KUNAL NAÏK (CUT) : Pour des politiques alternatives axées sur les droits humains et la santé publique

“Soutenir. Pas punir.” Tel est le slogan adopté par le Collectif Urgence Toxida (CUT). Kunal Naïk, Advocacy Coordinator à CUT, estime qu’il existe des alternatives aux politiques de répression. Il rappelle que « durant les dernières années, de nombreux pays ont pris leur distance par rapport à l’échec, la dure approche adoptée dans la lutte contre la drogue, pour se tourner davantage vers des politiques axées sur les droits humains et la santé publique. L’approche répressive représente une perte massive d’argent et a causé plus de mal que de bien ». Il expose quelques exemples de pays ayant changé d’approche.
« Je pense que les drogues ont détruit bien des vies, mais de mauvaises politiques gouvernementales en ont détruit bien plus. Un casier judiciaire pour un jeune suite à un délit mineur de drogue peut être une plus grande menace pour son bien-être qu’un recours occasionnel à la drogue ». Citation de l’ancien directeur de l’ONU Kofi Annan, lors de l’Assemblée générale de l’OMS en mai 2015, et qui trouve toute sa pertinence aux yeux de Kunal Naïk. Selon lui, si Maurice a souvent été prise pour exemple par l’UNAIDS car elle était le premier pays dans la région africaine à introduire les Harm Reduction Strategies and Programmes, elle a par contre adopté une approche répressive en matière de drogue.
Pour Kunal Naïk, il est important que les Mauriciens prennent connaissance des approches alternatives adoptées dans d’autres pays ainsi que leurs résultats après des années. Prenant l’exemple du Portugal, il rappelle qu’un comité, mis en place en 1998 et constitué d’avocats, de médecins, de psychologues et de travailleurs sociaux, a recommandé la décriminalisation de l’utilisation et de la possession de tous types de drogues. La loi dans le pays a été amendée en 2001 en vue de la concrétisation de ces recommandations. La même année, un salaire de base a été instauré et le budget social revu à la hausse.
Grâce à ces changements observés entre 2001 et 2015, relève Kunal Naïk, « moins de personnes sont allées en prison et plus de toxicomanes se sont fait traiter pour stopper leur dépendance. Il y avait aussi plus d’argent à consacrer à la santé, la police s’est focalisée sur des crimes plus graves et plus violents, il y a moins de stigmatisation et de discrimination envers les personnes dépendantes alors que les consommateurs de drogues ont eu plus d’accès aux traitements pour le VIH et l’hépatite. » « Par ailleurs, la relation entre la police et les toxicomanes s’est améliorée. Le taux de consommation de drogues parmi les jeunes de 15 à 24 ans a diminué. Le taux de consommation est moins élevé que ceux des autres pays d’Europe. »
S’agissant de la Jamaïque, qui a tenté de décriminaliser le gandia depuis 1977, poursuit Kunal Naïk, la loi a été amendée en 2015. « Ceux trouvés avec 56,7 g de gandia ne seront pas arrêtés mais auront seulement une amende de Rs 142 environ. Idem, s’ils fument en public. Ceux ayant moins de 18 ans sont référés à des sessions de “counselling”. Certains cas sont exemptés de la loi, comme les rastas, la consommation médicale du cannabis et l’utilisation à des fins de recherches. Cette loi autorise cinq plantes par maison et une Cannabis Licensing Authority a été mis en place en avril 2016 pour contrôler la culture du cannabis à des fins thérapeutiques et scientifiques. » Les résultats de cette nouvelle loi : les délits ont baissé par plus de 1 000 cas par jour.
En Nouvelle-Zélande, « le ministre de la Santé a décidé de mettre un terme à la criminalisation des “Psychoactive substance” en vue de réduire les risques liés à leur consommation.” L’âge des consommateurs est contrôlé de même que pour ceux qui les vendent et des messages de mise en garde figurent sur tous les produits. « Quand cette loi est entrée en vigueur, 75 % des produits ont cessé d’être vendus et le nombre de lieux où ils étaient vendus a diminué de 90 % ».
En Suisse, on a mis sur pied des safe injecting rooms depuis 1986. En 1994, on a appliqué la méthode Prevention, Treatment and Harm Reduction. En 2013, il y a eu un amendement de la loi concernant le cannabis : une personne trouvée avec 10 g de cannabis reçoit une amende administrative de USD 100. Ceux de moins de 18 ans sont poursuivis sous la loi pénale pour les jeunes. Les effets de ces prises de décision dans le pays sont multiples. Alors qu’en 1985, 68 % de personnes qui s’injectaient étaient contaminées par le VIH, en 2009, seuls 5 % en étaient touchés. « Ceux qui ne travaillaient plus ont recommencé à travailler. Un tiers de ceux qui recevaient de l’argent de l’État ont commencé à travailler et n’ont plus besoin de cette allocation. Environ 94,7 % de ceux qui vendaient de la drogue ont cessé de le faire ».
CUT recommande que le gouvernement mauricien développe des politiques et stratégies axées sur des bienfaits à long terme. Qui, par ailleurs, sont basées sur une évaluation objective des priorités et fondées sur des preuves, tenant en compte le taux de réduction de consommation de drogues suite à l’approche répressive. « Ces stratégies doivent être conformes aux normes internationales et axées sur la santé publique tout en étant basées sur les principes de l’inclusion sociale ». L’ONG prône ainsi la mise sur pied d’un panel d’experts : psychologues, médecins, avocats, travailleurs sociaux pour évaluer l’efficacité des politiques actuelles.

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