À L’HEURE DE LA REPRISE : Flots de tristesse

Impossible de rester insensible face à ce drame. Bouquets en main, larmes aux yeux… Le mardi 2 avril, ils étaient nombreux à être venus rendre hommage aux six victimes du tunnel sud du Caudan. Après un jour de deuil national, les activités reprennent, mais les souvenirs remontent à la surface.
Le Caudan Waterfront n’est plus ce qu’il était. La reprise ici est empreinte d’émotions alors que les employés attachés à la maintenance réparent les dégâts causés par la montée des eaux du samedi 30 mars. La tristesse est vive. Ceux qui travaillent ici connaissaient presque tous les victimes qui sont mortes dans le tunnel sud, qui reste fermé, alors que les officiers de la SMF aident au déblayage. Sous une marquise, des fleurs, des bougies et des photos des six victimes. À différents moments, ceux qui les ont connus viennent se recueillir un instant ou déposer un bouquet. Les seuls gestes qu’ils peuvent encore faire puisque tous restent impuissants devant le désastre.
Les amis et collègues de certaines des victimes nous confient qu’il leur est difficile de travailler. C’est pourquoi ils ont choisi de rester dehors pour discuter entre eux, comme pour tenter d’extirper le mauvais souvenir et cette impression que “cela aurait pu arriver à n’importe lequel d’entre nous. Même maintenant le drame peut frapper n’importe qui s’il se remet à pleuvoir comme samedi dernier”, confie une des personnes présentes. L’angoisse est vive.
Belinda et Brinda, employées du Service 2000, qui papotent à l’heure du déjeuner, décrivent ce samedi noir comme un événement traumatisant. Dans le bâtiment Dias Pier II, qui se situe juste à la sortie du tunnel sud, les séquelles sont encore vives. Certains magasins ne peuvent ouvrir leurs portes, alors que d’autres commerçants s’activent pour nettoyer la boue accumulée afin d’accueillir les premiers clients. Sharemeen, responsable d’un magasin de vêtements pour enfants, confie : “Pour nous, la reprise, c’est depuis dimanche. Ce n’est pas évident ; tous les meubles et certains vêtements ont été abîmés par l’eau et la boue.” Elle est furieuse contre le service météorologique. Elle n’est pas la seule. À la gare Victoria, un membre d’un groupe d’éboueurs n’hésite pas à manifester sa colère : “Se bann dimounn ki travay dan meteo lamem ki bann premie koupab.”
“Rekoumans tou a zero”.
Alors que certains cherchent à qui incombe la faute, d’autres n’ont même pas le temps d’y penser. Valindi est l’une des rescapées du drame de samedi. Gérante de la Newton Boutik, qui se situe dans le tunnel nord du Caudan, elle est effondrée. Les souvenirs de ce jour calamiteux sont toujours vifs. Elle ne peut retenir ses larmes. “Inkrwayab seki inn arive. An apenn de-minit, dilo inn monte dan tinel. Dan sa ler la, mo inn mazinn mo tifi sink-an. Rezman mo bolom avek mwa nounn resi sorti. Aster la, nou bizin rekoumans tou a zero. Pa res nanyer dan nou laboutik.”
Valindi est saine et sauve, mais elle ne peut s’empêcher de penser à ses confrères du tunnel sud qui ont péri. Jeff et sa mère Sylvia Wright, ainsi que les quatre autres morts, sont ancrés dans les esprits de tous ceux qui travaillent au Caudan. En ce jour de reprise, ils essaient de se remémorer les derniers mots échangés avec les victimes. La plupart des employés passaient devant les tenanciers des tabagies chaque jour et inévitablement des relations s’étaient nouées.
Derniers mots.
Nathalie, responsable d’un magasin situé non loin de ce fameux tunnel, est également bouleversée par ces événements. “Jeff et sa mère étaient très connus. Il n’y a pas un jour où je ne me rendais à leur boutique. Pour moi, ceux qui sont à blâmer sont les responsables du Caudan Waterfront. Normalement, un membre de la sécurité est censé être en permanence dans ce tunnel. Pourquoi n’y avait-il personne ? C’est de la négligence”, affirme-t-elle.
Dans l’agence de voyages Skyline, le gérant ne sait plus à quel saint se vouer. Il ne reste plus rien de ce bureau. Le parquet est complètement abîmé et les ordinateurs ont pris l’eau. Mais ce n’est pas cela qui le préoccupe : “Même si nos bureaux ne sont plus opérationnels, il ne faut pas oublier que des personnes sont mortes. Je me souviens encore des derniers mots que j’ai échangés avec Jeff, en allant valider mon ticket de loto. Monn dir li, fer enn manier mo gagn sa”, nous dit-il, comme un dernier hommage au jeune homme de dix-huit ans qui a laissé sa vie dans le tunnel du Caudan.

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