L’impossible en poudre

Selon l’autre porte-parole du PTr, au cours de la conférence retransmise par la MBC-TV le soir du samedi 15 février, l’Opposition devrait présenter ses excuses aux Indiens garantissant l’existence d’une machine de vote électronique infaillible. A mon avis, c’est plutôt aux fabricants indiens et au PTr de faire des excuses à l’ensemble de la population, pour avoir essayé de nous mener dans un bateau encore plus aléatoire que les rafiots des chercheurs d’asile à Lampedusa.
Ce que je sais, c’est que, PAR PRINCIPE, une telle machine NE PEUT PAS exister. Oui, par principe, toute invention humaine est susceptible d’être modifiée, falsifiée ou trafiquée par l’inventeur lui-même, ou un autre humain. Sans doute, dans le deuxième cas, cela prendra un peu plus de temps, mais ce n’est qu’une question de temps. Même une « vérité » dite scientifique ne résiste pas au temps, car elle n’est qu’une approximation de l’esprit humain à la réalité qui, elle, est insaisissable.
Alors, pourquoi y a-t-il des gens, censés être intelligents, qui nous débitent de telles salades ? C’est qu’il y a une confusion de langage. Les mots ne disent pas exactement ce qu’ils devraient dire. Il y a quelques années, lorsque j’étais à La Réunion, j’avais donné des consignes à la cuisinière de ne jamais mettre ni piment ni poivre dans ma nourriture, car j’ai une allergie à ces épices que mes papilles gustatives apprécient pourtant.
Bien entendu, un beau jour, je mange et appelle illico la cuisinière pour lui demander le pourquoi de sa transgression, car il y avait, sans aucun doute possible, du piment et du poivre dans ma nourriture devenue poison pour moi. Elle insistait sur le fait qu’il n’y en avait pas. Plusieurs fois. A la fin, elle finit par admettre : « Il n’y en a pas, enfin, très peu… »
La même confusion existe probablement dans le cas de notre fameuse machine infaillible. De machine infaillible, point, même en allant vers le futur. Éventuellement, une machine difficilement falsifiable. Mais falsifiable quand même. La différence est là. Et elle est de taille.
Ce n’est pas parce que l’on a essayé quinze mille sept cent quatre-vingt-deux fois, et qu’à chaque fois, le résultat est satisfaisant que la machine accède à l’infaillibilité. L’avoir essayé tant de fois ne prouve qu’une chose : La machine a fonctionné correctement tant de fois. RIEN DE PLUS. Il n’y a AUCUNE garantie que CHAQUE fois, la machine va encore fonctionner correctement.
Prenons une analogie : ce n’est pas parce qu’un ivrogne a conduit sa voiture en état d’ébriété pendant des années sans faire d’accident qu’il prouve que l’absorption d’alcool est compatible avec une bonne conduite dans l’absolu. Cela ne prouve qu’une chose : CE chauffard a eu de la chance, et il a pu conduire sa voiture sans faire d’accident pendant ce temps. Même un bon chauffeur ne peut, en raison de sa conduite impeccable, « prouver » qu’il n’aura jamais un accident.
Les inventions électroniques sont sans doute très utiles dans de nombreux domaines de la vie de tous les jours, je n’en disconviens pas. Cependant, une chose est de les utiliser et une autre de leur faire une confiance AVEUGLE.
Il y a quelque temps, certaines banques se vantaient d’avoir la carte bancaire non-falsifiable. Il leur a bien fallu mettre des litres d’eau dans leur petit verre de vin par la suite. Non seulement elles ont reconnu que ces cartes étaient à l’évidence bel et bien falsifiables, mais elles ont renoncé à tout jamais à cette prétention, concentrant leurs efforts plutôt dans la traque des auteurs du délit.
Et voici que, plus fort que toutes les banques du monde entier, le PTr nous ressert cette salade trop vinaigrée de l’avant-veille. Il est vrai que l’Opposition d’aujourd’hui avait été plutôt pour, en ces temps-là. Pour ma part, en tant que rédacteur-en-chef de La Vie Catholique à ce moment-là, j’avais déjà fait part de mes convictions, étayées par les raisonnements susmentionnés, devant un panel dont faisait partie l’honorable Madan Dulloo.
Mais quelle qu’ait été la position de l’Opposition d’aujourd’hui à cette époque, ce n’est certainement pas une raison pour continuer dans l’erreur, puisque erreur il y a. A moins de nous ressasser la rengaine « Ils l’ont fait, pourquoi pas nous ? » Alors à qui profite l’erreur, pour ne pas dire le crime, puisque crime il y a, les résultats des élections ne pouvant plus faire l’objet de la moindre contestation ?
On peut d’emblée dire qu’elles ne profitent pas au pays. Il n’y a aucun avantage pour notre petit pays à gagner quelques heures dans la vitesse de la proclamation des résultats. D’ailleurs, dans des pays plus grands, comme la France ou l’Allemagne, sans machine à voter, les résultats sont connus le soir même des élections.
Le pays aura dépensé des millions (j’oublie sans doute quelques zéros dans mon chiffrage) au mieux pour un gadget d’enfant riche gâté, au pire pour une falsification possible et non vérifiable des élections. Sans doute y a-t-il certains qui profiteront de la vente et de l’achat de ces machines inutiles. Mais là, à part les fabricants de ces babioles, il ne nous est pas possible d’en dire plus.
Il y a quand même un point positif dans toute cette comédie de 5ème catégorie : si nos décideurs sont vraiment si naïfs, je me propose de leur vendre de l’eau infalsifiable en poudre. L’eau en poudre est très utile pendant les cyclones, car elle occupe un volume très réduit, presque rien du tout, et peut se stocker facilement. Elle ne craint pas les effets du temps, ne se corrompt pas.
Comme pour les autres produits en poudre (lait, café, thé, etc.) vous n’avez qu’à faire les opérations suivantes :
1)     Rajouter de l’eau en quantité désirée
2)     Touiller bien vigoureusement, et vous aurez le produit désiré…
La morale de cette chronique : La machine « foolproof » ne prouve qu’une chose. Il y a bien un imbécile quelque part. Que personne ne se sente visé, et surtout, que personne n’y voie rouge…

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