons des vidéos macabres au dîner à la place des photos auxquelles certains d’entre nous s’habituent, que nous aurons des «breaking news» à chaque fois que gloussera un politicien ou encore que nous aurons droit à des entretiens à questions bateau à longueur de journée. En gros, de la forme et encore de la forme sans substance.
Le divertissement est un domaine où il y a, sans doute, une plus grande attente envers la télévision privée.  Autant on a accès à l’information à travers les journaux et les radios, autant le divertissement est, lui, quasi inexistant.  Je me permets un tel constat considérant personnellement qu’annoncer des disques et dire «dans la bonne humeur» à chaque fin de phrase ne consiste en rien à du divertissement.  On a droit à des sketchs plus ou moins (plutôt moins) réussis, aux concepts plus ou moins (plutôt plus) surannés ici et là.  On ajoute à cela les émissions de libre antenne de la nuit. Ça reste toujours loin d’être divertissant. C’est aussi dans ce domaine, qu’est le divertissement, que la télévision pourrait se donner les moyens de nous surprendre. Encore faudra-t-elle avoir l’audace de faire autre chose que du strict copier-coller ?
Tôt ou tard, la télévision privée fera bel et bien partie de notre paysage médiatique ; elle commence d’ailleurs à pointer le bout de son nez.  Loin de moi l’intention de lui souhaiter un mauvais sort, j’espère seulement avoir tort.  Car je crois fermement qu’il est possible, à Maurice, de produire du contenu de qualité et de mieux traiter l’information.  Il me semble juste que, pour l’instant, on est assez loin du compte.  Et avec la télévision privée, j’espère que, pour une fois, le meilleur du savoir-faire mauricien sera mis à contribution histoire de faire un produit de qualité orienté vers ceux qui le consomment plutôt que replié sur ceux qui le produisent…
En attendant, je vous souhaite une bonne journée de, ce qui pour nous, n’est encore qu’instrument de propagande politique et de lobotomie partisane !

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