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Kelly Wayne : Être libre dans l’univers

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Kelly Wayne : Être libre dans l’univers

Trente tableaux pour s’exposer à nouveau. Ce retour, Kelly Wayne l’effectue après sept ans au Mans, en France. L’artiste peintre propose une exploration romantique de l’univers. Libre dans l’espace comme dans la vie, la femme transsexuelle parle aussi de ses choix de vie.

Les étoiles, les constellations, les nuages cosmiques, les contours des lunes et les couleurs astrales sont prédominants dans les tableaux que s’apprête à dévoiler Kelly Wayne. Après les poses érotiques, les peintures réalistes, la nature et quelques autres thèmes exploités par cette spécialiste du trompe-l’œil, l’artiste voyage dans l’univers. Peut-être parce qu’elle s’imagine y voguer sans amarre au gré des vents solaires pour une exploration sans destination vers de nouvelles découvertes. “Je me sens un peu comme dans l’univers : je ne m’impose aucune limite. En peinture, je ne m’arrête pas à un style. J’explore toujours de nouvelles possibilités. Je ne m’arrête jamais d’apprendre pour pouvoir essayer autre chose et changer”, nous confie-t-elle au téléphone du Mans, en France, où son exposition est prévue du 26 octobre au 5 novembre.

Le changement ne lui fait pas peur : nouvelle approche artistique, nouvelle ville d’adoption, nouveau pays depuis sept ans, son nouveau genre. Elle en parle aussi sans hésitation et sans tabou. Femme transsexuelle qui s’assume entièrement, elle veut rapidement rentrer à Maurice pour que l’État civil lui reconnaisse son nouveau statut de femme, après l’opération et les traitements qui lui ont enfin permis de se réconcilier avec son corps.

La folle aventure française.

Cela se passera à l’hôtel Ibis, 39 boulevard Robert Jarry au Mans, “dans la ville des 24-heures”, précise-t-elle, en référence à la célèbre course automobile considérée comme une des trois plus prestigieuses au monde. Kelly Wayne exposera trente tableaux dans l’établissement hôtelier où elle travaille depuis qu’elle s’est installée dans cette ville. Quand son directeur a appris qu’elle était à la recherche d’une galerie, il a voulu qu’elle accroche ses dernières créations dans l’établissement. Une vraie aubaine pour la Mauricienne, qui a compris à quel point l’administration pouvait être exigeante envers les artistes afin que ces derniers soient en conformité et que leurs droits soient respectés.

Kelly Wayne a procédé à une sélection dans la petite collection de tableaux qu’elle s’est constituée depuis qu’elle a décidé de “tenter la folle aventure de vivre en France”, en 2013. Depuis qu’elle s’y est remise, la peinture a occupé une grande partie de son temps. Elle a aussi passé beaucoup de temps à voyager en France, dont elle a exploré les nombreux coins et recoins. Elle a fini par trouver du charme au Mans. Son travail de début de soirée à l’hôtel lui laisse de l’espace pour qu’elle travaille en boîte de nuit le soir. La journée est principalement dédiée à la peinture.

Briser les tabous.

À Maurice, Kelly Wayne s’était démarquée de plusieurs façons. D’abord sa manière d’assumer sa personnalité en brisant les tabous. Dès l’enfance, elle avait compris son dilemme. Son corps de petit garçon était en inadéquation avec ce qu’elle ressentait. Elle avait cinq ans lorsqu’elle commença à se sentir davantage fille et à s’assumer en tant que telle. Les hormones prises à l’adolescence lui avaient apporté d’autres attributs physiques, et ce ne sont pas les quelques remarques lancées par des intolérants qui l’auraient empêchée de sortir maquillée et dans les belles tenues féminines qu’elle affectionne tant. “De manière générale, j’ai toujours été bien encadrée. Je dois dire que les choses ne se sont pas mal passées pour moi. Je n’ai pas été confrontée à l’intolérance tel qu’on le voit ailleurs. Il y a eu certes quelques cons qui ont trouvé à redire. Mais des cons, on peut passer dessus. Comme je n’ai jamais eu la langue dans ma poche, je ne me suis jamais laissé faire.”

L’autre particularité de Kelly Wayne est ce don naturel pour le dessin et la peinture, qu’elle a découvert durant la même période. Au fil des années, le style de l’autodidacte s’est affiné. Des coups de pinceaux sûrs, un souci du détail pointu et une imagination voguant par-delà les barrières. Avec six expositions à Maurice, de 2002 à 2007, Kelly Wayne n’a jamais pu être freinée dans ses ambitions. Elle avait aussi ouvert sa propre galerie dans le Nord, après avoir orné plusieurs commerces de ses grands dessins en trompe-l’œil. Des dessins d’un réalisme rare, qui font voir des paysages réalistes ou abstraits dans des murs, ou qui imitent la pierre, le bois et d’autres matériaux à travers la peinture. Certaines de ses créations sont restées intactes jusqu’ici.

Trompe-l’œil.

Le 12 avril 2012, Kelly Wayne est passée en salle d’opération en France. En amont, quelques rencontres avec les médecins pour la préparer à cette délicate intervention. L’un d’eux l’avait mise en garde que le pire serait la mort : “Je lui avais répondu que cela ne pouvait être pire que de continuer à rester dans ce corps.” Douze heures plus tard, un de ses plus vieux rêves s’était réalisé. Elle était entièrement femme. “Je m’étais tellement concentrée dessus que je n’avais plus d’objectif. Je me sentais perdue. J’avais besoin de m’imposer un nouveau défi. C’est alors que j’ai pris la décision de partir pour la France et de tout reprendre à zéro.”

Au Mans, le trompe-l’œil réalisé pour un café lui a permis d’acquérir une certaine notoriété. L’exposition à l’hôtel Ibis du Mans sera une occasion de mieux communiquer avec le public et de se faire entendre. L’autre étape pour Kelly Wayne sera de revenir présenter une exposition à Maurice…