La catastrophe inévitable

La réunion des ministres des finances du G20 qui s’est tenue à Washington le vendredi 19 avril dernier a donné lieu à un communiqué annonçant la demande à l’OCDE d’activer le processus menant à la fin du secret bancaire. La Commission européenne estime pour sa part que 1 000 milliards d’euros échappent chaque année aux fiscs européens. La messe est dite : le début de la fin des paradis fiscaux est pour bientôt, et bien plus tôt que l’imprévoyante inconscience des institutions mauriciennes n’aura permis d’envisager les alternatives.
Les États européens mettront au ban les paradis fiscaux en interdisant toute transaction financière avec eux. Ils parviendront à obliger les particuliers et les multinationales à rapatrier les avoirs qu’ils y possèdent. Les multinationales ne paient presque pas d’impôts dans leur pays d’origine. Utilisant leurs réseaux mondiaux, ils manipulent les prix de transferts de biens et de services et localisent ainsi l’essentiel de leurs profits dans des États où la fiscalité leur est favorable. Maurice en fait partie. Trêve de balivernes : le discours qui consiste à présenter le pays comme un « État qui offre des services financiers » est le même dans tous les paradis fiscaux.
Au fur et à mesure, les gouvernements européens commencent à sentir la pression des organisations citoyennes pour qu’ils se montrent plus résolus dans la lutte, non seulement contre l’évasion fiscale, mais surtout pour éradiquer les paradis fiscaux. Les revendications populaires pour s’opposer à la politique d’austérité imposée par la Banque Centrale Européenne en Europe se multiplient. La pression sur les gouvernements européens devient déjà intenable : la rue leur demande de remettre sous le régime du droit commun les riches et les grandes entreprises qui ont profité du néolibéralisme.
Les revendications dans les différents États de l’UE vont très loin. Si les règles souhaitées se résument généralement à l’imposition d’une plus grande transparence des activités, elles se déclinent cependant de manière très précise. Il est question de l’obligation de publier les prix de transfert, les profits et les impôts payés par pays par les banques et les transnationales. Il est aussi question d’inclure les activités des chambres de compensation, l’identification automatique des titulaires et des montants des fortunes offshore ainsi que des sociétés écrans.
“Services financiers”
On aura ainsi noté les propositions de transparence énoncées par François Hollande, en l’occurrence une comptabilité par pays et l’échange automatique d’informations bancaires. Le président français n’invente pas la roue : il a dû se soumettre aux revendications croissantes – on en a vu le pic avec la manifestation de Mélenchon à Paris – de ceux opposés à la poursuite des politiques de restriction budgétaire. Il ne sera pas le seul à s’y soumettre. Dans presque tous les États européens, la mobilisation contre les politiques d’austérité gagne du terrain. Ces mouvements sont de plus en plus nombreux et audibles en Europe. Pour eux, l’équation est vite faite : 1 000 milliards d’Euros, c’est 7 % du PIB de l’UE. De nombreux économistes européens avancent même aujourd’hui que l’équilibre budgétaire des États nationaux serait rétabli rien qu’en récupérant la moitié des montants placés dans les paradis fiscaux !
Les gouvernements des États européens iront, en ordre dispersé ou ensemble, vers cette politique qui consiste à prendre l’argent là où il se trouve. Comment, et pourquoi, en effet, s’opposer au bon sens qui leur permettrait d’équilibrer leurs budgets, sans sacrifier les retraites, les emplois publics ou les investissements écologiques d’avenir ?
A Maurice, la cloche annonçant la fin de la récréation a sonné depuis un certain temps déjà. Le secteur de l’immobilier a bien enregistré une stagnation des ventes des projets IRS et ERS. Dans deux mois l’OCDE devrait être en mesure d’activer le mécanisme de révision qui consiste en somme à harmoniser les textes de loi pour tenir compte de l’ensemble des opérations qui ont jusqu’ici permis de recourir aux « services financiers » qu’offrent les paradis fiscaux. Et là, malgré les hausses constantes enregistrées par le secteur financier mauricien (5,6% en 2011 et 5,7% en 2012), les services fiduciaires vont piquer du nez. Car, il faut savoir que les conséquences à des mesures défavorables dans ce secteur sont inévitablement dévastatrices. Kamal Taposeea, professionnel averti qui prônait une approche décomplexée pour l’offshore mauricien, connaît très bien la Belgique pour savoir ce qui s’y est produit durant le dernier trimestre 2012 : pour avoir baissé les déductions de 0,3% sur les intérêts fictifs, (de 3% en 2011 à 2,7 l’année dernière), le montant qui a quitté ce territoire entre octobre et décembre 2012 s’élève… à 45 milliards d’Euros !
Même en traînant les pieds, l’OCDE mettra tout au plus deux ans pour parvenir à l’harmonisation des législations. Un temps insuffisant pour que Maurice puisse dégager des alternatives. La relance dans les quelques secteurs qui bénéficient de la faible reprise de l’économie mondiale est, et sera encore, bien insuffisante pour absorber le choc d’une déroute du secteur financier dont le poids dans l’économie nationale avoisine celui du secteur manufacturier. En somme, c’est une météorite qui va s’écraser dans le ciel économique mauricien.

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