La bêtise durable

Il est bon de voir son pays se mettre au diapason mondial surtout lorsque de telles intentions sont destinées à apporter de nouvelles teintes aux institutions de celui-ci. En effet, la vague influente ou dira-t-on la mode qu’est devenu le concept du développement durable n’a pas épargné l’Île Maurice dans son éboulement. A l’instar de la campagne Maurice Île Durable (MID), le pays a lui aussi opté pour ce concept qui a pour but, entre autres, d’inculquer une nouvelle forme de sensibilisation d’ordre environnemental et social à la société mauricienne.
Le choix tendance du thème du 44e anniversaire de l’indépendance, notamment, « Maurice République Durable » n’était en aucun cas l’objet d’un pur hasard. Cette stratégie socio-économique est bel et bien bichonnée par nos dirigeants et ce, à titre légitime. Le durable, par définition, est porteur d’espoir et d’optimisme. Ce terme suggère que toutes les actions et décisions dans les domaines concernés à venir vaudront désormais la peine puisque celles-ci auront des répercussions fiables dans le long terme. Il requiert également une prise au sérieux des actions dans le présent puisqu’elles découleront de réflexions préalables, ne laisseront aucune place à la procrastination et annihileront au berceau toute tentative d’injection d’actions à effet négatif ou placebo dans les veines de notre société. Du moins, a priori.
 En tant que citoyenne, je salue vivement, les propos d’Osman Mohamed, président du comité Maurice Ile Durable, qui lors du dévoilement du logo de la fête nationale, cette année, a souligné un ‘caveat’ non-négligeable. Selon le Président du comité MID, l’optimisme incarné par la prise de conscience au niveau des cinq E du concept (Éducation, Emploi, Énergie, Environnement et Equité) ne peut jouir de sa raison d’être sans « un changement de mentalité » (L’express, 3 février 2012). Si besoin est ici de personnifier le pays, ne dirions-nous pas qu’il est plus probable de trouver un esprit sain dans un corps sain ?
Malheureusement, il se peut que prendre conscience soit une chose alors qu’agir en conséquence ou agir tout court en soit une autre. Ce projet risque de demeurer à l’état foetal dans l’esprit de la population locale si après 44 ans, le pays continue à faire de gros pas mentaux en arrière pour chaque pas novateur. Lorsqu’on parle de pays, il est entendu que celui-ci est composé et d’une population et d’un groupe de dirigeants. Le changement de mentalité, s’il doit s’opérer, doit concerner les deux composants inextricables de façon simultanée. On peut espérer alors qu’un tel effort venant du groupe de dirigeants puisse dissoudre le cynisme collectif qui anime une population constamment déçue par ce dernier. Les bourdes recensées de nos politiciens, comme le démontrent la panoplie de scandales, les multiples accusations de barbaries ayant trait à la corruption ainsi que les lacunes du système juridique local comme celle pointée du doigt à travers l’affaire Harte laissent tristement penser qu’une chose hors du concept ne cesse de se développer et de perdurer : la bêtise. Aussi optimiste que l’on puisse être, il est difficile de penser que le pays connaîtra des bienfaits durables tant que les méfaits presque normalisés ne commenceront pas à s’effriter. Même si des projets physiques liés à l’énergie et l’environnement sont peut-être plus faciles à réaliser et à identifier sous forme d’infrastructure tangible, c’est la subtilité inhérente des autres E et le double-effort nécessaire pour les développer qui inquiètent davantage ici. Serait-il temps de greffer un nouvel E au projet gouvernemental afin que ce noble concept virtuel qu’est le développement durable à l’Île Maurice devienne réel dans son intégralité ? Je propose E comme Éveil…

- Publicité -
EN CONTINU

l'édition du jour

- Publicité -