La question des races en France et à Maurice

Jack Bizlall

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Le 12 juillet 2018 est sans aucun doute une date à retenir pour les Français. En effet, les 119 députés (seulement) présents à l’Assemblée nationale ont voté le retrait du terme « race » de la Constitution française. C’est un des amendements qui seront proposés à la Constitution de 1958 établissant la Cinquième République. Un pas fabuleux dans la bonne direction. Mais les Français n’ont-ils jamais pris conscience des enjeux quant à la décision du retrait du terme « race » de leur Constitution? Je ne le crois pas.

L’article premier de la Constitution française

Cet article se lit comme suit : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. »

La partie « sans distinction d’origine, de race ou de religion » a été remplacée par « sans distinction de sexe, d’origine ou de religion ».

Il faudrait d’abord comprendre que le terme « race » fut introduit dans la Constitution de 1946. Le préambule de la Constitution de la Quatrième République affirme ce qui suit : « Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés. Il réaffirme solennellement les droits et libertés de l’homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. »

Ce fut donc le traumatisme de l’élimination de plus de 5.3 millions de juifs par les Nazis et les régimes fascistes (au Pays Bas et surtout par le régime de Vichy avec 75,000 déportations) qui a motivé l’introduction de ce terme alors que l’intelligence des rédacteurs de cette nouvelle Constitution aurait dû les aider à décider autrement, dans un cadre où on était en mesure d’affirmer que si l’être humain fait partie d’une espèce biologique constituée de plusieurs races, à l’exception de notre race, celle de l’homo-sapiens-sapiens (l’Homme moderne), toutes les autres races ont disparu. Les deux dernières sont les néandertaliens (Homo neanderthalensis), disparus il y a 40 000 ans, et l’Homme de Florès (Homo Floresiensis), disparu il y a 60 000 ans. D’autant plus que des recherches scientifiques ont démontré que les humains ont 99.9 % de gènes en commun.

La controverse de Valladolid 

Remontons aux deux séances théologiques tenues à la demande de Charles Quint en 1550 et 1551 au collège San Gregorio de Valladolid qui aboutit à deux conclusions : 1) A l’entérinement de la décision de Charles Quint de 1542, proclamant  «  la liberté naturelle des Indiens; imposant la remise en liberté des esclaves, la liberté du travail, la liberté de résidence et la libre propriété des biens, punissant ceux qui seront violents ou agressifs envers les Indiens ». Ce qui « sauva » les amérindiens de l’esclavage sous la colonisation espagnole ; et 2) A la confirmation de ce statut d’égal aux « Blancs » accordé aux amérindiens mais refusé aux « Noirs » d’Afrique qui non seulement furent maintenus en esclavage, mais par l’action des Européens la pratique de la traite des noirs va être soutenue « pour alimenter le Nouveau-Monde en esclaves ».

Voilà la dure vérité subie par les Africains tant par rapport à la colonisation européenne du monde que par la ségrégation qui s’ensuivit (la séparation physique des personnes selon des critères racistes, dans les activités du quotidien, dans la vie professionnelle, dans l’exercice des droits civiques) dans ces colonies. Aux États-Unis jusqu’à l’adoption du Civil Rights Act en 1964 et du Voting Rights Act en 1965.

Il y eut l’antisémitisme issu d’un rapport avec les juifs par des chrétiens d’Europe qui les accusèrent de déicide et de refus de conversion.  Le grave comportement des Européens au siècle dernier aboutit à deux contradictions: le sionisme et la Shoah. Hostilités et discrimination donc envers les juifs, reposant sur des préjugés, des allégations infondées, des exclusions socio-économiques, des expulsions et des persécutions. Il faudra, je crois, soutenir le savoir de l’histoire dans nos collèges et universités.

Gravure de 1830 de la « Vénus Hottentote », exhibée en France et en Angleterre au début du 19e siècle
Crédit photo:  S. COEURE/ARCHIVES CHARMET/BRIDGEMAN IMAGES

A Maurice

Je milite depuis 2008 pour que le pays passe à la Deuxième République. Dans une publication intitulée « Entre Nous – 1 » le Mouvement Premier Mai aborde deux sujets : 1. Reconstruisons le Mauricianisme et 2) Pour une Deuxième République. Dans ce deuxième texte le MPM aborde trois thèmes : 1) L’Etat, 2) la Citoyenneté et 3) Race et Racisme.

Le texte « Race et Racisme » est un long texte qui réclame le retrait du terme « race » de notre Constitution. La section 16 de notre Constitution définit le terme discriminatory comme suit: « affording different treatment to different persons attributable wholly or mainly to their respective descriptions by race, caste, place of origin, political opinions, colour, creed or sex whereby persons of one such description are subjected to disabilities or restrictions to which persons of another such description are not made subject or are accorded privileges or advantages that are not accorded to persons of another such description. »

Cette section 16 est d’une inutilité que personne ne veut dénoncer. Dans un de mes cours sur la discrimination j’affirme ce qui suit : « En me référant d’une façon globale aux prescriptions de cette section, je n’ai aucun doute que la Section 16 ne sert à RIEN dans le combat contre les discriminations qui perdurent dans notre société, depuis l’indépendance. Je mets au défi quiconque de me dire le contraire. »

Voilà ce qui est écrit dans ce texte de 2008 : « Le monde médical est confronté de plus en plus souvent à des situations où des malades sont affectés par des maladies qui n’existent que dans leurs esprits en termes de phobies, d’obsessions, de fixations, de complexes, etc. Souvent les psychologues sont obligés de faire appel aux psychiatres et même aux guérisseurs, pour les soigner. La question qui se pose est la suivante: est-il suffisant de dire à ces malades qu’ils ne sont pas malades ou que leurs maladies n’existent pas, pour les guérir ? Il en est ainsi de certains maux qui affectent les sociétés contemporaines. Le malade imaginaire l’est par les idées qu’il se fait. Une société l’est par l’opinion commune. Combien de faussetés et de préjugés rendent notre société malade ? Que faire ? Enlever le terme race de notre Constitution et protéger les Mauriciens contre ceux qui y croient et qui pratiquent le racisme ? Ou maintenir le terme race par le fait qu’il soit ancré dans l’opinion commune, pour interdire toute discrimination ayant comme base la référence aux races ? » 

Que propose le Mouvement Premier Mai ?

« Faire disparaître de notre Constitution tout ce qui ne nous convient plus. Faire disparaître de notre conscience tout ce qui nous dérange et nous rend malade. Faire disparaître de notre histoire toutes les faussetés. On ne peut pas se sentir vraiment guéri si on conserve chez soi des médicaments qui n’ont aucune utilité, ou pire encore, qui sont périmés. »

Il faut à tout prix, et en permanence, se défendre contre la théorie des races en lui reconnaissant une inexistence de fait. C’est subtil.

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