LA DÉMOCRATIE, LE CABINET MINISTÉRIEL ET LA « NATIONAL ENERGY COMMISSION »: Regards citoyens sur la légitimité et l’autorité du NEC

La National Energy Commission (NEC) reprend ses travaux en assemblée plénière aujourd’hui. Et quoique l’on ait entendu depuis sa création en début d’année l’une ou l’autre voix questionner l’autorité et la légitimité de cette commission, rien ne doit pour autant empêcher l’avancée de ses travaux. La NEC est en effet une instance totalement légitime dans le cadre de sa mission.
D’une manière générale les choix stratégiques sur la génération et la distribution d’électricité sont habituellement menés par le CEB lui-même, dans le cadre d’une commission interministérielle, conduite par le Ministry of Energy and Public Utilities. Quand il n’y a pas, par ailleurs, des projets spontanés d’investissements privés qui sont soumis au Cabinet.
Bien que ces façons de fonctionner aboutissent à des documents dits « stratégiques » ou à des guidelines qui peuvent sembler clairs en apparence, on se retrouve au niveau des opérations, avec des politiques nationales qui ne sont plus très lisibles, parfois confuses. L’absence de fondements légitimes sur la stratégie énergétique a fini par aboutir dans des débats nationaux souvent houleux, comme ce fut le cas il y a quelques années à propos des IPP.
Dans ce contexte, la décision prise le 31 janvier dernier par le Cabinet, réuni sous la présidence du Premier ministre, de créer une commission nationale consultative (la NEC) sur la question de l’énergie est une décision dont les Mauriciens ne peuvent que se réjouir. Elle démontre en outre le sérieux avec lequel le gouvernement tient à considérer cet enjeu en s’assurant pour cela d’avoir un éclairage pertinent. Car c’est en effet le gouvernement qui est seul légitime à décider au final des orientations nationales sur la politique énergétique.
Sur cette question, il y a également la CEB Act qui permet à la CEB de conseiller le Ministre de l’Energie et des Services publics sur les choix nationaux. Mais rien ne reconnaît à la CEB l’exclusivité de cette mission d’une part et d’autre part les décisions prises au sein d’un ministère sont elles-mêmes tributaires de la politique gouvernementale.
Quand il s’agit de prendre conseil avant de décider d’une stratégie nationale, le gouvernement peut s’adresser à toute personne ou panel de personnes qu’il aura mobilisé en fonction de leurs compétences, et sans qu’il ne soit nécessaire de l’établir dans le cadre d’une loi. La proclamation récente du plan d’action du MID ne s’est pas déroulé autrement et bénéficie également de l’approbation du Cabinet, sous la présidence du Premier ministre.
Aucun ministre (fut-ce le ministre de l’Energie et des Public Utilities lui-même) ne peut par une décision singulière, modifier ou rendre caduque une décision prise en cabinet. Il n’aurait ni autorité, ni légitimité pour le faire. Si la légitimité de la NEC tient de sa dépendance au Cabinet, son autorité quant à elle est liée à sa mission qui est d’ordre consultatif. Les Terms of Reference de cette commission sont assez explicites sur cette question et il ne s’agit aucunement pour elle de se substituer à l’autorité exécutive du Cabinet. Néanmoins, il est clair que toutes les instances de l’État, ministères, corps publics ou parapublics et fonctionnaires, sans aucune exception, se doivent de collaborer honnêtement et avec diligence au bon fonctionnement de la commission. En revanche, tout acte contraire serait suffisamment grave pour porter préjudice à la bonne marche des institutions et au gouvernement démocratique du pays.
Bien sûr, la grève de la faim de Jeff Lingaya est un évènement important à l’origine de la NEC. Mais il faut aussi y associer l’important soutien populaire qui a entouré cette action, notamment les 35,000 signatures de pétition qui constituent une aide réelle à l’existence de la NEC.
Il nous paraît enfin, que la NEC tient son autorité aussi de sa propre crédibilité. Compte tenu de sa composition qui intègre des représentants de trois ministères (Ministry of Energy and Public Utilities, Ministry of Environment and Sustainable Development, Ministry of Finance and Economic Development) et du Prime Minister’s Office (incluant la Commission MID), le NEC a de facto une dimension interministérielle ; qui de plus est élargie pour y inclure des spécialistes venant de départements techniques de l’État (le directeur de la National Energy Efficiency et de la Mauritius Research Council), le doyen de la faculté de Engineering de l’Université de Maurice. Et bien entendu, la présence également du directeur de la CEB dont la contribution est désormais intégrée au sein d’une réflexion stratégique nationale plus ambitieuse. C’est dire que cette commission interministérielle s’est entourée d’un panel de compétences reconnues pour mener à bien sa mission de conseil auprès du Cabinet. Cette mission inclut d’ailleurs l’usage des fonds du MID en faveur de la transition énergétique.
Présentée comme telle, la NEC est une commission tout ce qu’il y a de plus habituelle et régulière dans le cadre du fonctionnement de l’État. La nouveauté est qu’on y trouve aussi quatre représentants de la société civile, soit un représentant du secteur privé, un représentant des syndicats, un représentant des consommateurs et un représentant des organisations écologistes. Et c’est précisément cela qui pourrait chiffonner certains. Mais les Mauriciens ne doivent pas s’y tromper. Cette nouveauté est un grand pas pour davantage de démocratie dans notre pays et annonce un tournant qui, espérons-le, fera date dans le domaine de la Good Governance. C’est la garantie d’une plus grande transparence et d’une plus grande participation des citoyens dans la vie civile et c’est déjà la philosophie du projet MID qui est à l’oeuvre. On peut dès lors se demander en quoi plus de transparence et de démocratie peut-il représenter une perte de légitimité pour une commission nationale ? Bien au contraire, la NEC ne peut qu’en sortir renforcée.
Au final, ce qui importe est de laisser la NEC faire son travail, d’auditionner les membres du public et autres experts, de remettre son rapport au Cabinet qui, nous l’espérons, le rendra public et entérinera ses recommandations. Car ce n’est que le début d’un très long chemin que le pays doit emprunter qu’il le veuille ou non en faveur d’une transition vers les énergies renouvelables. Nous avons deux choix, soit nous empruntons ce chemin volontairement et gardons alors le contrôle de l’initiative, soit nous laissons les dinosaures défendre bec et ongles notre servitude aux énergies fossiles et nous nous laissons, par conséquent, entraîner dans un tourbillon infernal hors de notre contrôle.
Au CEB revient la lourde tâche de mettre en oeuvre la stratégie électrique de la nation. Cette mission, ne l’oublions pas, est appelée aujourd’hui à inclure les objectifs du projet MID tels que la réduction de 10% de la consommation énergétique d’ici à 2020 pour les secteurs industriels et commerciaux ou encore 35% d’énergie renouvelable dans le mix énergétique d’ici à 2025.
Avec le NEC, le gouvernement s’est donné les moyens pour prendre une décision sage et informée pour l’avenir du pays. L’ouverture démocratique du NEC est suffisante pour fédérer l’ensemble du pays dans un débat national serein sur l’avenir énergétique du pays.

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