JUSTICE – RETOMBÉES DU MEURTRE DE MICHAELA HARTE: Condamné, le directeur du Sunday Times fait appel

Imran Hosany, le directeur et rédacteur en chef de l’hebdomadaire Sunday Times, condamné cette semaine par la Cour intermédiaire à une amende de Rs 50 000 pour « outrage au public et à la moralité religieuse » à travers la publication de photos d’une personne décédée, fera appel de la décision de justice dans les prochains jours.
Le responsable du Sunday Times a, à cet effet, retenu les services de Me Prakash Ruchpaul. « À ce stade, je n’ai regardé que le jugement de la Senior Magistrate de la Cour intermédiaire. Ce jugement, à première vue, indique une présentation de l’accusation par la poursuite qui n’est pas celle habituelle, et cela ne me paraît pas être régulier. C’est, entre autres, ce que je vais démontrer au cours de l’appel », déclare Me Ruchpaul.
Imran Hosany était accusé par la police d’avoir, le 15 juillet 2012, délibérément et volontairement publié et vendu des photos de la scène du crime et du corps de la touriste irlandaise Michaela Harte, dans sa chambre de l’hôtel Legends (rebaptisé depuis Lux* Hotel Grand Gaube). Selon l’acte d’accusation, la publication de ces photos était de nature à causer outrage à la bonne morale (outrage against good morals) et constituait une infraction des Sections 206 (1) (a) (ii) et 208 du Code Criminel. Cet acte d’accusation a été soutenu par le Principal State Counsel, Me Medhi Manrakhan, assisté de l’inspecteur de police Sowaruth.
Hosany avait plaidé non coupable et, assisté de l’avocat Akil Bissessur, il a toujours nié « avoir commis un délit » et a maintenu qu’il « ne faisait que son travail de journaliste ».
Les photos publiées provenaient d’une série prise par les photographes de la police pour être déposées devant la Cour d’assises lors du procès intenté à deux employés de l’hôtel comparaissant sous des charges d’assassinat. Les deux accusés avaient été acquittés par la suite. Mais, sans que la police ne puisse expliquer comment le rédacteur en chef avait pu se les procurer, le journal les avait publiées accompagnées d’un article avec pour sous-titre « Qui a déchiré la jupe de Michaela Harte ? ».
Après avoir entendu le réquisitoire et la plaidoirie, la Senior Magistrate Wendy Rangan est arrivée à la conclusion que, « sans en aucun sens jouer au censeur, mon évaluation objective est que les photos publiées constituent un outrage à la dignité humaine et, en tant que tel, à la bonne morale ».
Mais que sont « la dignité humaine » et « la bonne morale » ? La Senior Magistrate a relevé qu’une des photos représentait la défunte Michaela Harte portant un bikini et allongée sur le sol. Une autre photo montrait trois-quarts du cadavre avec un bikini, et deux autres étaient des gros plans où l’on pouvait voir des marques sur le cou de la victime. La magistrate a retenu de l’Encyclopédie Dalloz « qu’il est traditionnellement admis que l’expression « contraire aux bonnes moeurs » doit être interprétée, de façon exclusive, comme s’appliquant à des faits de nature à exciter les passions d’ordre sexuelles… Cette opinion demeure contestable… La législation actuelle entend réprimer au-delà de l’atteinte à la pudeur individuelle et de la seule excitation sexuelle, toute corruption de l’esprit public. »
Selon la Cour intermédiaire, le rédacteur en chef du Sunday Times « ne pouvait pas ne pas prévoir le malaise que ces photos allaient causer auprès du public, mais il a choisi délibérément de faire du sensationnalisme ». En se fondant sur le jurisclasseur Protection des Droits de la personnalité – Conflits des Droits, la Cour a affirmé que « la dignité humaine de la personne est en cause lorsque la représentation d’une personne ou d’une scène possède un caractère accrocheur et qu’il apparaît que les professionnels ont privilégié l’intérêt morbide du public plutôt que le souci de l’information ».
Plus loin dans son jugement, la Senior Magistrate a trouvé que non seulement Michaela Harte n’était pas un personnage public qui méritait d’être ainsi exposé, mais également que la publication des photos prises d’elle le jour de son assassinat « n’était pas nécessaire pour la compréhension d’un événement public, d’un fait d’actualité où d’un débat général ».
La condamnation par la justice du directeur/rédacteur en chef du Sunday Times est sans précèdent dans les annales de la presse à Maurice. C’est pourquoi aussi, sans doute, il sera très intéressant de suivre de près sa contestation devant la Cour d’Appel.

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